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Kim Petras
Elle est née à Bonn le 27 août 1992, a fondé son propre label, a flirté avec le kitsch et les ombres, avant d’embrasser la lumière d’un Grammy. Dès lors, Kim Petras ne se contente pas de faire de la musique : elle incarne une mutation. Celle d’une pop électro affranchie, mutante, queer et irrésistiblement dansante. À la lumière de ses refrains incandescents et de ses clips stylisés, l’artiste transgenre allemande compose bien plus qu’une discographie : une époque.
Les débuts de Kim Petras
Tout commence dans l’ancienne capitale allemande de Bonn. C’est là, dans une ville tranquille de l’Ouest, que la singularité de Kim Petras s’affirme très tôt. D’abord par sa transition, qui, selon plusieurs médias, fait d’elle l’une des plus jeunes personnes transgenres à l’avoir réalisée légalement en Allemagne. Ensuite, par sa voix, son allure, et cette volonté manifeste de ne jamais rentrer dans les cases.
Cependant, ce n’est pas par la provocation frontale qu’elle conquiert l’attention, mais bien par la musique. En 2017, I Don’t Want It at All surgit comme une bulle pop saturée, évoquant une Barbie numérique sur fond de beats acidulés. À partir de ce moment, le ton est donné : Kim Petras impose une esthétique hybride, à la croisée du mainstream et du manifeste queer.
BunHead Records, ou l’indépendance flamboyante
Alors que nombre d’artistes cèdent aux injonctions des majors, elle prend une voie à contre-courant. En créant BunHead Records, elle opte résolument pour l’indépendance. Ce choix, certes risqué, lui permet toutefois de façonner un univers sonore sans filtre, sans compromis.
D’ailleurs, Turn Off the Light incarne cette liberté radicale. Inspiré autant par Madonna que par les films d’horreur des années 80, ce projet s’affirme comme une œuvre baroque où la pop électro flirte avec le gothique. Chaque morceau y est conçu comme une scène, chaque beat comme un cri. En cela, la chanteuse transforme le dancefloor en théâtre queer, au croisement du plaisir et de la transgression.
“Unholy” alliance avec Sam Smith : Grammy et mainstream queer
En 2022, un tournant majeur s’opère. La collaboration avec Sam Smith sur Unholy propulse l’artiste dans une autre dimension. Le morceau, sensuel et décadent, agit comme une bombe dans l’univers pop — une messe noire célébrée au cœur même du mainstream.
Ainsi donc, elle devient la première artiste transgenre à remporter un Grammy dans une catégorie majeure. Ce moment, au-delà de son aspect symbolique, marque un point de bascule. Désormais, Kim Petras n’est plus simplement une étoile montante de la scène LGBTQ+ : elle est une figure de proue du pop contemporain.
Et pourtant, malgré cette reconnaissance institutionnelle, elle conserve intacte sa liberté créative. Elle continue à chanter le désir, la métamorphose, la fluidité, tout en livrant des tubes calibrés pour faire vibrer les corps. Cette tension entre subversion et accessibilité, elle la maîtrise avec une précision redoutable.
Clarity : manifeste de chair et de son
Clarity, paru en 2019, reste sans doute l’album le plus personnel de Kim Petras. Plus qu’un enchaînement de hits, il s’agit ici d’un journal intime mis en musique. Chaque titre explore une émotion, un vertige, un rêve.
Heart to Break, notamment, illustre cette capacité à fondre la mélancolie dans l’euphorie. Car si les sonorités restent festives, les textes, eux, portent les stigmates d’amours impossibles et de blessures lumineuses.
En somme, Clarity raconte l’ambiguïté d’un être qui danse pour ne pas tomber. C’est, d’une certaine manière, une pop de surface habitée — à savoir une esthétique léchée, certes, mais traversée de faille, de nuance, de vérité. Ainsi, elle déploie une forme de vulnérabilité puissante, presque politique.
De la scène au mythe : performances live et tournée 2025
À l’heure actuelle, l’artiste prépare une tournée européenne prévue pour 2025. Selon les premières annonces, elle y présentera ses nouveaux morceaux, qui oscillent, comme à son habitude, entre dance-pop explosive et ballades plus sombres.
Mais là encore, ce n’est pas tant la setlist qui fascine que la mise en scène. Ses concerts — à l’image de ses clips — tiennent de la performance totale. Costumes sculpturaux, lumières hypersaturées, chorégraphies ciselées : tout contribue à créer une immersion queer, baroque, futuriste.
D’ailleurs, même dans les pays où elle reste une figure de niche, son aura est incontestable. Car chaque apparition sur scène fonctionne comme une réinvention. Et chaque spectacle semble prolonger un mythe en construction.
Au-delà du genre : manifeste d’une ère post-identitaire
Certes, Kim Petras est une figure LGBTQ+ importante. Mais à l’instar des artistes qui transforment les questions d’identité en esthétique, elle dépasse cette seule dimension. À ce jour, elle incarne une époque où les repères volent en éclat — entre genre et anti-genre, authenticité et artifice, pop et manifeste.
Elle le dit souvent : « Je veux juste faire de la bonne musique. » Toutefois, dans sa bouche, cette phrase résonne comme un défi. Car tout dans sa démarche — ses choix, ses silences, ses éclats — témoigne d’un refus d’être assignée.
En définitive, la chanteuse compose un art total, à la croisée de l’électro, du manifeste queer et de la performance visuelle. Une œuvre où chaque note est un fragment de liberté.