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Alexis Mabille
Depuis près de vingt ans, Alexis Mabille trace un sillon singulier dans le paysage de la mode française. Couturier libre, amoureux du détail, il réinvente la féminité sans la figer, et insuffle à la haute couture un souffle d’insouciance et de légèreté. Portrait d’un esthète moderne, entre classicisme et plaisir de créer.
Les débuts d’Alexis Mabille
Né à Lyon en 1977, Alexis Mabille grandit dans un environnement sensible à la beauté des matières. Très jeune, il s’amuse à détourner les vêtements de sa famille, à inventer des silhouettes avec ce qu’il trouve. Sa curiosité pour la couture ne le quittera plus. À l’adolescence, il coud, assemble, transforme. Tout semble déjà tracé : il fera parler l’aiguille comme d’autres manient le pinceau.
Après le baccalauréat, il s’installe à Paris pour intégrer l’École de la Chambre Syndicale de la Couture. Il en sort diplômé en un temps record, repéré pour la justesse de ses coupes et la rigueur de son dessin. Très vite, son talent attire les grandes maisons : il débute chez Dior, dans les ateliers dirigés alors par John Galliano. Ce passage décisif le confronte à la haute exigence du luxe : la perfection du geste, la précision de la ligne, l’importance du spectacle. Il collabore ensuite avec Hedi Slimane pour Dior Homme, où il développe un goût pour la sobriété graphique et l’allure androgyne.
Ces années d’apprentissage lui offrent la meilleure des écoles : celle du savoir-faire, mais aussi celle de la liberté. Car très vite, Alexis Mabille comprend qu’il lui faudra voler de ses propres ailes pour exprimer pleinement son univers.
Une maison née d’un désir d’indépendance
En 2005, il fonde sa marque éponyme à Paris. Ses premières collections, unisexes, s’affranchissent des frontières entre le masculin et le féminin. Les chemises empruntent leurs lignes au vestiaire d’homme, les pantalons se parent de soie, les robes empruntent aux smokings une rigueur presque architecturale. Son signe distinctif apparaît rapidement : le nœud papillon. Détourné, agrandi, stylisé, il devient un emblème, un clin d’œil élégant à la tradition qu’il modernise sans la renier.
L’art du contraste
Ce qui frappe dans l’univers d’Alexis Mabille, c’est la manière dont il marie les contraires. La coupe est nette, parfois stricte, mais le mouvement reste souple, presque fluide. Les matières – satin, mousseline, organza, dentelle – jouent avec la lumière, glissent sur le corps, dessinent une silhouette qui respire. Chez lui, la féminité n’est jamais un carcan ; elle s’exprime dans le geste, dans l’attitude, dans la façon d’habiter le vêtement. Il aime les couleurs franches : le blanc éclatant, le bleu profond, le rouge franc. Mais il sait aussi se contenter du silence d’un noir absolu.
Un couturier à l’écoute du monde
En décembre 2012, la Chambre syndicale de la haute couture lui accorde le statut officiel de maison de haute couture. Une consécration rare, qui inscrit son nom dans le cercle fermé des créateurs français les plus reconnus. Pourtant, Alexis Mabille n’a jamais cherché à se réfugier dans la tour d’ivoire du luxe.
Son regard demeure ouvert sur le monde : il observe les changements de société, les nouvelles attentes, la quête de fluidité et d’authenticité. Ses collections traduisent cette conscience : elles s’adressent à une génération qui aime le beau sans se soumettre à la tradition.
Son approche du vêtement est presque humaniste : il s’agit d’accompagner la personne qui le porte, de souligner son allure plutôt que de la contraindre. Il dit souvent que « le style, c’est ce qui reste quand tout le reste a disparu ». Cette phrase pourrait résumer son œuvre.
Alexis Mabille : Entre couture et art de vivre
La couture n’est pas le seul terrain de jeu d’Alexis Mabille. Passionné par les arts décoratifs, il s’intéresse aussi à la scénographie, à la décoration intérieure, au mobilier. Cette ouverture traduit sa vision globale de l’esthétique : la beauté n’est pas cloisonnée, elle se prolonge d’un univers à l’autre.
Dans ses intérieurs comme dans ses collections, on retrouve cette même recherche d’équilibre : une harmonie entre le geste et l’espace, entre la structure et la douceur. Cette transversalité nourrit son identité : Mabille n’est pas seulement un créateur de mode, c’est un architecte de l’allure, un orfèvre du détail.
Alexis Mabille : Une élégance durable
Les défis contemporains de la mode ne lui échappent pas : responsabilité, durabilité, transmission. Fidèle à l’artisanat français, il défend le travail des ateliers et la valeur du temps. Ses créations, réalisées à la main, sont pensées pour durer, non pour se démoder.
Cette éthique du temps long contraste avec la frénésie des tendances. Elle inscrit sa maison dans une modernité calme, celle qui préfère la justesse à la surenchère.
Une vision singulière de la couture
Son parcours, depuis les ateliers de Dior jusqu’à la reconnaissance de la haute couture, raconte une fidélité à soi-même. Dans chaque collection, il poursuit cette même quête : allier la perfection du savoir-faire à la liberté du geste.