Virgil Abloh: portrait d’une pop star de la mode, de Kanye West à Louis Vuitton
À l’occasion de son vingtième anniversaire, Numéro Homme réunissait vingt des créateurs les plus influents de la mode masculine. Focus sur Virgil Abloh, directeur artistique de la ligne masculine de Louis Vuitton, DJ, artiste exposé dans des musées et spécialiste des collaborations créatives. Également à la tête de sa marque Off-White, suivie par 10 millions de followers sur Instagram, il incarnait un nouveau modèle de créateur : entre pop star, influenceur et slasheur. Ce texte est paru dans le Numéro Homme automne-hiver 2020.
Il sera bientôt plus rapide de lister les marques et les institutions avec lesquelles Virgil Abloh n’a pas collaboré depuis le lancement de son label Off-White en 2013… En vrac, Nike, Levi’s, Moncler, Evian, Converse, Rimowa, Ikea, Timberland, Champion, Jimmy Choo, Byredo, Vitra, Baccarat, l’artiste Takashi Murakami, le musée du Louvre et, last but not least, Louis Vuitton, dont il assure désormais la direction artistique de la mode homme.
Depuis sa nomination chez le malletier français au printemps 2018, cet Américain touche-à-tout répète que ce poste sera certainement le plus important de sa carrière. Il a d’ailleurs pris sa mission très au sérieux et, en guise d’introduction, a imaginé la majorité du printemps-été 2019 en blanc, comme pour tirer un trait, remettre les compteurs à zéro, partir sur de nouvelles bases… Sur les bancs de la présentation, le programme incluait même un lexique avec des mots et des définitions précisant ses intentions. Également, un planisphère mentionnant les origines de tous les participants à ce galop d’essai intitulé We Are the World.
Virgil Abloh voulait démontrer que son talent ne se limite pas à apposer les signes extérieurs de son label sur les produits d’autres maisons.
Dans l’histoire de la mode contemporaine, Virgil Abloh se révèle être le premier designer afro-américain à occuper une telle place dans une grande maison. En creux, son cas unique rappelle que ce secteur n’est malheureusement pas un modèle de diversité. La plupart des marques se disent internationales, elles ciblent la terre entière, veillent à s’implanter dans chaque capitale et, par exemple, continuent de tailler leurs modèles à partir des mensurations standardisées d’Occidentaux plutôt blancs de peau… Sans parler de leurs images publicitaires qui sont rarement métissées !
À l’inverse, le premier défilé de Virgil Abloh pour le leader du luxe rassemblait des hommes de tous horizons. Ce casting véhiculait un message fort, un besoin de ruptures imminentes dont il s’avère le parfait ambassadeur et l’interprète. Larges et amples, ses vêtements avec des carrures streetwear cherchaient également à faire bouger les lignes. Quelque part, il voulait aussi démontrer que son talent ne se limite pas à apposer les signes extérieurs de son label sur les produits d’autres maisons. Certes, il n’a aucun bagage en mode, mais il est titulaire d’un diplôme en ingénierie civile de l’université du Wisconsin à Madison, à l’issue d’une formation en architecture à l’Illinois Institute of Technology de Chicago, non loin de sa ville natale de Rockford. Et pour lui, les vêtements, comme les ponts, doivent comporter une structure intérieure s’appuyant sur de solides fondations que sont les savoir-faire et les traditions, l’artisanat et l’histoire dans une maison telle que Louis Vuitton.
Bref, tout inspire, rien n’arrête Virgil Abloh, star des réseaux sociaux et chantre du cool, qui charme les jeunes générations avec son label Off-White proposant désormais des collections aux deux sexes. Depuis ses débuts, il a tout de même été taxé à plusieurs reprises de rendre des hommages un peu trop appuyés à d’autres designers. En général, il calme la polémique en insistant sur sa vision de slasheur qui aime passer d’une discipline à l’autre, multiplier les expériences et créer des rapprochements inédits afin de faire voler en éclats les barrières et autres diktats vestimentaires. À la fois curateur, influenceur, DJ et directeur artistique, c’est vrai qu’il a toujours tracé ainsi son chemin. Son curriculum vitae mentionne également la création d’une boutique-galerie à Chicago à la fin des années 2000, un long passage dans l’ombre de Kanye West et de Jay-Z, le lancement d’une première marque éphémère de streetwear sous le nom de Pyrex Vision, suivie d’une deuxième, Been Trill, avec ses compères Heron Preston et Matthew M. Williams… Un CV si dense en très peu de temps qu’on ne devrait pas tout de suite cesser d’en parler.
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