Quelle salle de concert incontournable rouvre ses portes à Paris ?
Des expérimentations électroniques aux concerts dantesques de Jean-Michel Jarre, l’Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique (IRCAM) rouvre enfin les portes de sa salle de projection mythique au public après huit ans de fermeture.
Par La rédaction.
Fermée en 2015 pour travaux, la salle de projection mythique de l’IRCAM rouvre enfin ses portes. Du 12 au 17 janvier, elle a convié plusieurs artistes dont la productrice et DJ Deena Abdelwahed qui construit ses sets comme des laboratoires de recherche, intégrant le chant en arabe et la techno expérimentale, la percussionniste Lucie Antunes qui brouille les pistes entre instrumentation réelle et virtuelle ou encore le compositeur légendaire Jean-Michel Jarre dont le 22e opus Oxymore, sorti en 2022, sonne comme un hommage aux pionniers de la musique concrète en France: Pierre Henry et Pierre Schaeffer.
Ce temple des geeks du son promet des expériences immersives hors du commun et une réflexion scientifique centrée sur les expérimentations acoustiques contemporaines, justement dans la veine des travaux de Pierre Henry (1927-2017), en association avec Pierre Schaeffer (1910-1995) qui poussaient la composition musicale traditionnelle dans ses retranchements. Dans les années 70, tous deux refusaient le statut de théoriciens devenant malgré tout les pionniers de la musique concrète, une recherche acoustique qui préfigure alors l’électro contemporaine. Ensemble ils sculptent, façonnent, mixent, transforment et mélangent des bruits, composent à partir de sons enregistrés sur disque et confirment leur hypothèse de départ : mettre un objet sonore en boucle transforme la perception qu’on a de lui. Cette pratique expérimentale – souvent nommée musique électroacoustique, consiste à immortaliser les bruits du monde puis à les reconstruire. Face à ces ready-made musicaux, la mélodie au sens de “suite musicale reconnaissable et agréable” disparaît. C’est la naissance du sample. Un des grands axes de recherche de l’Ircam reste l’analyse et la synthèse sonore. Au Laboratoire Sciences et Technologies de la Musique et du Son de l’Ircam, son directeur de recherche Thomas Hélie, projette de produire des sons de la manière la plus réaliste possible. Ou comment produire des sons d’instruments grâce à la voix humaine ou les systèmes électroniques…
Dans un article du 26 octobre 1974 intitulé sobrement “Pourquoi Boulez a-t-il voulu l’IRCAM ?”, le journaliste Jacques Lonchampt rend compte, dans les colonnes du Monde, de la conférence de presse organisée par le chef d’orchestre français. Cinq ans auparavant, George Pompidou, tout juste élu Président de la République propose au compositeur de concevoir un prolongement musical au Centre Beaubourg. “Notre époque se caractérise par une individualité exaspérée des créateurs, mais aussi par un sens aigu de la collectivité, déclare Boulez. À l’IRCAM, chacun développera sa personnalité et son irrationnel, mais à l’intérieur de la rationalité collective […] L’IRCAM doit commencer avec le doute essentiel de tout ce qui existe actuellement. Il faut repartir à zéro.”
“Recherche, création, transmission, innovations…” Voici les quatre axes principaux de l’Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique (IRCAM), l’un des plus grands centres de recherche publique au monde qui réunit près de 160 chercheurs et se consacre à la recherche scientifique et musicale. L’objectif sera donc de revenir à la case départ… Sous la tutelle du ministère de la Culture et de la Communication et associé au Centre Pompidou dès sa création, l’établissement jouit d’une incroyable médiathèque, de huit studios d’enregistrement dont une “chambre sourde” (anéchoïque) utilisée pour effectuer des mesures acoustiques mais surtout d’un splendide espace de projection composé de 339 haut-parleurs. Une sorte de boîte étanche creusée à seize mètres de profondeur – un “hangar luxueux selon Pierre Boulez – imaginée en collaboration avec les architectes Renzo Piano et Richard Rogers.