31 oct 2018

Au musée Salvatore Ferragamo : comment l’Italie a influencé Hollywood ?

Au sein de son musée florentin, la maison Salvatore Ferragamo célèbre les années californiennes de son fondateur. L’occasion de mettre en lumière l’influence exercée par l’Italie sur le Hollywood des années 20.

L’actrice Joan Crawford dans la boutique qu’ouvrit Salvatore Ferragamo à Hollywood en 1923.

Pour embarquer sur le Stampalia, navire qui le conduit d’Italie en Californie en 1915, Salvatore Ferragamo n’a pu se payer qu’un billet de troisième classe. Âgé de 17 ans, le jeune Italien rejoint ses frères Girolamo, Alfonso et Secondino à Santa Barbara. Du fond de sa cabine, s’imaginait-il déjà en créateur de chaussures que le Tout-Hollywood s’arracherait ? Son ascension sera rapide, et liera son destin à celui d’une industrie du cinéma naissante et aux stars qui illuminent déjà Los Angeles. Salvatore s’associe en effet avec les plus grands réalisateurs (Cecil B. De Mille, Raoul Walsh, James Cruze) et chausse les plus grandes actrices sur les tournages. Pola Negri, Mary Pickford, Lilian Gish, mais aussi Charlie Chaplin et son ami Rudolph Valentino se pressent ainsi dans la nouvelle boutique qu’il a ouver te sur Hollywood Boulevard. Un Hollywood qui n’est encore qu’un village… mais Salvatore, lui, y croit. Son Hollywood Boot Shop n’a plus rien de l’échoppe commerciale partagée à Santa Barbara avec ses frères. Joan Crawford y est accueillie sur un magnifique divan dans un décor digne de la Renaissance. Plus qu’un “shoemaker” – un simple chausseur –, l’Italien est considéré comme un “shoe designer” – un véritable créateur. Cette success story américaine est le point de départ de la passionnante exposition que le musée Ferragamo de Florence consacre à l’influence italienne sur le Hollywood des années 20 : s’y mêlent photos, peintures, extraits de films, costumes et chaussures.

 

Depuis les années 1880, des millions d’Italiens ont rejoint le nouveau continent, s’installant en Californie où le climat leur permet notamment de faire fructifier leur tradition viticole. À San Pedro, ces nouveaux migrants introduisent la pêche à la sardine à l’aide de leurs fameux scorticária, des filets encerclants. À San Francisco, deux quotidiens sont créés : La Voce del Popolo et La Protesta umana. Mais c’est sur tout à travers l’architecture et le design que leur influence se fait prépondérante sur un Hollywood fasciné par la beauté des bâtiments, des oeuvres et des objets d’art, et conquis par les techniques et le savoir-faire italiens. 

 

 

Pour le grand public, ce sont surtout les actrices et acteurs qui demeurent l’apport le plus visible de l’Italie à Hollywood. Immigrés récents ou de deuxième génération, ils sont adulés, à l’instar de Rudolph Valentino et Tina Modott.

Moment-clé de cet engouement, l’Exposition internationale Panama-Pacifique de 1915 célèbre le génie de la botte italienne. Le pavillon de l’architecte Marcello Piacentini est récompensé du Premier Prix. On y découvre aussi une sélection d’oeuvres futuristes. Hollywood courtise les set designers italiens ou s’envole pour l’Italie pour profiter de décors réels. En 1916, les frères Taviani sont invités par Griffith à réaliser les décors de son nouveau film, Intolérance. Le long-métrage, comme beaucoup d’autres, est influencé par Cabiria, chef-d’oeuvre du péplum réalisé en Italie en 1914 par Giovanni Pastrone et accompagné de textes du poète Gabriele D’Annunzio. C’est que les films muets italiens et français dominent encore, alors, la production mondiale…

 

Mais pour le grand public, ce sont surtout les actrices et acteurs qui demeurent l’apport le plus visible de l’Italie à Hollywood. Immigrés récents ou de deuxième génération, ils sont adulés, à l’instar de Rudolph Valentino et Tina Modotti, dont l’exposition présente de sublimes portraits. On citera également Lido Manetti, Frank Puglia, Monty Banks, Cesare Gravina ou les réalisateurs Frank Capra et Robert G. Vignola. Souvent formés à l’opéra et au théâtre, ces comédiens charment par la puissance de leur jeu et de leur physique latin. Ce n’est qu’en 1927 que Salvatore Ferragamo finira par quitter cet Hollywood vibrant au rythme des influences italiennes. Un retour au pays qui, cette fois, ne s’effectua pas en troisième classe.