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Dedar, histoire d’une luxueuse maison de tissus qui a séduit Hermès
Raffaele Fabrizio et sa soeur Caterina sont deux figures élégantes et solaires, à l’image de Dedar, la marque familiale qu’ils pilotent depuis le milieu des années 1990. Rencontre avec les “socialites” du design.
Par Maïa Morgensztern.
L’histoire commence sur les bords du lac de Côme en 1976. Nicolas et Elda ont l’idée de demander à des artistes et créateurs de fabriquer des objets vendus à travers les réseaux de professionnels de l’ameublement. Un projet avant-gardiste qui se solde par un échec, mais dirige peu à peu le couple vers leurs autres passions, le textile et les voyages. Leurs deux enfants, Raffaele et Caterina, grandissent en apprenant très jeunes à apprécier le tissage autant que les rouages d’une chaîne de production. Et récupèrent les clefs de la Maison.
De la création de collections pour Hermès, aux collaborations avec les ateliers d’Achille Salvagni ou la création de tissus pour mega yacht, Dedar devient en quelques années une référence mondiale en matière de luxe, tout en conservant la bienveillance décontractée d’une petite entreprise. Nous avons rencontré Raffaele et Caterina dans leur boutique de Milan, pour dresser le portrait d’une famille en or.
Raffaele, vous avez suivi des études d’architecture. Comment en êtes vous venu à travailler avec vos parents ?
Raffaele Fabrizio : Etrangement, tout s’est fait de manière naturelle. J’ai quitté le cabinet pour lequel je travaillais pour tenter l’aventure avec mes parents et ma sœur, qui les avait déjà rejoint, sans trop y réfléchir. Je n’en suis jamais reparti.
Et vous Caterina ?
Caterina Fabrizio : J’ai étudié la politique internationale et je suis partie travailler en tant que consultante. Le côté structuré du business me plaisait beaucoup, mais j’ai toujours été attirée par le luxe et le rapport avec les objets me manquait. Mes parents avait une douzaine d’employés et voulaient de l’aide, j’ai donc commencé par les assister un jour par semaine. Notre chance est ne pas avoir hérité d’une grande entreprise à défendre. Tout était à faire. Nous avons établi des règles de travail à quatre, avec un rôle spécifique pour chacun et en même temps un système fluide de communication. Notre force est d’être curieux, de toujours chercher d’autres voies à explorer ensemble. Nos projets naissent comme ça, de manière très organique.
Une de vos plus célèbres collaborations est la collection capsule de tissus et papiers peints pour Hermès Maison. Une marque avec qui beaucoup rêvent de travailler… Qui a eu l’idée de cette collection ?
CF: Nous avons rencontré Pierre Alexis Dumas, le directeur artistique de la maison Hermès, lors d’un dîner en 2010 et le courant est très vite passé. Il avait lui aussi travaillé à Côme et nous avions la même vision du luxe. Nous sommes rapidement tombés d’accord sur un projet commun. La création artistique est le travail des ateliers Hermès et porte sa signature. Nous apportons notre savoir-faire, des techniques innovantes et un réseau de distribution qui comprend les codes de l’excellence.
L’innovation est aussi très présente dans votre dernière collection, Supernatural. Comment vous est venue l’idée de plastifier vos tissus ?
RF: Cette collection est directement inspirée de la bagagerie de haut-de-gamme, qui doit avant tout être durable et résister aux aléas des voyages. Le textile est tissé puis couvert de polyuréthane, il est ensuite imprimé, puis à nouveau recouvert d’une dernière couche de protection. Le résultat est d’une tenue extrême, imperméable et anti-feu. C’est une manière pour nous de proposer un produit de luxe en répondant aux demandes spécifiques de lieux très fréquentés comme les restaurants, les clubs ou les hôtels. Nous étions intéressés par faire ces compromis de manière créative, tout en offrant un produit exclusif.
Le luxe n’a jamais été une affaire de compromis, ni vraiment préoccupé par des questions pratiques. Qu’est-ce qui a changé ?
RF: Nous sommes entrés dans une période de subversion des codes de l’industrie du luxe. Les notions de chic et de raffinement étaient encore récemment associées à des matériaux naturels et à une certaine idée de la tradition. Ce changement de positionnement vient directement de nos clients, les designers, qui eux répondent aux demandes de leurs clients. Les produits d’excellence ne doivent plus juste être uniques et beaux, ils doivent aussi être pratiques. Il a donc fallu se tourner vers des matériaux moins naturels, donc considérés comme moins nobles, et utiliser notre expertise pour les transformer en produits haut-de-gamme adaptés à la demande de nos utilisateurs.
CF: Il y a encore quelques années, les designers d’intérieur s’exprimaient principalement à travers la sphère privée, en mettant leur talent au service de la résidence de riches clients. Aujourd’hui le luxe est partout. Les hôtels et restaurants offrant des services exclusifs se sont développés à travers le monde, mais ils doivent comme les autres se plier à des normes de sécurité très strictes. Nous ne répondons pas simplement à la demande des designers, mais nous évoluons avec un monde qui a changé. Ces nouvelles exigences se ressentent d’ailleurs de plus en plus sur nos intérieurs. Le confort est aujourd’hui un critère raffinement à part entière.
La couche de polyuréthane qui imperméabilise le tissu dont parlait Raffaele est un dérivé de plastique. N’est-ce pas dangereux d’intégrer le composant le plus polluant et le plus décrié du moment dans un produit de luxe ?
RF: La collection s’appelle Supernatural pour rappeler qu’il s’agit principalement de lin et de coton. Le processus de production est en accord avec les règles européennes sur l’environnement, qui sont les plus dures du marché. Le plastique est partout dans notre quotidien, ce qui est important est la manière dont il est produit et comment il est utilisé. Ici, il ne s’agit pas d’une paille jetable mais d’un revêtement durable, crée dans les règles de l’art. Nous sommes très fiers de cette collection, qui marie à la fois excellence et avancée technologique. Deux éléments essentiels de notre monde moderne.