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Azzedine Alaïa
Les débuts de Azzedine Alaïa
Né le 26 février 1935 à Tunis, Azzedine Alaïa grandit dans une famille modeste, bercé par l’art, la religion et l’observation des femmes. Très jeune, il développe une passion pour le dessin et la sculpture. Il étudie aux Beaux-Arts de Tunis, mais c’est la couture, transmise par sa sœur et développée auprès de couturiers locaux, qui deviendra son véritable langage. Très tôt, il comprend que le vêtement peut sublimer la forme comme le fait une œuvre d’art.
Une trajectoire parisienne façonnée dans l’ombre
Arrivé à Paris à la fin des années 1950, il débute comme assistant chez Dior, puis travaille pour Guy Laroche et Thierry Mugler. Mais l’homme fuit les projecteurs. Il préfère l’intimité d’un atelier discret, où il habille en secret les femmes influentes de l’époque, de la jet-set à la haute société. Alaïa choisit le détail, la précision, l’ajustement parfait. Son obsession : la coupe. Ses modèles épousent le corps, révèlent la silhouette, magnifient la femme sans jamais l’enfermer.
Les années 1980 : naissance d’un mythe
Dans les années 1980, Alaïa impose son nom. Il devient « le roi du moulant ». Ses robes sculpturales, ses jupes secondes peaux, ses vestes zippées ultra-ajustées électrisent les podiums. Il réinvente la féminité : puissante, conquérante, animale. Grace Jones, Naomi Campbell, Tina Turner portent ses créations comme des armures sensuelles. Il ne suit pas les tendances, il les précède. En refusant les calendriers imposés par la mode, il affirme une indépendance farouche, presque monacale.
Une mode lente, un art sans compromis
Azzedine Alaïa travaille à contretemps. Il présente ses collections quand elles sont prêtes, sans obéir aux diktats saisonniers. Dans son atelier du Marais, entre boutique, appartement et salon d’essayage, il reçoit ses clientes comme des invitées. Il coud encore lui-même, épingle à la main, coupe au millimètre près. Chaque pièce est pensée pour durer, porter un message, dialoguer avec le corps. Sa fidélité au noir, au cuir, au jersey est aussi une quête d’épure.
Un héritage vivant

Décédé en novembre 2017, Alaïa laisse derrière lui une œuvre monumentale. Plus qu’un créateur, il fut un artisan d’élite, un maître du volume, un amoureux du féminin. Son influence se poursuit grâce à la Fondation Azzedine Alaïa, qui préserve ses archives et soutient la jeune création. Aujourd’hui encore, son nom évoque une mode exigeante, sans esbroufe, centrée sur le geste, la matière et le respect absolu du corps féminin.
Azzedine Alaïa n’a jamais cédé aux injonctions de la mode. Il a sculpté, épuré, affirmé. Il a fait du vêtement un manifeste silencieux, une architecture mobile, une ode à la femme. Aujourd’hui, plus que jamais, son travail résonne comme un acte de résistance — délicat, précis et éternel.