Créateur de mode

Glenn Martens

Né en 1983 à Bruges, Glenn Martens n’a jamais suivi un parcours linéaire.

Les débuts de Glenn Martens

Avant de devenir l’un des créateurs les plus audacieux de sa génération, il étudie le design d’intérieur à Gand. Ce premier ancrage dans l’architecture influence durablement son rapport à la mode. Puis, poussé par une intuition plus viscérale, il intègre la prestigieuse Académie royale des beaux-arts d’Anvers. Là, il affine sa vision. Il apprend ainsi à penser le vêtement comme un espace, une forme en mouvement. Diplômé avec les félicitations, il se montre prêt à affronter un monde qu’il souhaite remodeler à sa mesure.

L’ère Jean Paul Gaultier

Très rapidement, Jean Paul Gaultier repère son talent. Le jeune créateur rejoint alors son studio femme comme assistant. L’expérience lui permet de découvrir les rouages d’une maison de couture où la provocation épouse la maîtrise technique. Néanmoins, il ne s’installe pas dans l’ombre des grands. Préférant explorer son propre langage, il fonde en 2012 une marque éponyme, présentée à Paris pendant trois saisons. Il y développe une première approche du vêtement comme terrain d’architecture. Pourtant, c’est en rejoignant Y/Project en 2013 que sa vision prend réellement corps.

À la suite du décès du fondateur Yohan Serfaty, Glenn Martens reprend la direction artistique du label. Dès lors, l’identité de la marque est repensée. Une déconstruction ludique, des volumes modulables, des coupes transformables : chaque proposition s’éloigne des conventions. Grâce à cette approche, Y/Project devient une référence dans le monde de la mode expérimentale. Martens insuffle une théâtralité maîtrisée, une sensualité grotesque mais élégante, et un humour visuel assumé.

Une approche hybride

La presse internationale salue cette hybridité, où le concept ne prend jamais le pas sur le porté. Flirtant avec l’art, le créateur n’abandonne jamais la fonction. Ses vêtements vivent, s’adaptent, s’ouvrent, se superposent. Ils accompagnent le corps sans jamais l’enfermer. Cette tension entre construction et souplesse devient sa signature. Elle attire une clientèle fidèle, avide de pièces audacieuses mais accessibles.

En 2017, il reçoit le Grand Prix de l’ANDAM. Puis, en 2018, les Belgian Fashion Awards le nomment Designer de l’année. Ces distinctions confirment sa trajectoire et ouvrent les portes de projets plus vastes. Ainsi, en 2020, Diesel lui confie la direction créative de ses lignes. L’entreprise italienne, autrefois icône du denim rebelle, cherche alors un second souffle.

Des défilés spectaculaires

Glenn Martens accepte ce défi, mais impose ses conditions. Plutôt que de ressusciter une nostalgie, il préfère ouvrir un nouveau chapitre. Dès sa première collection, une vision radicalement contemporaine du jean s’impose. Effets de distorsion, tailles basses exagérées, volumes inattendus — chaque détail renouvelle les codes. L’ADN brut de la marque subsiste, mais une énergie presque surréaliste vient l’habiter.

Les défilés orchestrés pour Diesel ne passent pas inaperçus. Chaque mise en scène révèle une ampleur spectaculaire, parfois provocante. Toutefois, derrière l’apparat, le propos demeure solide. Glenn Martens aborde les questions de genre, de désir, de recyclage. Il introduit des matériaux responsables, des procédés de teinture écologiques, des collections engagées. L’excès et l’éthique coexistent, formant un discours cohérent.

Une collection capsule

Parallèlement, l’influence du créateur s’étend. En 2022, une collection capsule pour Jean Paul Gaultier rend hommage à son mentor. Les archives sont revisitées avec une modernité acide. Drapés, corsets, coupes sculpturales — chaque pièce relit l’héritage avec respect et audace. Ce retour ponctuel au cœur de la maison Gaultier témoigne d’un désir d’invention constante. Transformer sans figer, c’est sa manière de regarder en arrière.

En 2025, il atteint un sommet symbolique. Sa nomination à la direction artistique de Maison Margiela, en succession à John Galliano, marque une étape décisive. Sa première collection, présentée en juillet, incarne toutes ses obsessions : drapés instables, masques baroques, silhouettes architecturées. Surtout, une émotion palpable traverse le défilé. Loin d’un exercice de style, cet instant devient un moment de grâce salué par la critique.

Martens refuse la posture du créateur tout-puissant. Il cultive un rapport humble à la création. L’écoute, la valorisation du collectif, la précision du mot juste remplacent les slogans creux. Cette discrétion dans un univers saturé d’ego devient une force. Elle lui offre une liberté rare.

Un style conceptuel

Souvent qualifié de conceptuel, son style reste ancré dans le quotidien. Les pièces transformables et hybrides occupent une place centrale. Vestes réversibles, jupes modulables, pantalons doubles : rien n’est laissé au hasard. Ces expérimentations répondent à une époque mouvante, à des identités multiples, à des corps fluides.

Des styles qui s’entrecroisent

L’approche du genre reste l’un de ses traits marquants. Masculin et féminin cohabitent dans une même pièce. Les différences ne s’effacent pas, elles dialoguent. Sans les théoriser, il les pratique. L’inclusivité s’impose naturellement, à travers le vêtement.

Aujourd’hui, Glenn Martens incarne une figure singulière. Ses fonctions, ses esthétiques, ses langues s’entrecroisent. Pourtant, une ligne claire persiste : bâtir, déconstruire, relier. Il ne cherche pas à plaire, mais à dire quelque chose. Chaque vêtement est porteur de sens.

Et pourtant, rien n’est élitiste. Le quotidien, le denim, le jersey, les sweats et les bottes font partie de son langage. Même les pièces les plus simples comportent un détail inattendu : un pli, une couture, une structure. Là réside sa force. Il fait cohabiter le spectaculaire et l’ordinaire, l’intellect et la rue.

Le créateur continue d’élargir son champ. Il refuse les frontières entre mode, design et performance. Les vêtements deviennent objets d’espace. Il parle de la vie, du doute et de l’amour. Sans éclat de voix. Juste par la construction.