Qui est Burc Akyol, le créateur que Kendall Jenner et Cardi B s’arrachent ?
Depuis 2019, Burc Akyol, créateur éponyme de sa maison de demi-couture, fait dialoguer avec succès le Moyen-Orient et l’Occident, à travers des collections mêlant sensualité, épurement et expérimentation matérielle. Le trentenaire français d’origine turque, qui a récemment gagné le Prix du pays invité (Turquie) au Fashion Trust Arabia, est aujourd’hui finaliste du prix LVMH 2023.
Par Erwann Chevalier.
Les influences antiques de Burc Akyol
Depuis neuf ans, Burc Akyol s’évade régulièrement à Pantelleria, une île du sud de la Sicile, pour recharger ses batteries et puiser des inspirations qui transparaissent dans ses collections. Coupée du monde, cette île volcanique “où l’on capte uniquement Radio Tunisie”, comme s’en amuse le créateur, lui permet au fil de des séjours d’élaborer un recueil d’influences artistiques aussi visuelles qu’historiques. “Je suis notamment obsédé par les cariatides, ces statues féminines antiques qui oscillent entre le sacrifice et la beauté : ce sont un peu comme mes muses. Dans mes pièces, leur influence se retrouve dans l’association fréquente d’un haut à structure plutôt rigide et un bas drapé. J’avais envie d’y traduire un geste très naturel, celui d’attraper sa robe par la main pour ne pas glisser ou marcher dessus.” Cette approche culmine notamment dans une somptueuse robe-veste dont le large pan de tissu drapé s’anime sur les jambes dans un mouvement dramatique. Une illustration de l’excellence de ce créateur prometteur, qui confie aujourd’hui rêver d’habiller des stars incarnant parfaitement la nouvelle génération, à l’instar de Zendaya ou Timothée Chalamet.
La finale du Prix LVMH 2023 se tiendra le 7 juin prochain à la Fondation Louis Vuitton.
Le 5 novembre dernier, la mannequin star Kendall Jenner faisait sensation en foulant le tapis rouge du onzième gala annuel Art+Film du musée d’art du comté de Los Angeles, vêtue de l’une des sensuelles créations de Burc Akyol. Réunissant un pagne argenté flottant élégamment sur les longues jambes de la jeune Américaine et un body noir transparent, où sa poitrine se trouvait masquée par un soutien-gorge adhésif, cet ensemble a provoqué un véritable engouement sur les réseaux sociaux et dans les médias, incitant de nombreux curieux à se plonger dans le travail du créateur français d’origine Turque. Si depuis 2019, année de création de son label de demi-couture – pièces demandant une grande part de savoir-faire mais gradées par tailles standard et non fabriqués sur mesure –, Burc Akyol a su aussi bien séduire la rappeuse américaine Cardi B, la mannequin française Tina Kunakey ou encore le chanteur belge Pierre de Maere, tout s’accélère depuis quelques mois autour du Parisien âgé de 34 ans. En effet, le 27 octobre dernier, ce dernier a notamment remporté à Doha le Prix du pays invité (Turquie) au Fashion Trust Arabia, qui récompense chaque année un créateur de mode spécialisé dans le prêt-à-porter féminin. Aujourd’hui, il fait partie des finalistes du Prix LVMH 2023.
Burc Akyol célèbre ses origines turques avec ses collections sensuelles et épurées
Une consécration qui intervient dix-sept ans après les premiers pas de Burc Akyol dans la mode. À l’image de nombreux créateurs avant lui, d’Elie Saab à Rabih Kayrouz en passant par Manish Arora, plongeant dans leurs origines géographiques pour nourrir leur imaginaire fertile, Burc Akyol tourne, de son côté, les pages d’un récit familial écrit entre le Moyen-Orient et l’Occident. Né en France, le créateur d’origine turque passe son enfance dans une résidence HLM de la banlieue parisienne à admirer les gestes précis et précieux de son père, qui exerçait le métier de tailleur. “Ma jeunesse a été traversée par ce paradoxe permanent entre la beauté de la création et la brutalité de la vie réelle à laquelle j’étais confrontées quotidiennement”, confie le trentenaire. Très tôt inspiré par cet héritage familial, mais également par le virtuose des couturiers Azzedine Alaïa et Yves Saint Laurent, le jeune homme décide d’embrasser une carrière dans la création de mode et étudie à l’Institut Français de la Mode à Paris. Son talent l’amènera à passer par les ateliers de la maison Dior à l’époque de John Galliano, puis de Balenciaga sous la direction artistique de Nicolas Ghesquière. “J’ai saisi ces expériences pour emmagasiner le plus de bagage possible, se remémore-t-il. Puis est venu un moment où j’ai su que je pouvais enfin faire face à l’inconnu et me lancer”. En 2019, le créateur décide alors de fonder son propre label indépendant. Revendiquant, à l’image de sa génération, une mode inclusive et durable, celui-ci célèbre dès ses débuts la culture arabe avec des silhouettes jouant habilement entre des coupes épurées, une sobriété de la couleur et la sensualité des matières et de leur tombé sur le corps.
Le label Burc Akyol, entre héritage culturel et essence couture
“Aujourd’hui, si l’on ne fait pas les vêtements soi-même, ne serait-ce que coudre une pièce, il est compliqué de faire ce métier !”, confie le créateur, dans son studio du huitième arrondissement, alors qu’il présente une par une les silhouettes de sa dernière collection COLL 02 Summer, dévoilée fin septembre dernier lors de la Fashion Week parisienne. Pantalon sultan en jersey fluide, à large ouverture frontale s’étendant du haut de la cuisse à la cheville, veste de tailleur aux épaules exagérément pointues – inspirée du kepenek, un vêtement extérieur traditionnel de berger turc – ou encore un maillot de bain speedy monochrome à la teinte tellurique embelli de deux petites cymbales de Doha, couleur or…. Subtilement, les détails caractéristiques des djellabas et des caftans sont évoqués dans la frange de coton qui forme un “V” en bas de robes en tulle de soie presque transparente, portée directement sur un corps partiellement dévoilé. Présentées au public dans la cour de son immeuble parisien, au sol recouvert de tapis orientaux pour l’occasion, ces pièces sont une ode à l’amour du trentenaire pour ses origines et témoignent également de ses partis pris techniques. “J’ai envie que mes pièces soient très faciles à porter, justifie-t-il, même si le travail de construction et de confection qui se trouve derrière tend vers la couture”. C’est notamment par ces qualités que le jeune homme à développé son identité, portant simultanément une attention particulière au confort avec l’utilisation de matériaux comme le jersey, la soie et molleton, autant qu’au savoir-faire, en mettant à profit sa maîtrise du flou autant que du tailleur, ainsi que de l’expérimentation presque plastique.
Car si cette dernière collection annonce la direction vers laquelle le créateur se dirige actuellement, lorsque Burc Akyol faisait ses débuts en 2019 avec COLL 01 PART 01, un premier vestiaire libéré du calendrier saisonnier de la mode, on y discernait déjà l’ambivalence caractéristique de son label. Derrière leur couleurs sobres – noir, beige, blanc –, leurs silhouettes épurées, et parfois même leurs coupes rigides, ces tenues de soirée révèlent leur flamboyance par la présence de certains accessoires, aujourd’hui devenus la marque de fabrique du créateur. L’un des plus marquants restera ce soutien-gorge en bronze où les mains du créateur, moulées par l’atelier parisien Le Chemin des Maquettes, semblent retenir et dissimuler la poitrine. Inspirée de la couverture de Janet Jackson pour Rolling Stone en 1993 signée par Patrick Demarchelier, où le mari de la pop star américaine lui couvre les seins, cette création en métal lourd évoque, 27 ans plus tard, la censure des tétons féminins sur les réseaux sociaux. Qualifié par le créateur comme l’une de ses “pièces fortes” , le soutien-gorge n’est resté que très peu de temps dans son studio tant il a été emprunté par les magazines, photographes et célébrités. Un succès qui a amené Burc Akyol à poursuivre le travail du bronze, amenant à travers chaque pièce matière à réflexion. Récemment, le créateur s’est fait mouler les pieds comme une invitation à repenser le fétichisme pour cette partie du corps. Ainsi, la forme de ses orteils se retrouve désormais sur le devant des joues d’un lourd casque en bronze, tandis qu’un étui à cigarettes en forme de mains collées paume contre paume en position prière, maintenu par une bandoulière, vient réveiller l’élégance discrète d’un tailleur noir d’une touche surréaliste – qui n’est pas sans rappeler l’héritage de la maison Schiaparelli.