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Jeff Koons
Né le 21 janvier 1955 aux États-Unis, Jeffrey Koons, connu sous le nom de Jeff Koons, est un sculpteur américain célèbre depuis le milieu des années 1980. Son style néo-pop et kitsch s’inspire d’artistes contemporains tels que le peintre et icône du pop-art Andy Warhol (1928-1987) ou le plasticien français Marcel Duchamp (1887-1968), figure majeure du XXe siècle. Depuis ses débuts, ses créations connaissent un grand succès, en partie grâce à la surprise qu’elles provoquent. Il se fait notamment connaître pour ses Balloon Dogs et Inflattable Rabbits, qu’il réalise entre 1994 et 2000. Ces sculptures monumentales représentent des chiens ou des lapins gonflables en acier inoxydable déclinés en bleu, rose, jaune, orange et rouge, et se sont vendues plusieurs dizaines de millions d’euros. En France, une de ses œuvres est exposée de manière pérenne au sein de la capitale : très controversé, son Bouquet de tulipes est installé aux abords du Petit Palais et rend hommage aux victimes des attentats qui ont touché la ville le 13 novembre 2015. Mais Jeff Koons ne se limite pas au monde de l’art et diversifie sa production en collaborant, notamment, avec la pop-star américaine Lady Gaga en réalisant en 2013 une sculpture à son effigie, présente sur la couverture de son quatrième album Artpop. Il travaille aussi avec l’industrie de la mode : il crée un sac avec le label suédois H&M, des housses de téléphone avec Google, une voiture avec BMW pour les 24 Heures du Mans en 2010, des bijoux avec la créatrice anglaise Stella McCartney… Ou encore, en 2017, une série de cinq sacs avec le maroquinier français Louis Vuitton, appartenant au groupe LVMH.

Inflatable Rabbit, la scultpure la plus chère de l’histoire
Jeff Koons naît dans une famille créative : son père est décorateur d’intérieur, sa mère couturière. Pour financer sa pratique artistique, il enchaîne les petits boulots. Il étudie au début des années 1970 au Maryland Institute College of Art de Baltimore (MICA), une école réputée fondée en 1826. Il s’installe ensuite à New York pour chercher une reconnaissance artistique.
Là, il travaille trois ans au Museum of Modern Art, au guichet des abonnements. En parallèle, il crée ses premières œuvres, comme The New, composée d’appareils électroménagers et de néons. Mais il ne vit pas de son art. Contraint, il retourne chez ses parents en Floride.
En 1985, Koons revient à New York. Il présente Equilibrium dans la galerie éphémère International with Monument. Déterminé à rester, il devient courtier à Wall Street. Ce métier lui permet de financer ses sculptures.
Très vite, il attire l’attention. En 1986, il crée Inflatable Rabbit, un lapin en acier inoxydable, produit en deux exemplaires. Cette œuvre devient emblématique. Le collectionneur François Pinault la considère comme une pièce phare de la fin du XXe siècle. En 2019, la sculpture est vendue 91 millions de dollars, devenant l’œuvre la plus chère jamais vendue aux enchères par un artiste vivant.
Parmi ses œuvres marquantes de cette période figure Michael Jackson and Bubbles (1988). Cette sculpture en porcelaine grandeur nature représente le chanteur et son singe, d’après une photo de presse. Sotheby’s la vend plus de 5 millions de dollars en 2001.
Au début des années 1990, Koons épouse Ilona Staller, dite La Cicciolina, actrice pornographique et femme politique italienne. Ils ont un enfant, puis divorcent en 1994. Pendant leur mariage, Koons réalise des œuvres provocantes. Dans Jeff and Ilona (1990), il les représente en sous-vêtements sur un lit, en pleine scène intime. Si ces pièces choquent le monde de l’art, elles augmentent néanmoins sa notoriété.
Plus récemment, Koons se lance sur le marché des NFT. Avec Moon Phases, il vend des sculptures numériques, doublées d’originaux en aluminium destinés à être envoyés sur la Lune. Ce projet hybride explore l’unicité et la présence de l’œuvre au-delà de la Terre.

De la reconnaissance commerciale à celle du milieu
Jeff Koons dirige aujourd’hui une usine de 1 500 m² à New York. Il y emploie entre 90 et 120 assistants. Il leur confie l’exécution de ses œuvres, qu’il ne réalise presque plus lui-même. Son équipe produit des pièces financées par de grands mécènes, puis revendues à plusieurs millions d’euros. Grâce à ces ventes, Koons investit dans sa propre collection. Il rassemble des œuvres majeures du XXe et XIXe siècle, notamment de René Magritte, Gustave Courbet et Édouard Manet.
En mai 2016, One Ball Total Equilibrium Tank — un aquarium contenant un ballon de basket — se vend chez Christie’s pour plus de 13 millions d’euros.
Parallèlement, sa cote grimpe. En 2014, le magazine ArtReview le classe dans le top 10 du « Power 100 » des personnalités les plus influentes de l’art. Il gagne aussi une reconnaissance institutionnelle. Depuis 2011, il est membre de l’American Academy of Arts and Sciences.
Koons expose dans les plus grandes institutions. Le Guggenheim de New York lui consacre une exposition en 2002. Le château de Versailles accueille ses œuvres en 2008, tout comme la Neue Nationalgalerie de Berlin. En 2012, il expose à la Fondation Beyeler de Bâle. Deux rétrospectives suivent : au Centre Pompidou en 2014, puis au Guggenheim de Bilbao en 2015.

Plagiats et polémiques
Tout au long de sa carrière, Jeff Koons alimente les polémiques. En effet, ses œuvres provoquent souvent la controverse, tant par leur caractère choquant que par les intentions artistiques, régulièrement remises en question. De plus, il fait face à plusieurs accusations de plagiat. Dès 1992, un tribunal le condamne pour String of Puppies, une sculpture inspirée d’un cliché du photographe américain Art Rogers. Puis, en 1993, il récidive avec Wild Boy and Puppy, qui copie le personnage d’Odie, issu de la bande dessinée Garfield.
Cependant, l’affaire la plus marquante intervient en 2018. À ce moment-là, la marque de vêtements Naf Naf l’accuse d’avoir repris une de ses publicités de 1985. Son œuvre Fait d’hiver, réalisée en 1988, en reprend à la fois le titre et la mise en scène : une femme allongée dans la neige, un cochon derrière elle. Bien qu’il invoque la liberté artistique, Koons est, en conséquence, condamné en février 2021 à verser 190 000 euros d’amende au créateur de la publicité.
Par ailleurs, en 2008, il fait de nouveau la une avec son exposition au château de Versailles. Là encore, il y installe 17 sculptures aux couleurs vives dans les jardins et les salons du palais. L’exposition, financée à 90 % par François Pinault et d’autres mécènes (soit 2,8 millions de dollars), suscite un tollé. Parmi les œuvres exposées figurent un chien, un homard ou encore un lapin gonflable, présentés dans les chambres des rois de France. En conséquence, de nombreux critiques dénoncent cette intrusion dans un haut lieu du patrimoine. Koons devient alors, à juste titre, le premier artiste américain à exposer à une telle échelle à Versailles.
À cette occasion, plusieurs dizaines de manifestants protestent pour défendre ce qu’ils appellent la « pureté artistique française », comme le rapporte The New York Times. Finalement, plus récemment, une autre œuvre relance le débat. En hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015, Koons propose un monument public : une sculpture monumentale représentant un bouquet de tulipes. Il suggère de l’installer entre le Palais de Tokyo et le musée d’Art moderne de Paris. Or, ce choix, combiné au coût élevé du projet, provoque une vive controverse. Effectivement, beaucoup y voient un geste d’auto-promotion plus qu’un véritable hommage.
Dès lors, la ville décide finalement d’installer l’œuvre en 2019 dans le jardin du Petit Palais, au Pavillon Yannick Alléno. Cette décision apaise en partie les tensions, tout en laissant intacte la question centrale que pose l’œuvre de Jeff Koons : où se situe la frontière entre art populaire et art institutionnel, entre provocation et hommage ? Ainsi, son parcours incarne l’un des plus féconds paradoxes de l’art contemporain : être à la fois adulé, contesté et omniprésent.