5 jan 2018

Entre humour et gravité, Sophie Calle réenchante le musée de la Chasse

À travers des œuvres intimes et autobiographiques, Sophie Calle signe, jusqu’au 11 février, une exposition au musée de la Chasse et de la Nature, qui efface les frontières entre l’art et la vie.

 

Sophie Calle investit le musée de la Chasse et de la Nature avec Beau Doublé, Monsieur le Marquis !, une exposition qui permet de redécouvrir certaines œuvres de l’artiste et en révèle d’autres conçues spécialement pour l’occasion, en collaboration avec son amie sculptrice Serena Carone. Comme à son habitude, Sophie Calle marque son territoire avec des œuvres oscillant entre autobiographie et fiction et invite ainsi le visiteur à retracer le fil de son expérience intime.

 

Connue pour son parcours atypique et son art inclassable, Sophie Calle semble avoir vécu plusieurs vies. Aventurière, elle voyagea pendant sept ans à travers le monde, milita en faveur du prolétariat et du féminisme et travailla même comme strip-teaseuse. C’est sa curiosité sans bornes pour la vie et les gens qui, par hasard, l’amena à la création artistique. Qu’elle suive et photographie des inconnus dans la rue, des dormeurs ou bien des gens qui voient la mer pour la première fois, Sophie Calle révèle avec malice les rituels de chacun.

 

 

 

“Je raconte des histoires.” Sophie Calle

 

 

 

Au rez-de-chaussée de l’exposition Beau Doublé, Monsieur le Marquis ! , l’artiste rend hommage à ses proches disparus, comme son chat Souris. Le tombeau réalisé par Serena Carone constitue l’une des pièces les plus impressionnantes de l’exposition. Sophie Calle y est représentée entourée d’animaux empaillés, dont chacun dépeint un de ses proches disparus : un paon, un tigre, une girafe, une chouette… L’hommage le plus touchant est celui consacré à son père, Bob Calle, mort en 2015, cancérologue et grand collectionneur d’art contemporain, mais surtout le “premier spectateur” de toutes ses expositions. Comme à son habitude, Sophie Calle joue avec les mots et les images. Dans l’œuvre Infarctus silencieux, l’artiste raconte la peur de voir son père disparaître : “J’étais menacée de mutisme par la perte imminente de ce regard qui avait guidé ma vie”, peut-on lire sous la photo d’un bélier aveuglé par ses propres cornes. Cette partie de l’exposition consacrée au deuil est aussi une façon de surmonter cette épreuve avec le public, qu’elle interroge dans un livre mis à disposition et que chacun peut compléter. Sa question : “Que faites-vous de vos morts ?

 

Au premier étage, l’ambiance est plus détendue. Des textes autobiographiques de Sophie Calle issus des livres Histoires vraies sont dispersés dans la collection permanente tel un jeu de piste. L’artiste y raconte des anecdotes, des souvenirs vécus, à la manière d’un journal intime, plaçant le spectateur à la limite du voyeurisme. Au deuxième étage, Sophie Calle s’attache aux annonces de recherches amoureuses parues dans le magazine Le Chasseur français depuis le début du XXe siècle. Le visiteur découvre avec espièglerie les critères de beauté des hommes en quête de la femme idéale. La série de photos À l’espère révèle des endroits abandonnés qui font écho à des messages employant le vocabulaire du monde animal sélectionnés par Sophie Calle, où des hommes sont à la recherche d’une femme croisée dans les transports et dont ils sont tombés sous le charme.