Ronald van der Kemp, nouveau héros de la mode verte
Dans le sillage de la légendaire Vivienne Westwood, une jeune génération de créateurs réinvente la mode à l’aune de valeurs écologiques et éthiques, en valorisant l’artisanat, l’upcycling ou de nouvelles méthodes de production raisonnée. Coup de projecteur sur l’un de ces précurseurs : Ronald van der Kemp
Par Delphine Roche.
Qui a dit qu’apparaître sublime sur un tapis rouge, et laisser le monde en pâmoison, était incompatible avec le désir de préserver la planète ? Certainement pas Ronald van der Kemp, le Néerlandais qui, depuis le lancement de sa maison en 2014, drape les Cardi B et les Gigi Hadid de ce monde dans ses pièces à la fois magnifiques et durables. Mettant en avant une nouvelle éthique pour l’industrie du luxe, le créateur se targue d’avoir créé le premier label de couture qui respecte le développement durable. “Le rythme de la mode s’est considérablement accéléré ces dernières années, comme nous le savons tous, expliquet-il. Or l’obligation de créer de plus en plus de collections mène à la surproduction, ce qui veut dire, d’une part, que la notion de luxe véritable, exclusif, se perd. Et que, d’autre part, il est nécessaire de se demander où finissent tous ces invendus.”
Pour résister à la pression qui pousse à produire toujours plus, le créateur décide tout d’abord de renoncer au prêt-à-porter pour se concentrer sur la demi-couture et la couture. Sa cliente ? Une femme qui n’a pas les moyens de se payer des pièces de haute couture, mais qui ne transige pas sur la beauté et l’exclusivité de ce qu’elle porte. “Je propose des éditions limitées ou des pièces uniques d’une très haute qualité, dont la fabrication est exclusivement réalisée à la main, dans des petits ateliers, aux Pays-Bas.” Gardant en tête ses modèles de toujours, les très grands couturiers comme Yves Saint Laurent et Valentino Garavani, et le glamour chic d’Emanuel Ungaro ou de Bill Blass, Ronald van der Kemp présente ses défilés spectaculaires en marge du calendrier de la haute couture, à Paris, deux fois par an. Des collections qu’il intitule sobrement du nom de “Wardrobe” suivi d’un numéro, appuyant ainsi son désir de proposer des garde-robes intemporelles, plutôt que des lubies d’une durée de vie d’une saison.
Fourreaux, robes colonnes drapées, robes-kimonos, jupes crayons, tailleurs, pantalons en prince-de-galles d’inspiration masculine, et même des jeans… sans s’attacher à un seul territoire ou à un seul imaginaire, les pièces revisitent indifféremment tous les looks forts de l’histoire de la mode, en cherchant à proposer des coupes impeccables et une qualité irréprochable. La raison de cette grande diversité est simple : pour ne pas contribuer à polluer la planète en ajoutant sa pierre à l’édifice de la surproduction mondiale, Ronald van der Kemp s’adonne à la pratique du recyclage. “Je source mes matières un peu partout, poursuit-il. Je contacte des entreprises pour récupérer leur stock de tissus non utilisés, je récupère aussi des tissus couture vintage et des déchets industriels. Je collabore donc avec des marques de tous horizons, pas seulement des labels de mode. Et il y a tellement de matières formidables qui existent déja que j’éprouve très rarement le besoin de fabriquer mes propres tissus. Si je le fais, toutefois, je m’assure que je produis de façon écologique.”
Ce qui est bon ne saurait se faire sans amour : la préoccupation pour l’avenir de la planète s’accompagne bien sûr chez Ronald van der Kemp, comme chez la plupart des créateurs qui se soucient de durabilité, d’un désir de production éthique, également respectueux de l’être humain. Les artisans, tailleurs, couturières, brodeurs et brodeuses qui accompagnent le couturier partagent son désir de voir le beau rimer avec le bon, et le vêtement se doter d’une âme. Pour aller plus loin encore dans sa démarche, le Néerlandais embauche fréquemment des réfugiés politiques. Il a également fait appel à des communautés de tisserands en Inde (pour un tweed produit à partir de chutes de tissu) et à une coopérative au Mali. Une belle façon de prouver que pour avoir un look qui “tue”, nul n’est besoin de faire du mal à qui que ce soit.