Stéphane Ashpool nous dévoile les dessous de son exposition au 19M
Depuis plusieurs mois, tous les regards sont rivés sur le créateur parisien Stéphane Ashpool. Alors qu’il signait, il y a quelques semaines, les tenues des athlètes français pour les Jeux Olympiques 2024, il inaugure ce printemps une rétrospective au 19M, qui nous plonge dans plus d’une décennie de sa carrière éclectique.
Propos recueillis par Camille Bois-Martin.
Stéphane Ashpool, créateur au mille et une carrières
Il y a des chemins qui semblent parfois tout tracés, et d’autres semés de détours et de défis. Et, à en regarder le cursus de Stéphane Ashpool, la seconde option semble la plus évidente : né dans le quartier de Pigalle, à Paris, il grandit de matchs de basketball (s’entraînant en Championnat de France) en spectacles au Moulin Rouge, où sa mère, Doushka Langhofer, performe le soir. Jonglant entre ces deux univers à l’esthétique bien différente, il y apprend la discipline et la rigueur, et s’imprègne des plumes et des paillettes qui tapissent les costumes et la salle de la célèbre institution parisienne, autant qu’il se fascine pour les couleurs et la coupe des maillots des joueurs de NBA.
Un melting-pot culturel aussi surprenant que l’évolution de la carrière du créateur. Travaillant d’abord dans la communication, il se réinvente organisateur de défilé aux côtés de sa mère, avant de superviser le collectif Pain O’Chokolat, qui programme des soirées dans toute la capitale. Puis vient enfin sa marque, Pigalle, qu’il lance en 2008 au rythme d’évènements attirant tous les cool kids de la mode et de collections de vêtements à la croisée du streetwear et du sportswear, arborés alors par des stars telles que Rihanna, ASAP Rocky et Drake. Mais Stéphane Ashpool ne renonce pas pour autant à ses nombreuses autres passions, enfilant selon ses envies ses casquettes d’entraîneur de basket, de créateur et de programmateur, et décidant de fonder en 2009 le Playground Duperré et le tournois annuel Pigalle B’Ball.
Avant d’être récompensé, en 2015, du prestigieux prix de l’ANDAM en 2015 pour ses créations textiles, et de bénéficier d’un mentorat de deux ans dans les ateliers des Métiers d’Art de Chanel – qu’il n’a depuis jamais vraiment quittés. Alors qu’il inaugure ce printemps sa première exposition personnelle entre les murs du 19M, Numéro est allé à la rencontre de cette personnalité éclectique et passionnée.
Numéro : Il y a quelques mois était annoncée votre nomination à la direction artistique du Coq Sportif pour imaginer les tenues des Jeux Olympiques, suivie il y a peu de l’inauguration de votre exposition au 19M. Votre quotidien doit être très rempli…
Stéphane Ashpool : J’ai toujours eu un emploi du temps très chargé. C’était peut-être moins visible, mais dès l’ouverture de ma première boutique, j’organisais défilés sur fêtes, sur dîners… C’est sûr que je n’ai jamais autant travaillé que maintenant, ce qui m’empêche peut-être parfois de rester spontané, mais j’ai appris à dompter ce quotidien bien rempli. Et puis, aujourd’hui, j’ai plus de personnes qui m’accompagnent, qui organisent mon agenda – comment si j’étais un ministre ! [Rires]
Imaginer une exposition relève d’un exercice nouveau pour vous. Comment avez-vous appréhendé ce nouvel exercice ?
Je me suis beaucoup appuyé sur Camille Hutin [directrice de la galerie du 19M] et Georgi Stanishev, avec qui j’ai imaginé la scénographie. Nous voulions montrer des archives autant que des nouvelles créations dans ce grand espace qu’est le 19M, certes un peu éloigné de la capitale, mais qui permet de profiter d’un lieu suffisamment grand pour accueillir une exposition ainsi que des performances, des talks, des concerts… C’est un endroit qui permet une programmation à mon image, éclectique.
L’exposition revient sur votre carrière de créateur, de vos débuts avec Pigalle en 2008 jusqu’à aujourd’hui. Qu’est-ce cela fait de se replonger dans plus d’une décennie de sa vie ?
Je crois que je travaille tellement que je ne me suis pas encore posé la question. Pour tout vous avouer, je n’y suis pas retourné depuis la fin du montage… Lorsque je reviendrais au 19M, je vais probablement devoir prendre beaucoup de recul.
“Le vêtement a été ma locomotive, parce que c’est ce qui m’a permis par la suite d’imaginer encore plus de projets.”
Stéphane Ashpool
Vous entretenez depuis 2015 un lien privilégié avec les Métiers d’Art de Chanel. Qu’ont-ils apporté à votre processus créatif, à votre façon de travailler ?
Ils ont apporté beaucoup de rigueur à mon travail qui restait majoritairement autodidacte. Les ateliers sont garants d’une telle excellence que j’en apprends encore tous les jours à leurs côtés. Ce que j’apprécie beaucoup, c’est leur profil très différent du mien, cette rencontre entre l’institutionnel et le personnel qui nous permet de créer ensemble. Je me sens vraiment à ma place là-bas car c’est un environnement où l’on peut être à la fois acteur et spectateur.
Qu’est-ce qui vous a conduit sur le chemin de la mode ?
J’entretiens une passion pour la couleur et la matière. Et j’ai trouvé dans la mode beaucoup de liberté, de la possibilité de mise en scène à l’expression de soi. Aujourd’hui, c’est un cadre assez ouvert, et les directeurs artistiques créent aussi pour beaucoup d’autres univers. Je pense à Karl Lagerfeld qui était aussi photographe, Virgil Abloh qui faisait un millier de choses à côté, Pharrell Williams qui est aussi musicien… Sans prétendre être eux, il y a une possibilité de s’exprimer très large.
Pensez-vous aujourd’hui avoir trouvé votre voie ?
Je ne sais pas si je pense avoir trouvé ma voie. Je dirais que oui dans la mesure où je fais tout ce dont j’ai envie. Je travaille autant sur de larges surfaces tels que les terrains de baskets que sur des pièces de couture. Quand on a un esprit créatif, on peut installer ses idées sur une immense pluralité de médiums ! Le vêtement a été ma locomotive, parce que c’est ce qui m’a permis par la suite d’imaginer encore plus de projets.
Exposition “Figure Libre. Stéphane Ashpool”, jusqu’au 16 juin 2024 dans la galerie du 19M, 2 Pl Skanderbeg, Paris 19e.