18 juin 2021

Qui est Thebe Magugu, premier créateur africain lauréat du prix LVMH ?

Le 4 septembre 2019 à la Fondation Louis Vuitton, Thebe Magugu recevait des mains de l’actrice  Alicia Vikander le prix LVMH, devenant ainsi le premier créateur africain lauréat du trophée.

Son sourire est communicatif et son émotion est palpable : le 4 septembre 2019, à seulement 26 ans, le Sud-Africain Thebe Magugu vient en effet de remporter le prestigieux prix LVMH. Parmi la prometteuse sélection des huit finalistes, il est à la fois le plus jeune et le premier lauréat issu du continent africain. Baptisé de son propre nom, son label de prêt-à-porter féminin propose depuis plusieurs années une vision actuelle de son héritage culturel, notamment à travers des matériaux et des pièces produites localement. 

 

 

C’est dans la ville de Kimberley que Thebe Magugu grandit, entouré de femmes fortes et indépendantes, dans sa famille d’abord, mais aussi rencontrées au fil de son parcours et de ses études. Autant de figures inspirantes qui deviendront plus tard les destinataires de ses créations. “Quand je crée, je pense à toutes ces femmes qui font partie de ma vie, à ce qu’elles aiment, à la façon dont elles s’habillent, puis j’essaie d’en tirer ma propre interprétation”, confie-t-il. À travers son label lancé en 2015, le designer concrétise ces ambitions en proposant des silhouettes aux coupes précises qui structurent le corps féminin sans le contraindre, offrant un large choix de pièces : robes cintrées monochromes ou à imprimés colorés, jupes plissées, salopettes surpiquées ou vestes hybrides et bimatières… L’équilibre de ces créations réside dans son association de matériaux fluides et transparents à d’autres plus denses et épais, ainsi qu’à ses judicieuses combinaisons de couleurs vives telles que le rouge, le rose, le bleu ou le jaune.

Thebe Magugu printemps-été 2018

La femme habillée par Thebe Magugu est intelligente et cultivée. Dès la saison printemps-été 2017, chacune de ses collections porte ainsi le nom d’une discipline étudiée à l’université : “Geology” d’abord, puis “Home Economics”, enfin “Gender Studies” (“études de genre”) pour la plus récente – des sujets savamment choisis par le Sud-Africain, en lien avec les questions territoriales. Ce parti pris révèle aussi l’importance qu’il accorde à l’éducation, se nourrissant lui-même constamment de nombreuses lectures théoriques. Toutefois, Thebe Magugu redoute que l’on oublie trop vite la dimension scientifique de son travail : “J’étais souvent frustré d’avoir investi autant d’efforts dans la recherche pour mes collections pour qu’à la fin on ne retienne qu’une belle jupe. J’avais l’impression que l’on passait à côté des concepts que je voulais transmettre.” Alors lui vient une idée : intégrer une puce électronique à chacune de ses pièces pour permettre à n’importe quel détenteur de smartphone de connaître, par un simple scan, l’histoire qui sous-tend chacune de ses créations. Si le prix LVMH ouvre à Thebe Magugu la porte du marché international, ce dernier tient à ce que le cœur de son label et de sa production reste basé à Johannesburg afin de continuer à mobiliser ressources humaines et savoir-faire locaux. Car le designer souhaite mettre en avant la vie culturelle sud-africaine foisonnante et les talents de son pays. Le jeune homme aime en effet rendre hommage à ceux qu’il admire. Preuve en est Faculty Press, sa publication annuelle : “C’est l’une de mes plus grandes fiertés ! J’ai un profond respect pour l’édition et j’ai tellement d’amis journalistes et photographes de mode talentueux qui n’ont pas la visibilité qu’ils méritent…” Un média qui lui permet de valoriser une scène souvent méconnue et de contrecarrer les clichés persistants des Occidentaux sur l’Afrique. Nul doute que sa consécration par le groupe LVMH le soutiendra dans ce louable projet.