Maison de luxe

Chloé

Dans le paysage du luxe parisien, certaines maisons résonnent avec une évidence tranquille. Chloé en fait partie. Fondée en 1952 par Gaby Aghion, la marque incarne depuis ses débuts une vision pionnière du prêt-à-porter de luxe.

Chloé : L’élégance libre depuis 1952

À une époque dominée par la haute couture inaccessible, Gaby Aghion propose une alternative : des vêtements sophistiqués, fabriqués pour être portés au quotidien, sans renoncer à la grâce des coupes ni à la noblesse des matières. En conjuguant féminité, liberté et modernité, Chloé écrit alors une nouvelle grammaire du style, que ses héritiers créatifs n’ont cessé de réinventer.

Une naissance engagée : le prêt-à-porter de luxe

Gaby Aghion est née au Caire, où elle a grandi dans un environnement cultivé et francophile. Arrivée à Paris après la guerre, elle observe une société encore figée dans les conventions. La mode, elle aussi, semble codifiée à l’extrême. En 1952, elle fonde Chloé et crée des vêtements à son image : légers, souples, portés par une élégance naturelle. L’année suivante, elle s’associe à Jacques Lenoir, qui lui apporte le soutien logistique nécessaire au développement de la marque. Ensemble, ils lancent le premier véritable prêt-à-porter de luxe, en rupture avec la tradition rigide de la haute couture.

L’ascension avec Karl Lagerfeld

Le tournant décisif arrive en 1964, lorsque Gaby Aghion confie les rênes artistiques à un jeune créateur alors inconnu du grand public : Karl Lagerfeld. Sous son impulsion, Chloé devient une maison avant-gardiste, alliant romantisme et impertinence. Les silhouettes sont aériennes, les coupes libérées. Les collections, souvent inspirées des seventies, séduisent une clientèle audacieuse et cosmopolite. Brigitte Bardot, Grace Kelly ou Jackie Kennedy deviennent des habituées. Lagerfeld impose une esthétique bohème chic, faite de mousselines vaporeuses, de tons poudrés et d’imprimés floraux, qui deviendront la signature de la maison pendant plus de deux décennies.

Un laboratoire de talents féminins

Si Chloé est restée célèbre pour son héritage Lagerfeld, elle a également été le tremplin de nombreuses créatrices devenues majeures. En 1997, c’est Stella McCartney qui prend la direction artistique. À seulement vingt-cinq ans, elle insuffle un vent pop et sexy, modernise les archives et attire une clientèle plus jeune. À ses côtés, une autre future star émerge : Phoebe Philo, qui lui succédera en 2001. Philo développe une esthétique plus épurée, plus intellectuelle, posant les bases d’une féminité contemporaine et subtile. Elle introduit également les sacs iconiques, notamment le Paddington, qui devient un « it-bag » planétaire au début des années 2000.

Transitions et nouvelles directions

Au fil des années, la maison alterne entre fidélité à son ADN poétique et désirs de renouvellement. En 2006, la direction artistique est confiée à Paulo Melim Andersson, puis à Hannah MacGibbon, qui remet au goût du jour la sensualité fluide des origines. En 2011, Clare Waight Keller relance l’élan avec des collections plus nomades, féminines et raffinées. Le succès est immédiat. Elle introduit aussi des accessoires à succès, comme les sacs Drew et Faye, consolidant la dimension lifestyle de la marque.

En 2017, Chloé confie les rênes à Natacha Ramsay-Levi, qui insuffle une touche plus urbaine, intellectuelle et structurée. Elle réconcilie romantisme et tailoring avec une signature forte. Puis en 2020, c’est Gabriela Hearst, connue pour son engagement écologique, qui marque une nouvelle orientation éthique et responsable.

Chemena Kamali : un retour à l’essence

En 2023, Chemena Kamali est nommée directrice artistique. Ancienne de Chloé, passée notamment par Saint Laurent, elle revient avec l’ambition de renouer avec l’esprit originel de la maison : une féminité libre, fluide, bohème. Sa première collection, saluée par la critique, remet la sensualité douce et la poésie au cœur du vocabulaire Chloé. Robes longues, silhouettes diaphanes, jeux de transparence et couleurs organiques composent un nouveau chapitre, profondément cohérent avec l’héritage de la marque.

Un ADN intemporel et reconnaissable

Ce qui fait la singularité de Chloé, c’est ce mélange d’audace et de douceur, d’ancrage parisien et d’ouverture au monde. La femme Chloé n’est jamais figée. Elle marche, elle rêve, elle s’évade. Elle peut être romantique sans être mièvre, sensuelle sans vulgarité. Chaque collection traduit cette tension féconde entre confort et sophistication, entre tradition artisanale et esprit du temps.

Au-delà des vêtements, Chloé a construit une identité globale, qui s’étend aux sacs, aux parfums, aux bijoux ou encore aux lunettes. Les campagnes, souvent poétiques, célèbrent la beauté naturelle, la lumière douce, les paysages intimes. On y retrouve une quête d’authenticité rare dans le monde du luxe.

Diversification et rayonnement international

La maison ne cesse de se diversifier. En 2001, elle lance See by Chloé, une ligne plus accessible, plus urbaine, qui séduit une génération de jeunes femmes à la recherche d’une mode désirable mais portable au quotidien. Côté parfumerie, la marque connaît un immense succès avec son Chloé Eau de Parfum, lancée en 2008, suivie de nombreuses déclinaisons, toutes incarnant une féminité fraîche et délicate.

Présente dans le monde entier, Chloé possède des boutiques dans toutes les capitales du luxe : Paris, New York, Tokyo, Londres, Séoul, Milan. La maison incarne un certain art de vivre à la française, entre élégance naturelle, savoir-faire et sensibilité artistique.

Engagements et modernité éthique

Depuis plusieurs années, Chloé s’inscrit dans une dynamique plus responsable. Sous l’impulsion de Gabriela Hearst puis de Chemena Kamali, la maison adopte des pratiques durables, travaille sur la traçabilité des matières, soutient des causes sociales et écologiques. En 2021, elle devient la première maison de luxe à obtenir la certification B Corp, marquant une avancée majeure dans le secteur.

Cet engagement ne se limite pas à l’image : il traverse les collections, les process, les prises de parole. Chloé veut désormais conjuguer beauté et conscience, artisanat et innovation.

Une maison d’héritage et d’avenir

Plus de soixante-dix ans après sa fondation, Chloé reste l’une des rares maisons capables de concilier raffinement classique et modernité fluide. Elle ne suit pas les tendances : elle les inspire. Elle n’impose rien : elle propose une allure. Chaque époque y trouve un reflet d’elle-même, comme si le style Chloé traversait le temps sans jamais se figer.

En restant fidèle à la vision de Gaby Aghion — celle d’une élégance sans carcan, sensuelle mais jamais rigide —, Chloé continue d’incarner ce luxe à la française, à la fois délicat, sincère et résolument tourné vers l’avenir.