Riccardo Tisci’s anniversary fashion show for Givenchy in New York
Pour ses 10 ans à la tête de Givenchy, Riccardo Tisci a proposé un défilé-performance magistral, véritable célébration de l’amour et plongée au cœur de son univers au romantisme noir.
par Delphine Roche.
Certains s’attendaient à une rétrospective, au lieu de quoi, le défilé printemps-été 2016 de Givenchy, qui marquait la dixième année de Riccardo Tisci à la tête du label, avait valeur de manifeste. Déplacé à New York pour célébrer l’ouverture du nouveau flagship store de la marque sur Madison Avenue, le show déployait des proportions adaptées à celles de la Grosse Pomme. Sur les quais, au soleil couchant, le public découvrait, impressionné, une scénographie de Marina Abramovic : l’artiste serbe, éternelle complice de Riccardo Tisci, avait notamment conçu une installation plastique magnifique pour le Boléro présenté au palais Garnier, dont Riccardo Tisci avait dessiné les costumes. Cette fois, le décor, de dimensions extravagantes, évoquait un habitat temporaire, un abri ou une favela, un peu à la façon d’un Thomas Hirschhorn. Au sommet de ces échafaudages de fer et de bois, des performeurs inventaient des rites d’appartenance indécidable, quelque part entre le christianisme et le paganisme : on pensait alors au tribalisme souvent exploré par le directeur artistique de Givenchy, ainsi qu’aux symboles religieux qui pullulent dans son travail. Une plongée directe au cœur de l’univers Tisci, en somme. Mais surtout, une synthèse efficace de la pensée œcuménique qui l’habite : le créateur dédiait ce défilé à l’amour universel, absolu, celui qui passe outre les différences de religion et d’ethnie.
Jamais collection de Riccardo Tisci chez Givenchy n’avait été si romantique : blanche ou noire, en nuisette ou en top, mélangée à de beaux drapés retenus, la dentelle était très largement prédominante. Fluide également, la soie, notamment sur des smokings-pyjamas qui jouaient franchement la carte du masculin-féminin. Plus loin, le créateur semblait revenir sur ses propres pas, pour revendiquer son héritage de 10 ans, et accuser le trait : bijoux de visage ou masques de dentelle, effets de ruchés cascadant au sol sur une robe couture portée par Joan Smalls, travail sur des basques sculpturales et asymétriques… Nicki Minaj et Kim Kardashian, qui n’ont peut-être pas goûté les chants tour à tour tibétains, bulgares, indiens, hébreux, arabes (rayer la mention inutile) qui constituaient la bande-son, pouvaient, en compensation, repaître leurs yeux de ce spectacle véritablement tiscissime.