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Sortie d’école : qui sont les jeunes artistes les plus prometteurs ?
Les Magasins Généraux accueillent à Pantin Artagon.IV Heading East !, une exposition bouillonnante réunissant des jeunes artistes issus de toute l’Europe, tout juste diplômés ou encore en école d’art.
Par Thibaut Wychowanok.
Fondée en 2014 par Anna Labouze et Keimis Henni, l’initiative Artagon réunit chaque année de (très) jeunes artistes sélectionnés par un jury international au sein d’écoles d’art, de Paris à Moscou. Fort d’un casting de jurés 3 étoiles (du galeriste Emmanuel Perrotin à l’artiste Anne Imhof), Artagon réunit jusqu’au 11 novembre la crème des étudiants d’art, soit 32 artistes ou collectifs. Numéro art, partenaire de l’événement, s’est intéressé au travail de deux d’entre eux.
DANS LES BACKROOMS AVEC HAMID SHAMS
École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris
L’artiste de 28 ans est né en Iran et développe désormais à Paris un travail autour de la sexualité homosexuelle qu’il envisage plus largement comme un espace relationnel ambivalent où se mêlent frictions, violence, intimité et plaisirs. Aux Magasins Généraux, Hamid Shams présente une installation inspirée des pratiques BDSM : un sling recouvert d’une fausse fourrure se transforme en objet domestique et velouté. “Les pratiques BDSM peuvent se montrer brutales, commente l’artiste, mais elles ouvrent par ailleurs un espace incroyable : à la fois refuge confortable et lieu scandaleux, construit comme un espace théâtral.”
“L’objet usuel et sale devient ici une sculpture – artefact noble s’il en est.” Hamid Shams
Alors que souvent, la relation sexuelle se fait avec des inconnus dans une forme de violence consentie, puis s’évanouit dans l’oubli sans qu’on prenne le temps de connaître l’autre, le travail d’Hamid Shams capture ces moments à travers son dispositif artistique. Il a ainsi donné à un laboratoire photographique, ouvert au public, les apparences d’une backroom où était installé le sling. Le papier photographique installé sur le sol a ainsi imprimé tous les mouvements des visiteurs, les flashs de leurs appareils photos etc. Ces photogrammes, devenus des épreuves, recouvrent des pissotières – lieux de drague traditionnels pour les homosexuels, installées elles aussi à Pantin. “L’objet usuel et sale devient ici une sculpture – artefact noble s’il en est, conclut Hamid Shams. En lieu et place de l’urine, de l’eau de rose tombe sur la sculpture, la nettoie et la parfume.”
LE TRAUMA VERSION YOUTUBE D’ALMA LILY RAYNER
Académie des beaux-arts de Prague
Militante féministe dont le travail est traversé par les notions de trauma et de genre, Alma Lily Rayner réussit à en éviter tous les écueils. Dans ses vidéos chocs, ni surdramatisation ni victimisation, mais des dispositifs efficaces qui nous confrontent aux tabous et aux non-dits. Pour sa vidéo Would You Like A Cookie (2016), l’artiste s’est intéressée aux victimes d’abus sexuels qui utilisent Youtube pour raconter leur histoire. “J’ai pu trouver des centaines de vidéos de confession postées par des victimes, explique Alma Lily Rayner. La voix du traumatisme n’est plus exclusivement dictée par les autorités extérieures, mais émerge plutôt de l’intérieur.”
L’artiste a contacté 11 jeunes femmes et leur a demandé de décrire sur plusieurs feuilles blanches leurs émotions suite à leur agression. Elles se sont photographiées, assise, avec ces feuilles de papier. Dans sa vidéo, Alma Lily Rayner reprend la même position et fait se succéder à l’écran chacune des photos, entre ses mains. Les messages sont lourds, émouvants et forts. La performance incarne surtout ce passage symbolique des mots, d’une main à l’autre, qui parvient à faire surgir l’indicible, le lien social permettant de faire émerger une parole tue sur le traumatisme dans une mise en abîme prodigieuse.
Artagon IV, Heading East!, jusqu'au 11 novembre aux Magasins Généraux à Pantin.