
11
Nicolas Ghesquière
Nicolas Ghesquière naît en 1971 à Comines, dans le nord de la France. Dès son enfance, il se passionne pour la mode. En effet, il collectionne les catalogues, étudie les silhouettes, esquisse des tenues. À seulement 18 ans, il intègre la prestigieuse maison Jean-Paul Gaultier, où il travaille d’abord comme assistant styliste. Rapidement, il gagne en responsabilité et charme ses mentors par sa créativité foisonnante.
L’ascension chez Balenciaga
En 1997, un tournant s’amorce dans sa carrière. Balenciaga le sollicite, alors que la maison traverse une période de turbulence. Ghesquière ne redéfinit pas seulement un style : il redonne à Balenciaga une identité radicale. Il assume dès sa première collection des lignes nettes, structurées, ancrées dans l’architecture. Ainsi, il introduit la veste tonneau, la robe sac, la coupe ballon, jouant avec les volumes.
Par ailleurs, il crée des pièces emblématiques : vestes semi-transparentes, jupes asymétriques, bikinis minimalistes. Ces créations, à la fois techniques et radicales, signent l’ADN d’une maison électrisée par la modernité. Il fait renaître Balenciaga, faisant de la couture un terrain d’expérimentation où l’émotion se mesure à la précision du geste.
Une influence éclatante

En effet, sous sa direction artistique, les défilés deviennent des rendez-vous incontournables. Les mannequins défilent sur des podiums blancs, enveloppés dans des structures architecturales. Par ce minimalisme hyper travaillé, Ghesquière impose une esthétique froide, presque futuriste. Pourtant, chaque création conserve une sensualité inattendue, née du contraste entre structure et peau visible.
De surcroît, il impulse une réflexion sur le corps. Il déconstruit la notion de séduction : parfois cachée, parfois révélée, toujours transformée. Il interroge l’identité du vêtement, sa capacité à détourner ou sublimer. Et face à cette vision, la critique salue sa rigueur, tandis que le public reste fasciné par son audace.
Vers Louis Vuitton : un nouveau défi
En 2013, un nouvel horizon s’offre à lui lorsqu’il quitte Balenciaga pour rejoindre Louis Vuitton. À la tête du prêt-à-porter féminin, il relève un défi majeur : associer l’héritage de la maison à son univers créatif. Malgré l’ampleur de la tâche, il ne se contente pas de reproduire un logo ou un zip LV. Il propose une réécriture contemporaine.
Sur ses podiums, le sac monogrammé devient sculpture. Il joue avec les volumes, la technologie, les inspirations historiques et futuristes. Par exemple, ses robes à lamelles numériques ou ses manteaux lasers témoignent d’un usage novateur du numérique et de la tridimensionnalité. Ainsi, il redéfinit le luxe à l’ère digitale.
En parallèle, il ouvre la maison aux collaborations artistiques. Il invite le monde de l’aviation, du cinéma, de la photographie. Chaque collection devient un objet culturel. Elle fait écho à l’époque tout en la sublimant. Ainsi, Louis Vuitton gagne une aura nouvelle, plus globale, plus hybride.
Entre continuité et renouvellement
Néanmoins, Ghesquière ne se laisse jamais enfermer. Son style, sous ses faux airs froids, évolue constamment. Il jongle avec le minimalisme, puis bascule vers des références futuristes, puis conjugue l’héritage avec le streetwear. Il introduit des tissus techniques, des vêtements gonflables, puis revient à des coupes ultra épurées. À tout moment, il remet en cause ses propres codes pour mieux surprendre.
Dès lors, l’industrie de la mode reste en haleine à chaque collection. Car Ghesquière allie toujours deux contraires : une rigueur extrême et une fantaisie inventive. Il conçoit des pièces structurées qui laissent respirer le corps. Il transcende la silhouette sans l’écraser.
Une narration visuelle affirmée

En effet, ses défilés transcendent le simple vêtement. Ils deviennent des spectacles immersifs. Qu’il invite à explorer un pavillon d’exposition ou qu’il crée un décor de ville futuriste, Ghesquière trace un récit. Il propose une narration visuelle où le costume devient acteur, scène et décor.Il construit une dramaturgie silencieuse, suspendue, dans laquelle chaque étoffe a un rôle à jouer. Au-delà du vêtement, il raconte une époque : électrique, anxieuse, mais toujours désireuse de beauté.
Une influence mondiale et durable
En outre, sa maîtrise des codes visuels et techniques lui assure une influence durable. Les jeunes créateurs s’inspirent de son architecture, de ses volumes, de son mathématisme appliqué au tissu. Les grandes marques tentent de reproduire sa rigueur ou sa fantaisie abstraite. Ses vidéos, ses tutoriels de poussière d’étoile créative envahissent les réseaux.
Ainsi, Ghesquière a démontré qu’un créateur pouvait devenir une figure médiatique sans renoncer à l’exigence artistique. Il entre dans les musées, fait l’objet d’expositions, publie des monographies. A la croisée de l’industrie et de l’art, il impose sa marque culturelle.
2025 : une année décisive

Fall-Winter 2025 : un voyage introspectif
En mars 2025, lors de la Fashion Week de Paris, Ghesquière présente la collection automne‑hiver à l’Étoile du Nord. Le décor évoque une gare désaffectée, métaphore du voyage intérieur; Par cette scénographie, il souligne un sentiment de mobilité et d’invention perpétuelle. Les looks explorent aussi bien la maille généreuse que les volumes structurés, parfois ornés de motifs digitaux. L’ensemble se construit autour d’une vision narrative, où chaque tenue semble traversée par une émotion.
Cruise 2026 : Avignon spectacle
En mai 2025, Ghesquière choisit le Palais des Papes à Avignon pour sa collection Croisière 2026. Sous la lumière du crépuscule, les silhouettes s’animent entre murs historiques et architectures sacrées. Les capes métalliques, bottes miroir et robes boho sculptent un style à la croisée des chemins : antique et ultra-contemporain. Par cette scénographie, il amplifie la revendication d’un luxe comme récit vivant.
Une esthétique hybride
À l’intersection du masculin et du féminin, du rigide et du flou, Ghesquière construit des silhouettes androgynes et puissantes. Les épaulettes affirmées répondent à des robes en tulle transparent. Les manteaux structurés dialoguent avec des combinaisons fluides. Cette tension organique est sa marque.
Le numérique appliqué au vestiaire
Par ailleurs, il fait du numérique un matériau à part entière. Les imprimés graphiques, la découpe laser, les matières techniques témoignent de cette hybridation. Ils s’intègrent toujours dans une couture de haut niveau, jamais au détriment de la qualité ou de l’émotion.
Une narration visuelle affirmée
Chaque collection possède un fil rouge narratif. Qu’il s’agisse du voyage, de l’exploration ou de la mémoire, Ghesquière impose une cohérence d’ensemble. À l’écran, le vêtement devient décor : il narre un quotidien transformé, une évasion immédiate. À travers lui, il interroge – sur l’identité, la temporanéité, le rapport au passé.
En somme, Nicolas Ghesquière incarne la modernité avec rigueur et fantaisie. Il transcende la mode pour en faire une expérience du temps et de la mémoire. À chacune de ses collections, il dessine un voyage. Il questionne l’identité à travers le vêtement. Il impose sa grammaire visuelle, poétique et technique.
Cette année 2025 confirme son rôle d’innovateur. Entre la mise en scène ferroviaire, la conquête d’un lieu historique, et ses aspirations nouvelles, Ghesquière poursuit la construction d’un imaginaire créatif hors normes. Il reste ce styliste-roi, capable de donner du sens à la mode – comme peu d’autres.