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Cartier
Fondée à Paris par Louis-François Cartier, la maison éponyme a su conjuguer innovation, élégance et savoir-faire. Du premier atelier de Montorgueil aux ateliers contemporains de la Chaux-de-Fonds, Cartier demeure l’une des références absolues du luxe français.
Les débuts de Cartier
L’histoire de Cartier commence en 1847, lorsque Louis-François Cartier reprend l’atelier de son maître, Adolphe Picard, au 29 rue Montorgueil à Paris. Quelques années plus tard, il s’installe boulevard des Italiens, au cœur d’un Paris en pleine mutation. Très vite, ses montures fines et ses diamants sertis de platine attirent une clientèle aristocratique.
En 1874, son fils Alfred reprend la direction de la maison. À son tour, il en élargit l’horizon, initiant la transformation d’un atelier parisien en une véritable entreprise familiale. Mais ce sont surtout ses trois fils — Louis, Pierre et Jacques — qui feront de Cartier une marque mondiale. À la fin du XIXᵉ siècle, la maison inaugure sa boutique du 13 rue de la Paix, adresse devenue mythique, d’où s’écrit désormais l’histoire du luxe français.
L’expansion internationale
Sous l’impulsion des trois frères, Cartier franchit les frontières. En 1902, Pierre ouvre la succursale londonienne, bientôt fournisseur officiel de la cour d’Angleterre. Deux ans plus tard, le roi Édouard VII qualifie Cartier de “joaillier des rois et roi des joailliers”, scellant sa réputation.
En 1909, Pierre Cartier fonde la branche new-yorkaise et installe la maison sur la Cinquième Avenue. Le bâtiment, acquis contre une simple perle double rarissime, devient le symbole de la conquête américaine. Dans les décennies suivantes, la maison s’étend encore à travers l’Europe et les États-Unis, tout en préservant une même exigence de création.
Montres et chefs-d’œuvre
L’histoire de la maison s’écrit aussi à l’heure du poignet. En 1904, l’aviateur brésilien Alberto Santos-Dumont demande à Louis Cartier une montre adaptée à ses vols. La “Santos” naît ainsi : première montre-bracelet moderne conçue pour un usage pratique. Quinze ans plus tard, en 1919, la maison présente la “Tank”, inspirée du dessin des chars Renault de la Première Guerre mondiale.
Ces modèles, aujourd’hui mythiques, traduisent la capacité de Cartier à saisir l’esprit de son époque tout en créant des formes durables. En 1933, la maison dépose le brevet de la “monture invisible”, innovation technique qui permet de sertir les pierres sans métal apparent. L’équilibre entre art et ingénierie devient alors sa signature.
L’après-guerre et la modernité
Les années 1950 marquent l’âge des grandes clientes : la duchesse de Windsor, Grace Kelly, Elizabeth Taylor. Les pièces de haute joaillerie Cartier symbolisent alors un luxe qui mêle éclat et rigueur. En 1973, la maison de haute joaillerie lance la ligne “Les Must de Cartier”, imaginée pour rendre la maison plus accessible sans renoncer à la qualité. Ce tournant ouvre la marque à une clientèle nouvelle, plus jeune, internationale. Dans le même mouvement, la création de la Fondation Cartier pour l’art contemporain en 1984 affirme le lien entre la maison et la création artistique.
Le patrimoine et la transmission
Cartier s’attache aussi à préserver sa mémoire. En 1989, l’exposition L’Art de Cartier au Petit Palais, à Paris, révèle au grand public l’ampleur de son patrimoine. Suivront d’autres rétrospectives majeures à Londres, New York, Tokyo ou Shanghai. Ces expositions consacrent la maison non seulement comme une marque, mais comme une institution culturelle.
Les années 2000 confirment cette assise. Sous l’égide du groupe Richemont, qui détient la marque depuis 1988, Cartier devient l’un des piliers du luxe mondial. Les créations horlogères se multiplient — “Ballon Bleu” en 2007, “Drive de Cartier” en 2016 — tandis que la joaillerie poursuit son dialogue entre classicisme et invention.
Une maison du présent
Aujourd’hui, Cartier compte plus de deux cents boutiques dans cent vingt pays, mais son centre névralgique reste Paris. L’esprit de la maison repose sur une fidélité au dessin, au savoir-faire et à la main. Chaque collection, qu’il s’agisse de haute joaillerie ou d’horlogerie, prolonge ce même souci de proportion et de justesse.
De la “Panthère” au bracelet “Love”, chaque création porte cette alliance singulière entre simplicité et puissance symbolique. Cartier n’imite pas le passé : il l’entretient. Ses artisans, dans les ateliers historiques de la rue de la Paix ou de la Chaux-de-Fonds, continuent d’inventer à partir des gestes d’hier. Plus qu’une marque, Cartier demeure une école du regard, un lieu où la précision devient une forme de poésie.