Rencontre avec la top model Natalia Vodianova et son fils Lucas Portman
Telle mère, tel fils. Top model iconique surnommée “Supernova” en raison de son succès stratosphérique, Natalia Vodianova a certainement transmis plus que sa beauté en héritage à son aîné, Lucas Portman. Défiant les malédictions qui pèsent souvent sur les enfants de star, le jeune homme s’essaye lui aussi aujourd’hui au mannequinat tout en poursuivant ses études. Une bonne raison de provoquer, sous l’égide de Numéro Homme, une réunion de famille, pour savoir ce que les deux reines de beauté se racontent, le soir, autour du dîner.
Numéro Homme : Natalia, dites-nous tout de votre enfance dans l’ex-Union soviétique.
Natalia Vodianova : Euh…
À ce propos, c’est où, exactement, l’ex-Union soviétique ? En Russie ?
N.V. : Mon Dieu ! vous n’êtes jamais allé à l’école ? L’Union soviétique était un État fédéral souverain constitué de différentes républiques – parmi lesquelles l’Ukraine, la Géorgie, la Lituanie ou l’Arménie – et dont la dissolution a eu lieu en 1991. J’avais 9 ans.
En quoi avez-vous été personnellement concernée, dans votre enfance, par l’effondrement du bloc communiste ?
N.V. : La chute de l’Union soviétique a été un raz de marée qui a bouleversé la vie des gens, partout et de façon radicale. Les institutions étatiques se sont subitement désagrégées, avec des effets désastreux. Mon oncle, par exemple, s’est retrouvé sans emploi lorsque l’Institut océanographique où il travaillait a fermé ses portes, faute de financement. Des millions de personnes ont perdu leur travail, le rouble soviétique s’est effondré et sa dévaluation a entraîné une gigantesque crise. Avant cela, l’URSS produisait trois millions de paires de chaussures noires et autant de paires de chaussures rouges par saison – et c’étaient les seules auxquelles la population avait accès, le pays étant hermétiquement fermé au commerce extérieur. On y vendait un unique modèle de manteau, fabriqué dans les ateliers soviétiques. Quand l’État communiste s’est écroulé, toutes ses usines ont mis la clé sous la porte : plus personne ne voulait avoir les mêmes chaussures que son voisin, puisqu’on pouvait s’en procurer d’autres, différentes, qui venaient de Pologne ou d’ailleurs. Quand j’étais petite, je me souviens avec quelle impatience j’avais attendu de mériter mon foulard rouge des Jeunes Pionniers soviétiques – un mouvement de jeunesse que l’on pourrait comparer au scoutisme dans le monde occidental. Et voilà que, tout à coup, cette organisation était elle aussi dissoute. Fin 1991, on a abandonné le port de l’uniforme dans les écoles. Pour moi, ça a été un vrai traumatisme parce que je me suis soudain rendu compte à quel point, dans ma famille, nous étions pauvres. Je ne possédais pratiquement aucun vêtement à moi, mais jusque-là, à l’école, nous étions tous habillés pareil.
Que faisaient vos parents de leurs dix doigts ?
N.V. : Je n’ai pas vraiment connu mon père. Bon, ce n’est pas une histoire très gaie. Mes parents m’ont eue très jeunes – ils avaient tous les deux 19 ans – et ma mère était enceinte lorsque mon père a été appelé au service militaire. On ne sait pas exactement ce qui lui est arrivé à l’armée – on pense qu’il a peut-être subi des sévices… Ce que l’on sait, en tout cas, c’est qu’il a déserté. À l’époque, dans le Code pénal russe, la désertion était un crime considéré comme la pire faute qu’un homme puisse commettre. Ma mère a perdu sa trace pendant deux ans et, quand il a refait surface, elle avait déjà rencontré mon beau-père. Ma grand-mère, qui avait une très forte personnalité, a tenté de ressouder le couple formé par mes parents, mais sans succès. Nous pensons que, lorsqu’il a enfin été gracié – sa famille ayant réussi à prouver qu’il avait déserté pour de bonnes raisons – mon père, qui à ce moment-là était sans domicile, a rencontré une autre femme.
Vous avez donc été élevée par votre beau-père ?
N.V. : Pas exactement, non. Ma mère l’avait épousé, et nous avons brièvement vécu tous ensemble, mais il nous a abandonnées à la naissance de ma sœur Oksana, qui est née avec un handicap.
Doux Jésus !
N.V. : Ça a été une période très dure, pour nous toutes. [Un silence.] Désolée d’entamer cet entretien avec des sujets aussi plombants ! [Rires.]
Pour parler de choses un peu plus légères, Lucas, comment êtes-vous devenu mannequin ?
Lucas Portman : Eh bien, comme on vous l’a peut-être dit, ma mère est mannequin. [Rires.] Enfant, je l’ai souvent accompagnée à ses séances photo ou à ses défilés. J’ai toujours été fasciné par la mode. J’aimais vraiment ça, et j’ai eu envie d’essayer. Et quand j’ai essayé, ça m’a plu.
J’ai vu que vous aviez défilé pour Balmain la saison dernière – c’était votre première apparition sur un podium ?
L.P. : Oui. C’est marrant parce que Balmain est le premier défilé auquel j’ai assisté à l’âge adulte, et c’est aussi le premier show pour lequel j’ai été mannequin.
N.V. : On le lui a aussi proposé parce qu’Olivier [Rousteing, le directeur artistique de Balmain] et moi sommes très amis, et qu’Olivier m’a dit un jour : “Oh, mais Lucas est tellement mignon, pourquoi il ne viendrait pas à mon défilé homme ?”
Lucas, je me suis toujours posé cette question : que se passe-t-il dans la tête des mannequins hommes lorsqu’ils arpentent les podiums ? Si tant est qu’il se passe quelque chose ?
N.V. : Je pense qu’ils doivent se dire la même chose que leurs homologues féminines : “Surtout, ne tombe pas, ne tombe pas, ne tombe pas !” [Rires.]
L.P. : Je ne sais pas si vous avez vu les images, mais pour ce défilé Balmain, j’étais à peu près aveugle. Je portais des lunettes de soleil complètement enveloppantes, qui n’avaient pas encore été lancées en production, et les verres du prototype étaient en plastique noir, hyper épais – impossible de voir quoi que ce soit à travers, même si votre vie en dépendait.
N.V. : N’importe quoi. C’est la première fois que j’entends cette histoire. [Rires.]
L.P. : Sans oublier le light show, avec les projecteurs et les spots aveuglants. Honnêtement, je ne voyais même pas où s’arrêtait le podium. J’ai plus ou moins fonctionné à la mémoire musculaire, parce que je l’avais déjà fait lors des répétitions – et sans les lunettes.
Et vous êtes tombé ?
L.P. : Eh bien, non.
N.V. : [Rires.] Dommage ! Parce qu’avec une chute, il serait vraiment passé à la postérité.
Première et dernière apparition sur le catwalk.
N.V. : Ça n’aurait pas dérangé plus que ça. Un jour, lors d’un défilé Vivienne Westwood, Naomi s’est étalée, et aux dernières nouvelles, elle ne s’en est pas trop mal tirée par la suite.
“Fin 1991, on a abandonné l’uniforme dans les écoles soviétiques. Ce fut un traumatisme car je me suis rendu compte à quel point nous étions pauvres. Jusque-là, je ne possédais presque aucun vêtement à moi, mais nous étions tous habillés pareil.” Natalia Vodianova
Lucas, votre mère ne vous a-t-elle pas enseigné toutes les ficelles du métier ?
L.P. : Nous venons de déménager, mais dans notre ancien appartement, nous disposions d’un très long couloir. Avant le défilé Balmain, ma mère s’est mise en mode : “O.K., Lucas, vas‐y, marche !”
N.V. : [Rires.]
L.P. : Donc là, je me mets à défiler, et elle à crier : “Non mais, c’est quoi ça ?” C’était l’horreur ! Au bout d’un quart d’heure de ce petit exercice, elle m’a dit : “Mon chéri, il va falloir que tu te détendes. Tu es censé marcher, pas attaquer au trot !” Quand elle en a eu fini avec moi, je dois dire que j’y étais presque. Mais bien sûr, une fois sur le podium, je n’ai suivi absolument aucun de ses conseils.
N.V. : Et il a défilé au trot de manège, comme un poney de concours ! [Rires.]
Natalia, comment avez-vous rencontré, en 2000, le père de Lucas, Justin Portman, héritier de l’une des plus grosses fortunes immobilières du Royaume-Uni ?
N.V. : Nous avons fait connaissance lors d’un dîner chez un ami commun, à Paris. Le reste de l’histoire n’est pas tout à fait aussi conventionnel – en particulier selon les critères européens – parce que nous étions tous les deux très jeunes, et ensemble depuis seulement sept mois quand je suis tombée enceinte. J’avais 18 ans, nous étions follement amoureux, et on avait des rapports non protégés. En revanche, je ne dirais pas que j’étais immature, parce qu’à l’époque je me sentais déjà très adulte. J’avais le sentiment d’avoir gagné cette maturité après une enfance vraiment compliquée, où j’avais dû en partie élever mes sœurs, dans une pauvreté absolue. J’entends encore Justin me dire : “Tu dois faire attention, il ne faut pas ruiner ta carrière [de mannequin].” Mais ma carrière, je m’en moquais éperdument, et, de toute façon, il était trop tard pour avoir ce genre de conversations puisque que j’étais déjà enceinte. [Rires.]
De quelle manière avez-vous été repérée en tant que mannequin ?
N.V. : J’ai été découverte par un “scout” français alors que j’étais représentée par une agence, à Gorki, ma ville natale, et il m’a fait venir à Paris. Mais mon intuition me disait qu’avec l’agence parisienne en question, il y avait anguille sous roche, et j’en ai donc rapidement changé pour passer chez Viva Model Management, dont le fondateur, Cyril Brulé, me représente encore aujourd’hui.
Le passage d’une enfance défavorisée au statut de “Supernova” internationale n’a-t-il pas été pour vous un choc trop violent ?
N.V. : C’était un peu comme si j’étais morte pour me réveiller au paradis. D’un seul coup, je vivais à Paris, entourée de gens heureux – là, déjà, ça faisait une grosse différence – qui ne me jugeaient pas parce que j’étais pauvre, ou parce que j’avais une sœur qui n’était pas comme tout le monde. J’ai senti que je pouvais prendre un nouveau départ. Je n’ai jamais cherché à réécrire mon histoire, parce que je suis très fière de mon passé, mais ma nouvelle vie m’a permis de mettre pas mal de choses en perspective. [Un silence.] Tout à coup, les épreuves horribles vécues dans l’ex-Union soviétique devenaient pour moi une forme de richesse. Mais pour répondre à votre question, quand j’ai commencé à gagner vraiment beaucoup d’argent – plus d’argent que je n’aurais jamais pu en dépenser –, c’était en 2002, Lucas avait 1 an, et j’ai ressenti une très grande confusion. À 22 ans, j’enchaînais les contrats avec Chanel, Gucci, Calvin Klein et L’Oréal, on m’emmenait au bout du monde et j’étais invitée partout, mais je me sentais perdue. Je n’avais jamais lu les magazines de mode, jamais rien convoité de ce qui ne m’appartenait pas, et, de par mon éducation, j’avais grandi en étant persuadée que je n’étais même pas jolie. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de lancer la Naked Heart Foundation.
Est-ce que la naissance de Lucas, votre premier enfant, vous a aidée à trouver un ancrage ?
N.V. : C’était un vrai bébé de poche. [Rires.] Il m’accompagnait dans tous mes voyages.
L.P. : J’étais son petit chien de sac à main – un parfait chihuahua. [Rires.] Maman m’a dit un jour qu’à l’âge de 1 an, j’avais déjà fait plus de rencontres que la plupart des gens dans toute leur vie.
Natalia, vous venez de vous fiancer avec Antoine Arnault, fils de la deuxième fortune mondiale. Toutes mes félicitations !
N.V. : Je vous remercie.
Mais avez-vous déjà essayé de sortir avec autre chose qu’un multimilliardaire ? Un caissier de chez Monoprix, un prof de yoga ou un chauffeur de bus, par exemple ?
N.V. : Lapin, vous trouvez que j’ai une tête à prendre le bus ? [Rires.] Et lorsque je le prends, je suis généralement entourée d’une telle ribambelle d’enfants que cela suffirait sans doute à faire fuir en courant n’importe quel homme.
Comment Antoine Arnault vous a-t-il demandé votre main ? Il a mis un genou à terre lors d’un dîner aux chandelles ?
N.V. : C’était follement romantique. Il s’était très, très bien préparé pour l’occasion – et moi, pas du tout. [Rires.] Je vous épargne les détails, mais le plus touchant à mes yeux, c’est qu’il m’a fait une très longue déclaration… en russe ! Ce jour-là, je portais des lunettes de soleil, et, pendant un très long moment – assez interminable pour qu’il commence à s’inquiéter – je ne suis pas parvenue à lui répondre, parce que je pleurais comme une madeleine derrière mes verres teintés. Au bout de quelques minutes, il a fini par me dire : “Alors, c’est oui ?” [Rires.]
J’espère que la bague de fiançailles venait de chez Tiffany & Co., ce serait quand même la moindre des choses.
N.V. : Antoine m’a demandée en mariage en février, et l’acquisition de Tiffany [à 14,7 milliards d’euros par LVMH] n’était pas encore à l’ordre du jour… Du moins pas que je sache ! [Rires.]
Lucas, d’après vous, en quoi vos préoccupations sont-elles différentes de celles de votre mère quand elle était enfant et adolescente ?
N.V. : C’est une excellente question.
L.P. : En ce moment, je postule dans des universités américaines – Brown, Columbia, Yale… et toute une série d’écoles de secours, au cas où…
N.V. : Chut ! Pas de noms. Elles ne doivent surtout pas savoir quelles sont tes écoles de secours. [Rires.]
L.P. : Mais pour répondre à votre question, ma plus grande préoccupation, à l’instant T, c’est qu’il n’y a pas de prise de courant dans ma nouvelle chambre. Il a même fallu que je déplace une chaise pour pouvoir recharger mon portable dans la salle de bains – ce qui est une tragédie.
N.V. : Bouh, ce pauvre petit !
Natalia, je ne sais pas pourquoi je vous pose toute ces questions dignes d’un magazine féminin – sans doute parce que je suis une grande folle – mais pourquoi – horreur ! terreur ! épouvante ! – avoir choisi de mettre Lucas au monde sans péridurale ?
N.V. : C’est comme ça que les femmes font des enfants depuis la nuit des temps et, pour être tout à fait honnête avec vous, je n’ai même pas eu besoin de me poser la question. À l’époque, la péridurale me semblait complètement antinaturelle. J’ai tendance à penser que les femmes qui choisissent d’avoir un enfant, et qui veulent créer avec lui un lien vraiment très fort, ont tout intérêt à choisir l’accouchement sans béquille médicale, au moins une fois. Si je m’en tiens à mon expérience, c’est très différent quand on accouche sous anesthésie.
L.P. : Elle dit ça, mais elle a dû retrouver la raison à un moment donné parce que mes frères Viktor, Maxim et Roman sont tous nés avec une bonne dose d’antalgiques.
N.V. : C’est bien pour ça que j’ai précisé au moins une fois ! [Rires.]
Natalia, quelles sont les valeurs acquises durant votre enfance, qui vous guident aujourd’hui dans votre façon d’élever vos propres enfants ?
N.V. : Mon enfance tout entière a été comme une longue leçon de vie. Cela dit, ce qu’elle m’a enseigné de plus important, c’est la valeur du travail et de l’effort. Et ça, c’est assez difficile à transmettre à ses propres enfants, surtout lorsque ce n’est pas une nécessité pour eux.
Lucas, que pensez-vous du président de la République, Emmanuel Macron ?
L.P. : Contrairement à d’autres présidents français avant lui, M. Macron semble aborder pas mal de sujets qui comptent pour ma génération. Sur le réchauffement climatique, par exemple, son engagement me semble sincère – même si on sent qu’il a parfois du mal à concilier préoccupations écologiques et réalités économiques, comme on l’a vu avec sa très controversée proposition de hausse des taxes sur le carburant en France – abandonnée depuis.
N.V. : Si vous me permettez d’ajouter quelque chose, en 2017, Emmanuel Macron a lancé son plan pour un meilleur diagnostic et une meilleure prise en charge de l’autisme. Ma petite sœur étant elle-même dans ce cas, c’est bien entendu un sujet qui me touche profondément.
Natalia, pourquoi un tel investissement personnel dans la philanthropie alors que vous pourriez rester tranquillement chez vous à collectionner jets privés et hôtels particuliers, et à cacher des œufs de Fabergé dans le jardin pour Pâques ? Quelle mouche vous a piquée ?
N.V. : Quand j’ai commencé ma carrière dans la mode, j’ai eu beaucoup de mal à accepter les disparités entre ma vie d’avant, à Gorki, et ma nouvelle existence parisienne. J’étais très consciente d’avoir laissé là-bas des millions de personnes vivant dans une extrême pauvreté – et ça me semblait profondément injuste. Subitement, je n’avais plus besoin de me battre pour survivre. C’est pour ça que j’ai lancé la Naked Heart Foundation en 2004 : pour continuer de me battre. Cette fondation était un peu le chaînon manquant entre mon ancienne vie et la nouvelle. Elle s’est donné pour mission de lutter pour un monde plus inclusif, notamment en apportant son soutien à des familles, en Russie, qui se battent pour élever des enfants à besoins éducatifs particuliers, ou en travaillant avec les pouvoirs publics afin de faire évoluer les lois qui encadrent la vie des personnes atteintes de maladies mentales. Dans le droit actuel, par exemple, les adultes à besoins spécifiques ou souffrant de troubles mentaux sont enfermés par la puissance publique dans des institutions et coupés de leurs familles. C’est pourquoi nous militons activement pour qu’un membre de la famille ou une ONG, comme la Naked Heart Foundation, puisse obtenir la cotutelle du patient. Ce sont des sujets très complexes. En Russie, nombre de ces lois datent de l’époque de Staline, où tout était évidemment très dur pour ceux qui n’étaient pas dans le moule, qui, d’une façon ou d’une autre, étaient différents. C’est pourquoi le combat que nous menons est un combat difficile.
“Avant le défilé Balmain, ma mère s’est mise en mode : ‘O.K., Lucas, vas-y, marche !’ Au bout d’un quart d’heure de ce petit exercice, elle m’a dit : ‘Mon chéri, il va falloir que tu te détendes. Tu es censé marcher, pas attaquer au trot !’” Lucas Portman
Lucas, comment votre mère vous fait-elle comprendre quand elle est en colère ?
N.V. : Je lui mets une grande paire de claques ! [Rires.]
L.P. : Elle me fait son regard qui tue. En gros, quand elle arque les sourcils et qu’elle plisse les yeux, vous savez que les ennuis ne sont pas loin.
Lucas, quelles sont vos relations avec votre futur beau-père, Antoine ?
L.P. : Excellentes.
Alors pourquoi s’est-il récemment désigné lui-même sur Instagram comme votre “evil stepfather” [“beau-père maléfique”] ?
N.V. : [Rires.] Parce que c’est comme ça qu’on l’appelle à la maison. Vous savez, good cop, bad cop… Lui, c’est le méchant, moi, la gentille.
Avec tout cet argent qui se balade, vous arrivez encore à sortir de chez vous autrement qu’en fourgon blindé, ou accompagnés par une armada de gardes du corps ?
L.P. : Eh, mais enfin, réveillez-vous ! Je prends le métro, je prends des Uber et aussi des vélos Jump, et, je vais vous faire une confidence, même des trottinettes Lime.
N.V. : Si j’ai mon mot à dire, hors de question qu’il monte sur une trottinette électrique.
Natalia, combien de fois vous a-t-on posé la question suivante, attention, c’est parti : “En tant que mère de cinq enfants, comment arrivez-vous à concilier votre vie personnelle et votre vie professionnelle ?”
N.V. : C’est marrant, c’est justement la question qu’on me pose le plus souvent.
C’est moi, ou il y a un petit relent de misogynie dans cette question ?
N.V. : C’est une question affreusement sexiste – personne n’oserait jamais la poser à Antoine, par exemple. Pour un père qui travaille ou une mère qui travaille, la parentalité ne recouvre pas du tout la même expérience. Et je dis cela sans la moindre amertume. Mais quand je vois Antoine, qui est un papa incroyable – qui couche ses enfants le soir, qui les amène à l’école le matin, qui est très présent pendant les vacances… –, il part travailler à 9 heures le matin, rentre à la maison à 20 heures, et, quand il est loin de ses enfants, il n’éprouve pas une seule seconde de culpabilité. Alors que moi, en revanche, en tant que mère je ne peux pas m’empêcher de me sentir honteuse, et je dois sans cesse lutter contre ce sentiment. Pendant des générations, les femmes ont été vues uniquement comme des bâtisseuses de foyers, qui portaient les enfants et s’occupaient d’eux sans jamais s’arrêter… On m’a élevée en me transmettant cette mentalité-là, et il est parfois difficile de parvenir à se défaire des stéréotypes.
Passons à un sujet brûlant, celui de la vie sexuelle de Lucas !
L.P. : Ah, génial !
Lucas, au fait, vous avez l’âge légal ?
L.P. : En France, légalement, la majorité sexuelle est fixée à 15 ans, et j’ai justement eu 18 ans la semaine dernière – je ne sais pas si ça répond à votre question ?
Est-ce que vous vous livrez à toutes sortes d’activités répréhensibles, comme il se doit quand on a votre âge ? Vous fumez des joints caché derrière le local à vélos ? Vous regardez sous les jupes des filles ? Vous rentrez en catimini à 5 heures du matin ? Vous piquez les Picasso de votre beau-père ?
L.P. : [Rires.] J’adore l’idée de me faire la malle avec ses Murakami.
Vous avez déjà embrassé une fille avec la langue ?
L.P. : Oui, monsieur.
Ou un garçon, d’ailleurs ?
L.P. : J’ai bien peur que non.
N.V. : Lucas a une petite amie depuis deux ans. Je la connais.
L.P. : Elle est à moitié norvégienne et à moitié malgache. Nous nous sommes rencontrés à l’école, ici, à Paris.
N.V. : Mais enfin, laissez donc cet enfant tranquille ! Ils sont dans la même classe et ils se voient tous les jours. Quoi qu’il dise, ça pourra être retenu contre lui, parce qu’évidemment, elle lira l’interview. [Rires.]
Natalia, quelle serait votre réaction dans le cas – improbable, clairement – où Lucas débarquerait le soir de Noël au bras d’un petit ami ?
N.V. : Mes enfants auront toujours mon soutien, quel que soit leur choix.
Puisqu’on parle de Noël, que penseraient vos beaux- parents, Hélène et Bernard Arnault, si le père Noël s’emmêlait les pinceaux et vous laissait au pied du sapin une montagne de Gucci et de Saint Laurent ?
N.V. : Ça ne leur ferait ni chaud ni froid. Nous adorons la mode, tous autant que nous sommes. Dans ce domaine, nous ne sommes pas exclusifs du tout.