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Diesel
Depuis sa création en 1978 par Renzo Rosso, Diesel n’a cessé de réinventer l’imaginaire du jean. À travers une esthétique rebelle, un marketing audacieux et une vision résolument internationale, la marque italienne a su s’imposer comme une référence mondiale du prêt-à-porter. Aujourd’hui, alors que le secteur de la mode traverse de profondes mutations, Diesel persiste à tracer sa propre voie, entre irrévérence et adaptation stratégique.
Publié le 21 juillet 2025. Modifié le 1 août 2025.

Une naissance dans l’effervescence créative des années 1980
Fondée dans la région de Molvena, en Vénétie, Diesel émerge dans un contexte propice à l’explosion de nouvelles marques. Alors que les années 1980 voient naître des labels portés par une jeunesse en quête d’expression, Renzo Rosso comprend rapidement l’importance de se démarquer. Dès le départ, il choisit de cibler un public anticonformiste, attiré par les codes du streetwear et du rock. Le jean devient ainsi le vecteur de cette attitude désinvolte, quasi subversive.
En effet, loin des conventions de la mode italienne classique, Diesel privilégie des coupes travaillées, des effets vieillis et une esthétique brute. Le succès n’est pas immédiat. Pourtant, grâce à une stratégie patiente, la marque construit progressivement une identité forte. Dès les premières campagnes publicitaires, elle adopte un ton provocateur, flirtant avec le surréalisme et la satire sociale. Cela deviendra rapidement sa signature.
Un marketing disruptif au cœur du succès
Ce qui distingue Diesel de ses concurrents, ce n’est pas seulement la qualité de ses vêtements. C’est surtout sa manière de communiquer. Contrairement aux marques traditionnelles, elle choisit très tôt de se positionner comme un acteur culturel, engagé dans une forme de critique ironique du monde contemporain. Les campagnes iconiques des années 1990 et 2000 en témoignent : elles détournent les codes du luxe, des médias ou du pouvoir, tout en cultivant un humour noir assumé.
Ainsi, la marque acquiert rapidement une aura particulière. Elle ne vend pas uniquement des produits, elle propose un mode de vie. Ses publicités, souvent censurées, sont massivement relayées, amplifiant sa notoriété. De plus, en s’adressant à une jeunesse mondialisée, Diesel dépasse les frontières de l’Europe et s’impose progressivement aux États-Unis, en Asie et au Moyen-Orient.
Une stratégie d’internationalisation maîtrisée
Alors que de nombreuses marques italiennes restent centrées sur leur marché local, Diesel anticipe très tôt l’importance du déploiement global. À partir des années 1990, elle ouvre des boutiques dans les grandes métropoles du monde, de Tokyo à New York. En parallèle, elle adapte ses collections aux sensibilités locales sans jamais renier son ADN. Ce subtil équilibre entre adaptation et cohérence permet à la marque de séduire une clientèle hétérogène mais fidèle.
En outre, Renzo Rosso mise sur un modèle d’intégration verticale. Grâce à sa société mère OTB (Only The Brave), il structure un véritable écosystème de marques, incluant Maison Margiela, Marni, Viktor & Rolf et Amiri. Cette stratégie permet à Diesel de mutualiser les ressources tout en conservant une indépendance créative. Ainsi, malgré les fluctuations du marché, la marque garde une agilité précieuse.
Des collections entre mode et manifeste

D’un point de vue stylistique, Diesel oscille entre l’expérimentation et la fidélité à ses racines. Le denim reste son pilier, bien sûr, mais il s’enrichit régulièrement d’influences extérieures : sportswear, couture, street-art. Sous l’impulsion de différents directeurs artistiques — dont Nicola Formichetti ou Glenn Martens — les collections gagnent en complexité, en sophistication, sans jamais perdre leur force brute.
L’arrivée de Glenn Martens en 2020 marque un tournant. Connu pour son travail chez Y/Project, le créateur belge insuffle une nouvelle dynamique à la maison. Il remet en question les silhouettes, joue avec les volumes, les matières, les détournements. Cette démarche s’inscrit dans la continuité de l’esprit Diesel, tout en l’actualisant pour une nouvelle génération. En peu de temps, Martens réussit à replacer la marque au centre des conversations de mode.
Une entreprise attentive aux mutations sociétales

De surcroît, Diesel ne peut ignorer les nouvelles attentes de son public. Dans un contexte où les enjeux environnementaux et sociaux deviennent centraux, la marque s’engage progressivement vers plus de responsabilité. Elle développe des collections éco-conçues, réduit son empreinte carbone et améliore la traçabilité de ses produits. Bien que certains observateurs jugent ces efforts encore timides, ils témoignent néanmoins d’une prise de conscience réelle.
Par ailleurs, Diesel promeut une représentation inclusive. Ses campagnes mettent en lumière des corps atypiques, des identités queer, des parcours marginaux. Ce choix, bien qu’aligné avec les tendances actuelles, s’ancre aussi dans l’histoire de la marque. Depuis toujours, elle défend une vision décalée, ouverte, résolument anti-normative.
Une image pop qui traverse les générations
Aujourd’hui, rares sont les marques qui, comme Diesel, parviennent à maintenir une image aussi forte sur plusieurs décennies. Grâce à une stratégie mêlant humour, subversion et constance, elle a réussi à marquer durablement l’imaginaire collectif. Pour beaucoup, elle incarne la fin des années 1990, une époque de liberté provocante et de créativité débridée. Pourtant, elle ne se limite pas à cette nostalgie. Elle continue d’évoluer, de surprendre, de réagir au monde qui l’entoure.
Si elle parvient à se renouveler, c’est aussi parce qu’elle comprend le rôle des réseaux sociaux, des collabs, des influenceurs. Elle multiplie les partenariats inattendus : avec des artistes numériques, des clubs underground, ou encore des plateformes comme TikTok. Ce dialogue constant avec les cultures émergentes l’empêche de vieillir. Au contraire, elle reste au contact du bouillonnement contemporain.
Une trajectoire encore ouverte
En 2025, Diesel se trouve à un moment charnière. D’un côté, elle capitalise sur son héritage fort. De l’autre, elle cherche à écrire une nouvelle page, plus durable, plus connectée, peut-être plus radicale encore. Sous la direction de Glenn Martens, elle semble bien armée pour relever ce défi. Son énergie créative, combinée à une expertise industrielle, offre un terrain fertile pour les années à venir.
En définitive, Diesel n’est pas une simple marque de jeans. C’est un laboratoire d’attitudes, un catalyseur de récits, une entreprise qui ne craint ni l’excès ni l’ambiguïté. Elle dérange parfois, séduit souvent, interroge toujours. Et c’est précisément cette tension qui la rend si contemporaine.