
26
Colm Dillane
Colm Dillane, né à Brooklyn, fonde KidSuper en 2010 avec l’ambition de rendre la mode narrative et accessible. Il croise dessins enfantins, musiques underground et esthétique graphique. En 2025, KidSuper s’impose comme un espace de création multidisciplinaire : mode, vidéo, peinture, performance.
Publié le 26 juin 2025. Modifié le 9 juillet 2025.

Une mode joyeuse et narrative
Diplômé de mathématiques, passionné de foot et d’art depuis l’adolescence, Colm Dillane ne suit aucun parcours classique. Il crée d’abord des t-shirts sérigraphiés avec ses amis, puis monte un atelier dans le sous-sol de sa mère. Très vite, KidSuper devient un laboratoire d’expériences visuelles et textiles. Sa griffe convoque l’émotion première : des sweatshirts aux motifs peints à la main, des vestes brodées comme des storyboards, des pantalons tagués de pensées intimes.
Il détourne les codes du sportswear tout en y glissant des clins d’œil à la couture : finitions précieuses, imprimés élaborés, coupes savamment déstructurées. Une veste peut ressembler à un tableau de Miró, un manteau à un mur de rue. L’enfance, la mélancolie joyeuse et les relations humaines irriguent son univers.
Collaborations et reconnaissance
Son style coloré, audacieux et authentique séduit rapidement les sphères de la mode et de la musique. Il collabore avec Puma, Nike, Skepta, et surtout Louis Vuitton : en 2023, il est invité par la maison à imaginer la collection masculine de la Fashion Week de Paris. Ce moment charnière assoit sa crédibilité artistique tout en conservant l’esprit KidSuper — ludique, irrévérencieux, libre.
En 2024, Colm Dillane lance une ligne de chaussures, extension naturelle de son univers graphique. Les paires deviennent sculptures portables, entre design industriel et poésie urbaine. L’année suivante, il présente à Paris une collection hybride, avec bâches imprimées, manteaux à double boutonnage, parkas pleines de messages personnels. À mi-chemin entre performance, peinture et mode.
Un artiste avant tout

KidSuper : l’art comme terrain de jeu total
Plus qu’un label, KidSuper est un manifeste. À sa tête, Colm Dillane invente un langage qui mêle mode, peinture, musique et performance. Dès ses débuts, il refuse les formats figés. Tandis que d’autres maisons capitalisent sur des logos, lui choisit la narration. Chaque collection devient un chapitre, chaque défilé une scène vivante.
Dès lors, KidSuper dépasse largement le simple vêtement. À Brooklyn, Dillane fonde un studio polymorphe où tout devient possible. Il y tourne des clips, accueille des jeunes créateurs, filme des danseurs, expose des toiles. Ainsi, le vestiaire devient prétexte à créer des ponts, à explorer les marges, à célébrer l’instinct.
Une scène ouverte aux énergies de demain
Bien souvent, ses défilés prennent la forme de pièces de théâtre ou de stand-up poétiques. Parfois, ils s’apparentent à des happenings. Jamais ils ne se contentent d’un podium classique. Cette liberté scénique illustre une conviction profonde : l’art ne se cloisonne pas, il se contamine. Chez KidSuper, chaque discipline nourrit l’autre. La musique parle au vêtement, la peinture répond à la couture, le cinéma s’invite dans les tissus.
D’ailleurs, cette porosité volontaire s’incarne dans ses multiples collaborations. Il travaille autant avec des rappeurs qu’avec des artistes visuels, tout en collaborant avec Louis Vuitton en 2023 sur une collection éphémère remarquée. En faisant dialoguer les extrêmes, il célèbre le chaos créatif. C’est précisément ce chaos qu’il organise avec tendresse.
Une esthétique joyeusement imparfaite
Colm Dillane ne cherche pas à séduire l’élite. Au contraire, il s’adresse à celles et ceux qui doutent, qui hésitent, qui rêvent à voix haute. Ses hoodies ne sont pas des objets de luxe inaccessibles, mais des fragments de fresques. Ils racontent les émotions brutes, les ratés glorieux, les élans trop grands. Par conséquent, la mode devient langage intime. Elle exprime un monde plus humain, moins lisse, mais infiniment plus vivant.
En revendiquant cette esthétique bancale, KidSuper réenchante le geste vestimentaire. Chaque pièce semble peinte à la main, rapiécée par l’âme. Les visages naïfs, les couleurs primaires, les mots griffonnés évoquent l’énergie du graffiti, mais aussi celle de l’enfance. On y retrouve la candeur de l’art brut, l’urgence du street art, la poésie du jeu.
Un créateur à contre-temps
En 2025, Colm Dillane poursuit cette aventure avec une rare sincérité. Il refuse le cynisme comme moteur. Il ne court pas après les tendances. Bien au contraire, il crée selon son propre tempo, habité par une énergie joyeuse, presque utopique. Bien qu’il soit courtisé par l’industrie, il garde une forme d’innocence dans sa manière de créer. Cela se ressent à chaque collection, où l’on perçoit plus qu’un style : un regard.
À bien des égards, il incarne une figure nouvelle : celle du designer-artiste, héritier de Basquiat, influencé par Charlie Chaplin, et porté par l’énergie de Brooklyn. Il mêle le tragique au burlesque, l’artisanat au numérique, l’improvisation à la maîtrise. C’est cette tension, d’ailleurs, qui donne à ses créations leur force particulière.
L’avenir comme tableau à compléter
Face à un monde souvent saturé de stratégies, KidSuper propose un espace d’air. Il ne vend pas une image figée, mais une multitude de pistes à suivre, de chemins à croiser. Son approche intuitive, mouvante, généreuse fait de lui une exception précieuse dans l’univers de la mode.
Ainsi, Colm Dillane continue d’écrire une fable contemporaine, faite de doutes lumineux, d’éclats de rire et d’imperfections assumées. Il ne prétend pas avoir toutes les réponses. Mais il propose un décor, une voix, une forme de liberté. Et dans ce monde, chacun peut trouver sa place.