Rencontre avec le créateur Lucas Ossendrijver pour sa première collection avec Theory
Ce mercerdi 7 septembre, le label new-yorkais Theory dévoile une collection capsule inédite imaginée par le créateur de mode d’origine néerlandaise Lucas Ossendrijver, premier volet d’une collaboration au long cours qui se prolongera par plusieurs autres collections. Pour Numéro, l’ancien directeur artistique des collections homme chez Lanvin s’est confié sur ce nouveau vestiaire élégant et fonctionnel, dédié aussi bien aux hommes qu’aux femmes.
Propos recueillis par Erwann Chevalier.
En 2018, après quatorze ans d’une collaboration fructueuse, la maison parisienne Lanvin annonçait le départ de Lucas Ossendrijver, directeur artistique de ses collections de prêt-à-porter homme. Figure incontournable, quoique discrète, du paysage de la mode, à qui l’on doit notamment la tendance de la basket de luxe sur les podiums, le créateur d’origine néerlandaise et Parisien d’adoption est particulièrement reconnu pour sa connaissance rigoureuse du processus de fabrication et de construction du vêtement. Cette année, son talent est à nouveau mis à profit depuis que le label new-yorkais Theory l’a invité à imaginer une série de collections capsule, dont la première est dévoilée ce mercredi 7 septembre. Le créateur, qui a tout d’abord fait ses armes chez Dior Homme aux côtés d’Hedi Slimane avant d’aller chez Lanvin, s’essaie à cette occasion à la réalisation de silhouettes pour hommes et pour femmes.
Une première approche réussie que l’on constate dans les premiers modèles de la collaboration Theory Project by Lucas Ossendrijver. Alliant confort, mouvement et élégance, les silhouettes élaborées pour répondre aux besoins du quotidien – aussi bien pour la vie professionnelle que personnelle – mettent en exergue l’affection du créateur pour la ville de New York. Parfaitement en harmonie avec la philosophie de Theory, qui vibre au rythme de la Grosse Pomme, la collection est imprégnée par une vie urbaine active, empreinte de spontanéité et d’inattendu. Ainsi, le créateur néerlandais se réapproprie avec fraîcheur les pièces signatures du label fondé en 1997, tels les costumes, tailleurs et vêtements d’extérieurs. L’ami proche du regretté Alber Elbaz utilise son savoir-faire technique pour proposer une approche contemporaine et créative résolument intemporelle des codes du label Theory. Déclinée tantôt dans des teintes sobres ponctuée de couleurs vibrantes comme du bordeaux, du brun ou encore du ocre, les modèles de la collection comportent, entre autres, une veste de costume, construite de manière très souple et aussi confortable qu’un cardigan, avec une ligne d’épaule douce sans doublure, à côtés de manteaux amples et enveloppant, augmentés de boutons cachés et de parkas. Pour la femme, des jupes asymétriques, droites plissées aux drapés soignés révèlent de ravissantes robes en soie à empiècements pourvues de manches à volants ou de cols décontractés. Pour Numéro, Lucas Ossendrijver revient sur les coulisses de cette collaboration inédite.
Numéro : Qu’évoque pour vous l’ADN et l’histoire de Theory ?
Lucas Ossendrijver : Pour moi, Theory est intimement lié à la ville de New York et à son style de vie, où les gens bougent et se déplacent constamment. Cela implique donc de porter des vêtements flexibles dans lesquels on peut se sentir à l’aise pour se mouvoir rapidement et passer d’un cadre à un autre, comme le bureau, le théâtre ou le dîner. On ne rentre plus chez soi pour se changer, et on ne souhaite pas se sentir trop ou pas assez habillés. L’attitude et la façon de s’habiller des New-Yorkais reflètent ce sentiment. C’est l’inattendu qui m’inspire le plus dans cette ville. C’est pourquoi, lorsque j’ai commencé à travailler sur la collection, la fonctionnalité était ma priorité. Ici, il ne s’agit pas de créer la surprise sur les podiums mais de créer des vêtements bien conçus, pratiques et urbains. C’est une collection assez humble, en somme.
Pourquoi avez-vous accepté de collaborer avec Theory ?
J’ai toujours aimé le label Theory, je me suis toujours senti proche de sa philosophie de conception. Des vêtements utiles, fonctionnels et bien réalisés, à un prix raisonnable. Des pièces qui ne crient pas “mode” mais qui aident les gens à se sentir bien dans leur vie et qui sont destinés à être portés dans la rue. Alors, quand on m’a proposé de collaborer avec eux, j’ai pensé que c’était une excellente occasion de mixer nos univers.
Quels sont les histoires, et peut-être des lieux new-yorkais spécifiques, qui ont inspiré cette collection ?
J’ai conçu l’ensemble de la collection comme une garde-robe où les pièces peuvent être combinées. C’est très polyvalent. Pour moi, il s’agit de trouver le bon équilibre entre des choses qui sont fonctionnelles, qui ont de l’allure et qui nous font nous sentir bien quand on les porte. Mélanger le décontracté et le formel a toujours fait partie de mon vocabulaire, c’est ce pour quoi je suis connu. J’ai toujours été inspiré par des choses abstraites, qui se situent dans l’espace intermédiaire, entre le formel et le décontracté. Avec le mode de vie actuel, les vêtements doivent s’adapter à notre style de vie. J’aime cette idée de fluidité et de facilité, et elle s’applique aussi bien aux hommes qu’aux femmes dans cette collection.
En tant que créateur connu pour son approche du vestiaire masculin, comment avez-vous abordé la création des vêtements pour femmes avec cette collection ?
Cette collection marque en effet la création de mes premières silhouettes pour femme. Le processus a été assez fluide, je n’ai pas changé ma façon de travailler, ce qui est plutôt pratique. J’ai toujours été très intéressé par la construction des vêtements et souhaité connaître comment ils sont fabriqués, et comment les améliorer. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je me suis intéressé très tôt à la mode. Ma façon de travailler est totalement intuitive. Theory est aussi une maison où l’esprit masculin et féminin n’est pas si différent. J’aime l’idée qu’il existe un lien fort entre les deux genres. Certaines pièces sont presque unisexes, même si les proportions diffèrent légèrement, surtout dans les vêtements d’extérieur : les parkas et les bombers partagent les mêmes matériaux et la même construction, qu’ils soient pour homme ou pour femme, par exemple. Pour les vêtements féminins, les possibilités sont plus nombreuses, le vocabulaire est plus large. Et j’ai eu du plaisir à créer des robes pour la première fois !
Comment avez-vous choisi vos matériaux et défini les silhouettes de ce nouveau vestiaire ?
Grâce à mon expérience dans les maisons de luxe, je voulais vraiment élever la confection du produit. Les tissus que nous utilisons sont de bonne qualité et durables, la plupart proviennent notamment d’usines italiennes et japonaises. Par exemple, certains Nylon et laines sont recyclés et leurs origines sont tracées. Ce qui est formidable dans la collaboration avec Theory, c’est qu’en raison de la grande taille de l’entreprise, l’impact est réel. Theory n’est pas un label de niche, sa portée est vaste. Il ne s’agit pas d’une collection destinée aux défilés de mode, mais bien d’un produit qui se retrouvera dans de nombreux lieux de ventes physiques.
Quels sont vos projets à venir ?
En ce moment, je termine la deuxième collection pour Theory Project et, en même temps, je commence le développement de la troisième saison avec les ateliers. Bien sûr, je suis à l’heure qu’il est très excité de dévoiler la première collection en magasin. D’ailleurs, un événement est prévu pour son lancement à New York : nous avons demandé à trois chorégraphes de la ville de créer un happening spécialement dédié pour le lancement. L’événement s’appelle “Movement of New York” et sera ouvert au public.
La première collection capsule Theory Project by Lucas Ossendrijver est disponible depuis ce mercredi 7 septembre sur eu.theory.com et en édition limitée dans la boutique Theory située au 215 Rue Saint Honoré Paris 1er.