Artiste

Maurizio Cattelan

 

Maurizio Cattelan est un artiste italien né le 21 septembre 1960 à Padoue, en Vénétie. Il est connu principalement pour ses sculptures provocatrices et insolentes et son goût prononcé pour la controverse. Dans ses œuvres ironiques, l’artiste n’a pas peur de dénoncer les travers de notre monde contemporain, jusqu’au monde de l’art dont il fait lui-même partie. Artiste vivant qui compte parmi les plus célèbres et collectionnés au monde, il rejoint, dans la liste des figures majeures de l’art contemporain, des noms comme ceux de l’Américain Jeff Koons ou du Britannique Damien Hirst, connus eux aussi pour leur œuvre provocatrice. Une provocation de l’opinion publique qu’ils exercent aussi bien via les thèmes, les formes et les matériaux qu’ils choisissent. Maurizio Cattelan prend ainsi plaisir à aborder de front les tabous de notre époque : taxidermie, mise en scène de personnalités controversées, sexualité, blasphème, mais aussi questionnement du capitalisme… tout en étant ancré dans celui-ci. Il est aujourd’hui représenté par les galeries Perrotin et Marian Goodman, qui présentent régulièrement son travail entre Paris, New York, Londres, Hong Kong, Séoul, Tokyo ou encore Shanghaï. Ses œuvres ont été exposées dans les plus grands musées tels que le Guggenheim à New York ou la Tate Modern à Londres, et ont intégré des collections majeures telles que la Collection Pinault ou celle de la Fondation Louis Vuitton.

Publié le 24 août 2022. Modifié le 29 mai 2025.

Les débuts remarqués de Maurizio Cattelan, entre l’Italie et New York

 

Originaire d’Italie, Maurizio Cattelan entame sa carrière créative dans les années 1980. Il commence par imaginer et produire du mobilier en bois. À l’époque, il se forme seul, en autodidacte, avant de s’installer à New York à la fin de la décennie. C’est là, qu’il signe ses premières œuvres artistiques. Parmi les plus connues figurent un autoportrait en noir et blanc où il forme un cœur avec ses mains au-dessus du torse, ou encore des lithographies détournant des images historiques de calendriers, estampillées du mot OGGI — « aujourd’hui » en italien.

La même année, en 1989, il est invité à exposer à la Galleria Neon de Bologne. Cependant, au lieu d’y présenter des œuvres, il affiche sur la vitrine une pancarte “Torno subito” (“je reviens tout de suite”). Or, il ne revient jamais. L’espace reste vide, fermé, privé d’art visible pendant toute l’exposition. De toute évidence, cette démarche évoque Le Vide d’Yves Klein en 1958, où aucun objet n’était exposé à la galerie Iris Clert.

Depuis lors, Cattelan persiste à défier les codes du marché de l’art. En 2002, il pousse plus loin encore cette logique. En effet, il inaugure à New York la Wrong Gallery, un espace de 2,5 mètres carrés conçu pour ne jamais ouvrir ses portes ni vendre d’œuvre. À la suite de cela, la façade de la galerie, devenue propriété d’un acquéreur privé, est intégrée aux collections permanentes de la Tate Modern à Londres. Ainsi, l’artiste transforme l’inaccessibilité même en acte artistique.

Un pied de nez assumé de Maurizio Cattelan aux grands acteurs du monde de l’art

Transgressive, l’approche de Maurizio Cattelan fascine rapidement les grandes institutions. Ainsi, en 1993, à la 45ᵉ Biennale de Venise, il est invité à occuper un espace officiel. Plutôt que d’y exposer, il le sous-loue à une marque de parfums, qui l’utilise pour une campagne publicitaire. Cette stratégie, provocante et ironique, marque les esprits.

Par la suite, en 2015, il présente “Errotin le vrai lapin” à la galerie Emmanuel Perrotin. À cette occasion, il conçoit un costume rose de lapin-phallus, censé révéler le caractère séducteur du galeriste. Dès le vernissage, ce dernier est forcé de porter le déguisement, puis de le garder pendant toute l’exposition. Sur les murs, dessins et photos immortalisent cette humiliation théâtrale.

En 1999, lors de l’ouverture de son exposition à Milan, Cattelan pousse plus loin encore sa logique. Effectivement, il scotche son galeriste italien au mur avec du ruban argenté. Cette performance, intitulée A Perfect Day, ne dure qu’un soir. Toutefois, sa photo devient virale et évoque la Crucifixion. Ainsi, le geste performatif prend une dimension quasi religieuse.

D’autre part, ses œuvres ne s’attaquent pas uniquement au monde de la galerie. En 1998, au MoMA, il crée une poupée de Pablo Picasso. À première vue, la marinière évoque la légende. Cependant, la tête gigantesque incarne un ego surdimensionné. Deux ans plus tard, en 2000, il rend hommage à Joseph Beuys. Il expose un simple costume en feutre gris suspendu à un cintre. De toute évidence, ce clin d’œil respecte l’austérité du style Beuys, tout en le réduisant à une forme fantomatique.

Par ailleurs, Cattelan refuse le terme “artiste”. Il se présente comme un “travailleur de l’art”. Souvent, les médias le surnomment “le fou du roi” ou “le Buster Keaton de l’art contemporain”. À juste titre, car son œuvre oscille entre l’absurde, le burlesque et l’irrévérence.

Dans les années 2000, sa renommée croît. Il commence des études de sociologie à l’université de Trento. Malgré cela, il se dit “paresseux” et affirme “ne rien produire”. De ce fait, de nombreux critiques le comparent à Marcel Duchamp. Ce dernier, en inventant le ready-made, avait déjà bouleversé la notion même d’art au XXᵉ siècle.

Les sculptures controversées de Maurizio Cattelan

C’est sans doute en 1999 que Maurizio Cattelan choque le monde avec La Nona Ora. Cette sculpture représente le pape Jean-Paul II, allongé, écrasé par une météorite. À cet égard, le visage fermé du pontife évoque la douleur et la prière ultime. Il conserve sa tiare, sa férule et s’agrippe à son crucifix. Ainsi, l’artiste attaque un symbole majeur du catholicisme. Cette œuvre, jugée quasi blasphématoire, fait scandale. D’autant que Cattelan est italien, et que la foi reste un sujet sensible dans son pays.

Par ailleurs, il utilise souvent la taxidermie. En 1996, Squirrel montre un écureuil suicidé sur une table miniature. En 2007, un cheval sans tête s’encastre dans un mur (Untitled). À cela s’ajoutent des autoportraits absurdes, où il surgit parfois d’un trou creusé dans le sol. Parfois aussi, il incarne l’Histoire : Not Afraid of Love montre un éléphant du Ku Klux Klan. Him (2001) figure Adolf Hitler, agenouillé, enfantin, en uniforme d’écolier.

Ce dernier, vu de dos, semble puni. Ce n’est qu’en le contournant qu’apparaît son visage. La tension naît alors du contraste entre sa posture humble et son identité monstrueuse. En 2016, cette œuvre iconique est vendue chez Christie’s pour 15 millions d’euros. À cette époque, elle est acquise par le collectionneur François Pinault.

Par ailleurs, Cattelan s’attaque aussi aux systèmes. En 2010, à Milan, il érige un doigt d’honneur de 11 mètres. Devant la Bourse, la statue en marbre se dresse comme un affront. Il la nomme ironiquement L.O.V.E., en lettres capitales. De ce fait, elle dénonce le capitalisme et les dérives de la finance. Bien que polémique, l’œuvre reste en place et devient un monument populaire.

La même année, il rencontre Pierpaolo Ferrari. Le photographe doit alors le portraiturer. Ainsi naît leur duo ToiletPaper, devenu magazine d’art contemporain. Ce projet visuel, absurde et surréaliste, pousse les limites du médium. Inspiré dePermanent Food et Checkpoint Charley, ToiletPaper exclut le texte. Il se compose uniquement d’images spectaculaires.

Avec brio, le magazine détourne les codes de la publicité, de la mode et du cinéma. Dès 2012, le New York Times le classe parmi les 10 meilleurs ouvrages photo. ToiletPaper signe ensuite des campagnes pour les Galeries Lafayette. En 2016, Cassius lui confie la direction artistique de son album Ibifornia. Le style trash-pop du duo Cattelan/Ferrari séduit une nouvelle génération d’amateurs d’art.

Des expositions majeures signées Maurizio Cattelan dans le monde entier

 

Maurizio Cattelan critique le monde de l’art, mais il en reste une figure centrale. Il a dirigé la Biennale de Berlin en 2006. Il a aussi présenté ses œuvres dans les plus grandes institutions internationales. Par exemple, la Tate Modern, la Whitechapel Gallery, le musée d’Art moderne de Paris, la Monnaie de Paris, le Ludwig Museum de Cologne ou encore la Fondation Beyeler l’ont accueilli. De même, l’UCCA de Pékin et la Fondazione HangarBicocca à Milan lui ont consacré des expositions.

En 2011, il investit le Guggenheim de New York avec une installation monumentale. Il suspend une centaine d’œuvres dans la spirale imaginée par Frank Lloyd Wright. À la suite de cela, il annonce son retrait du monde de l’art. Cependant, il y revient cinq ans plus tard, dans ce même musée. Il y installe une de ses pièces les plus coûteuses : America, des toilettes en or massif 18 carats, ouvertes au public.

Effectivement, l’œuvre dénonce la décadence capitaliste des États-Unis et vise Donald Trump, récemment élu président. Or, deux jours après le début de son exposition au Palais de Blenheim, en Angleterre, des voleurs dérobent les toilettes. On ne les retrouve jamais. Ainsi, America devient mythique.

En décembre 2019, Cattelan revient sous les projecteurs à Art Basel Miami Beach. Il expose une simple banane fixée au mur avec du Scotch argenté. Il l’intitule Comedian. Dès l’ouverture, l’œuvre fait sensation. La collectionneuse française Sarah Andelman l’achète pour 120 000 dollars.

En quelques heures, la banane devient virale. Le stand de Perrotin se remplit de visiteurs. Les médias relaient massivement l’information. De ce fait, ils critiquent les excès du marché de l’art. Ce faisant, ils participent exactement au dispositif critique de l’artiste. Ensuite, deux autres éditions se vendent encore plus cher, avec seulement un certificat d’authenticité et un rouleau de Scotch.

Comedian devient un mème. Des internautes déclinent le concept sur des objets du quotidien. L’œuvre possède même son compte Instagram.

En mai 2022, Maurizio Cattelan fait à nouveau la une. Daniel Druet, sculpteur français, l’attaque en justice. Il réclame la paternité exclusive de neuf œuvres, dont Him et La Nona Ora. Il exige aussi 4,5 millions d’euros de dommages et intérêts.

Selon lui, ni Cattelan ni la galerie Perrotin ne le créditent lors des expositions. Pourtant, le 8 juillet, le tribunal rejette sa demande. Il affirme que l’idée, la forme et la mise en scène relèvent de Cattelan. En conséquence, la justice reconnaît l’artiste italien comme auteur unique.