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Les débuts de Maurizio Gucci
Né le 26 septembre 1948 à Florence, Maurizio Gucci est le fils unique de Rodolfo Gucci, acteur et dirigeant de l’entreprise familiale, et le petit-fils de Guccio Gucci, fondateur de la maison. Dès l’enfance, il grandit au cœur d’un univers imprégné de raffinement et de compétitions.
Rodolfo, homme de rigueur et d’esthétique, le pousse vers la continuité familiale. Maurizio, bien que réservé, se révèle sensible aux enjeux d’image et de prestige qui entourent la marque. Ce cadre privilégié ne l’empêche pas de ressentir très tôt le poids d’un héritage parfois écrasant.
L’ascension après la disparition de Rodolfo
En 1983, à la mort de son père, Maurizio hérite de la majorité des parts de Gucci. Il devient alors l’un des héritiers les plus influents de la maison. Toutefois, son ascension n’est pas immédiate. Une lutte acharnée s’engage avec son oncle Aldo Gucci, figure historique et stratège commercial reconnu.
Maurizio choisit l’arme judiciaire pour affirmer son autorité. Après plusieurs années de procès, il parvient à écarter Aldo et à prendre progressivement le contrôle de la société. Cette victoire symbolise autant son ambition que son désir d’imposer sa propre vision.
Une gestion controversée
Maurizio souhaite moderniser la marque. Il rêve de la repositionner dans le haut du luxe et de redonner à la maison italienne l’éclat de ses origines.
Cependant, son ambition se heurte à une réalité économique complexe. La gestion de Maurizio est critiquée pour son manque de pragmatisme. Entre 1991 et 1993, les pertes s’accumulent. Les observateurs évoquent un gouffre financier, accentué par des choix coûteux et une stratégie parfois déconnectée du marché.
Face à ces difficultés, Maurizio n’a d’autre choix que de céder une partie des actions. En 1988, le fonds d’investissement Investcorp, basé à Bahreïn, acquiert près de la moitié du capital. Puis en 1993, il vend le reste de ses parts pour environ 170 millions de dollars. La famille Gucci perd ainsi son lien direct avec l’entreprise.
Une vie sentimentale marquée par la passion et le conflit
En 1972, Maurizio épouse Patrizia Reggiani, femme au caractère flamboyant. Leur union est perçue comme le mariage de deux personnalités charismatiques, promesse d’un avenir brillant. De ce mariage naissent deux filles, Alessandra en 1977 et Allegra en 1981.
Mais derrière l’image de couple glamour, les tensions s’accumulent. Les ambitions, les désaccords financiers et les différences de caractère creusent un fossé grandissant. En 1985, Maurizio quitte le domicile conjugal. La rupture devient définitive, et le divorce est prononcé en 1994. Par la suite, il entame une relation avec Paola Franchi, décoratrice et amie de longue date. Leur couple se construit dans un cadre plus apaisé, même si les conflits avec Patrizia continuent d’alimenter les rumeurs.
L’assassinat de 1995
Le 27 mars 1995, le destin de Maurizio Gucci bascule brutalement. Alors qu’il rejoint son bureau à Milan, il est abattu de plusieurs balles par un tueur à gages. Le drame choque l’Italie et le monde entier, tant le nom Gucci symbolise le prestige international.
L’enquête dure plusieurs années avant de révéler un scénario digne d’un roman noir. Derrière le meurtre, se cache un complot orchestré par son ex-épouse Patrizia Reggiani. Avec l’aide de complices, elle planifie l’assassinat, motivée par la rancune, la jalousie et les conflits financiers.
En 1998, Patrizia est condamnée à 29 ans de prison, peine réduite ensuite à 26 ans. Cette affaire, surnommée le “crime Gucci”, alimente une fascination morbide et cristallise les tensions d’une famille marquée par l’excès et les rivalités.
Héritage et mémoire
La mort de Maurizio Gucci marque la fin d’une époque. La maison, désormais dirigée par des investisseurs, entre dans une nouvelle phase. Quelques années plus tard, l’arrivée de Tom Ford et de Domenico De Sole relance la marque, la transformant en icône contemporaine du luxe mondial.
Maurizio, souvent critiqué pour sa gestion, reste une figure complexe. D’un côté, il incarne l’ambition et le désir de grandeur. De l’autre, il symbolise les limites d’un héritier pris dans un réseau de luttes internes.
Son destin tragique continue d’inspirer livres, documentaires et œuvres de fiction. En 2021, Ridley Scott lui consacre une place centrale dans House of Gucci, où il est incarné par Adam Driver. Le film remet en lumière la figure ambiguë de cet homme entre pouvoir, passion et fragilité.
Une légende sombre de la mode italienne

Le parcours de Maurizio Gucci illustre les paradoxes d’une dynastie. Héritier d’un empire, il cherche à imposer sa vision, mais se heurte aux pièges de la rivalité familiale et aux exigences d’une industrie impitoyable. Sa vie, entre succès et tragédie, illustre la frontière fragile entre pouvoir et vulnérabilité.
Aujourd’hui, son nom reste associé à la fois au prestige et au drame. Sa mémoire hante l’histoire de Gucci comme un rappel : derrière les fastes du luxe se cachent souvent des luttes d’ombres et des destins brisés.
Maurizio Gucci demeure une figure marquante, entre ambition et fatalité. Son parcours raconte la grandeur et la fragilité d’un héritier confronté à la lourdeur d’un nom. Victime d’un assassinat qui fit la une mondiale, il reste l’un des symboles les plus controversés de l’histoire du luxe italien. Son héritage, mêlé de fascination et de drame, continue de hanter la mémoire collective.