Créateur

Matthieu Blazy

Né à Paris en 1984, Matthieu Blazy grandit au croisement de l’art, de la culture et de l’artisanat. Son père, expert en art, et sa mère, historienne, lui transmettent le goût du détail et de la narration visuelle.

Les débuts de Matthieu Blazy

Loin des projecteurs, il se forge une culture du détail, un sens aigu de la composition. Très tôt, il choisit la voie du vêtement, non comme une mode, mais comme un langage. Chez lui, chaque coupe devient une ponctuation, chaque tissu un souffle.

Diplômé de La Cambre à Bruxelles, l’une des écoles les plus rigoureuses d’Europe, il développe une approche méthodique. Son regard est celui d’un architecte du mouvement : il pense en volumes, en portés, en poids. Dès ses premiers travaux, on devine une tension féconde entre structure et fluidité, entre silence et éclat.

L’élégance discrète d’un héritier du geste

Son talent ne tarde pas à être repéré. À sa sortie d’école, il rejoint Raf Simons, alors l’un des créateurs les plus influents de sa génération. Aux côtés de ce maître du minimalisme, Matthieu Blazy apprend l’exigence, le rythme, la retenue. Il se forme à la discipline du geste juste, à la force du non-dit. Ensuite, il intègre Maison Margiela et travaille sur la ligne Artisanal, laboratoire radical où le vêtement se fait concept et couture. Là, il laisse libre cours à un imaginaire sculptural, nourri d’archives et d’explorations textiles.

Ses passages chez Céline, alors dirigée par Phoebe Philo, et chez Calvin Klein, aux côtés de Simons à nouveau, affinent sa grammaire stylistique. Il absorbe l’épure, la tension, la sensualité silencieuse. À chaque étape, il perfectionne un langage propre, sans jamais céder au bruit ni à la tendance. Sa trajectoire se construit dans la rigueur, la fidélité à une idée du vêtement comme refuge et révélation.

Bottega Veneta : le laboratoire du sensible

En 2021, Matthieu Blazy succède à Daniel Lee à la direction artistique de Bottega Veneta. La maison italienne, réputée pour son travail du cuir et son silence publicitaire, devient pour lui un terrain d’expression idéal. Très vite, il y imprime sa signature : des volumes amples, un luxe sans ornement. Il réinvente l’iconique cuir intrecciato, introduit des pièces en trompe-l’œil. Chaque collection creuse un sillon précis : celui d’un luxe intuitif, presque intime.

Matthieu Blazy pense le vêtement comme une extension de l’être. Ses défilés ne sont ni conceptuels ni démonstratifs, mais profondément incarnés. Les mannequins marchent, vivent, traversent. On y perçoit le souffle d’une mode qui refuse l’effet mais épouse le réel. Il capte une époque sans l’imiter, capte une élégance sans la figer.

Une vision du luxe comme murmure

Ce qui distingue Matthieu Blazy, c’est peut-être sa capacité à suspendre le temps. Ses vêtements ne cherchent pas à choquer, mais à durer. Ils s’inscrivent dans une recherche d’intemporalité, loin des logomanies et des tendances fugaces. Il défend une esthétique du détail, du toucher, de la coupe. Il travaille main dans la main avec les ateliers, valorise les savoir-faire artisanaux, et refuse le sensationnalisme.

Sa discrétion dans les médias ne fait qu’amplifier son impact. Il ne s’expose pas : il expose son travail. Ce choix, rare à une époque saturée d’images, fait de lui un créateur respecté des professionnels autant qu’adulé par les passionnés. Il parle peu, mais dit beaucoup par la forme, la matière, la posture.

Chanel : une mission à hauteur d’héritage

En 2024, à quarante ans, Matthieu Blazy est nommé directeur artistique de Chanel. Il succède à Virginie Viard et devient le quatrième créateur à diriger la maison fondée par Gabrielle Chanel. Le défi est immense : faire évoluer l’icône sans la trahir, injecter du présent dans l’héritage. Sa première collection est attendue pour juillet 2025, et avec elle, une nouvelle ère s’annonce.

Sa nomination incarne un retour à l’essence : celle d’une couture précise, émotive, moderne sans être tapageuse. Matthieu Blazy ne viendra pas bousculer Chanel à grands gestes, mais la fera glisser vers un raffinement réinventé. Il saura, sans aucun doute, marier la rigueur de la maison à sa propre sensualité silencieuse.

Le créateur d’une mode habitée

Matthieu Blazy n’est pas un provocateur, mais un passeur. Il relie les savoirs anciens aux désirs contemporains, les techniques invisibles aux sensations tangibles. Il refuse les effets, mais cultive la profondeur. Sa mode, loin des diktats, s’adresse à celles et ceux qui cherchent un vêtement qui a du poids, du sens, de l’âme.

Il incarne une génération qui ne veut plus choisir entre éthique et esthétique, entre innovation et tradition. Chez lui, tout est geste, pensée, respiration. Chaque pièce raconte une histoire discrète mais essentielle. Il ne court pas après la nouveauté, il creuse le présent.

Avec Matthieu Blazy, la mode retrouve une forme de justesse : silencieuse mais puissante, modeste mais ambitieuse. De Bottega Veneta à Chanel, il impose une vision où le luxe n’est plus un cri, mais une caresse. Il nous rappelle qu’un vêtement peut encore bouleverser, non par son audace criarde, mais par sa vérité profonde. Dans un monde qui va vite, il ralentit. Et c’est peut-être cela, sa plus grande modernité.