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Quand Chanel habille le cinéma
Des grands boulevards d’Hollywood aux décors intimistes de la Nouvelle Vague, les vêtements chic et épurés signés Gabrielle Chanel figurent parmi les premiers costumes couture du cinéma. Amie de Louis Malle, de Jean Renoir, et de bien d’autres réalisateurs de renom, la créatrice à l’origine de l’élégance à la française a su voir dans le septième art un vecteur exceptionnel de la mode. Aujourd’hui, la maison Chanel perpétue cette amitié en continuant de soutenir avec ferveur le cinéma, grâce à de nombreux partenariats notamment avec LaCinetek.
par Margaux Coratte,
et La rédaction.
Publié le 18 juillet 2025. Modifié le 8 octobre 2025.

Chanel et LaCinetek célèbrent le tailleur Chanel au cinéma
La Règle du Jeu (1939) de Jean Renoir, le sketch de Le Travail Luchino Visconti, extrait de Boccace 70 (1962), Baisers volés (1968) de François Truffaut ou encore Étreintes brisées (2009) de Pedro Almodóvar… À première vue, ces quatre films n’ont pas grand chose en commun. Et pourtant… Qu’il s’agisse de Mila Parély, Romy Schneider, Delphine Seyrig ou Penélope Cruz, toutes portent à l’écran l’iconique tailleur Chanel.
Et tous ces longs-métrages sont visibles dans le cadre d’une rétrospective intitulée À l’affiche, tailleurs Chanel, sur LaCinetek, une plateforme de streaming fondée en 2015. La sélection qui rend hommage à la présence du tailleur dans le septième art est également l’occasion de découvrir une vidéo inédite tournée dans les précieuses archives de la maison. Un dialogue passionnant entre le journaliste Julien Magalhães et le costumier Jürgen Doering. L’occasion de revenir sur l’histoire d’amour unissant Chanel et le cinéma.
Partenaire officiel de l’Académie des César, Chanel entretient une relation étroite avec le cinéma, et ce depuis ses débuts. La maison habille des personnages de femmes fortes, audacieuses, raffinées et libres, soit des femmes à son image.
Les débuts de Chanel au cinéma
Si Karl Lagerfeld lui-même a créé des collections spéciales que l’on peut voir dans les films de Woody Allen, Francis Ford Coppola, Franco Zeffirelli ou encore Olivier Assayas, c’est Gabrielle Chanel la première qui s’est intéressée au septième art. “C’est par le cinéma que peut être imposée la mode aujourd’hui”, affirmait-elle dans La revue du cinéma en 1931.
Au cours de sa carrière, elle habille les actrices les plus en vogue du cinéma français. Et fait même quelques incursions à Hollywood, forgeant ainsi l’image particulièrement photogénique de sa maison de couture. Avec elle, le vêtement, sa coupe et ses matières deviennent des éléments cinématographiques à part entière. Le vêtement devient même essentiel à la composition d’un plan.

Tonight or Never, le style à la française à Hollywood
Dès 1930, le producteur des United Artists Samuel Goldwyn propose à Gabrielle Chanel de venir habiller ses actrices. Ce projet inédit est l’occasion pour le magnat d’Hollywood de faire de ses stars des icônes de la mode. Et sa collaboration avec Mademoiselle prend forme avec Tonight or Never (1931)… Où l’actrice Gloria Swanson porte des robes Chanel spécialement conçues pour le film.
Si la créatrice française prend alors conscience du lien primordial qui unie couture et seotièem art, les critiques n’apprécient pas son style épuré, le jugeant trop simple pour les comédiennes ardentes d’Hollywood. Chanel quitte alors le sol américain, mais sa carrière au cinéma est lancée.

Le Quai des Brumes, exit la robe au cinéma
De retour en France, des projets d’envergure attendent Mademoiselle Chanel : elle doit habiller le personnage féminin du film de Marcel Carné, mais aussi collaborer avec Jean Renoir pour La Marseillaise (1938), La Bête Humaine (1938) et La Règle du Jeu (1939). Alors que Michèle Morgan fait appel à la créatrice pour Le Quai des Brumes, Gabrielle Chanel déclare : “Un film comme celui-là n’a pas besoin de robe ; un imperméable, un béret, voilà tout !”.
La démarche féline de l’actrice, qui joue ici aux côtés de Jean Gabin, les mains dans les poches, est facilitée par la souplesse de l’imperméable, son regard rehaussé par le béret qui le surplombe. L’élégance dite “masculine” de Coco Chanel trouve ici sa parfaite incarnation, entre présence mystérieuse et pouvoir de séduction.

Ascenseur pour l’échafaud ou les débuts de la Nouvelle Vague
Ascenseur pour l’échafaud est la deuxième collaboration entre Louis Malle, Gabrielle Chanel et Jeanne Moreau. Après avoir réalisé Les Amants (1958), le trio signe un long-métrage aujourd’hui considéré comme un film pionnier de la Nouvelle Vague. Le tailleur en tweed caractéristique de la maison Chanel, symbole de modernité, de mouvement et de libération de la femme, semble convenir parfaitement à la nouvelle esthétique du cinéma français.
Sur les notes languissantes de Miles Davis – qui signe la bande-originale du film –, Jeanne Moreau défile esseulée dans les rues de Paris. Devenu film culte, le long-métrage voit naître également une amitié solide entre Gabrielle Chanel et l’actrice. Une actrice dont on se rappelle encore aujourd’hui l’élégance, à l’écran comme à la ville.

L’année dernière à Marienbad, une nouvelle conception du costume de cinéma
Pour son troisième long-métrage, Alain Resnais demande à la créatrice française de confectionner une garde-robe évoquant à la fois l’esprit des stars de cinéma et les années 1920. Les robes portées par Delphine Seyrig dans le film sont fluides et délicates, amples, rappelant l’ivresse de l’époque d’après-guerre. Pour la première fois au cinéma, Gabrielle Chanel ne crée pas de costumes spécifiques pour le rôle.
Mais elle fait porter des pièces haute couture issues de ses propres collections. Une nouvelle conception du costume de cinéma est née. Le septième art devient peu à peu le lieu privilégié d’exposition des plus grandes maisons de mode, où les comédiens arborent des pièces maîtresses de collections déjà existantes.

Boccacio 70 ou quand le vêtement symbolise l’émancipation
Constitué de plusieurs petites histoires réalisées par quatre cinéastes différents, Boccaccio 70 est un film hybride qui dresse une satire de la société italienne des années 1960. La fable de Visconti “Il Lavoro” (Le Travail), met en scène Romy Schneider, entièrement habillée par Gabrielle Chanel. Comme avec Jeanne Moreau, Anouk Aimée, Anna Karina ou Delphine Seyrig, la créatrice se lie d’amitié avec la jeune comédienne et profite du film pour réinventer son image. En instillant sacs, bijoux de perles, souliers fins et parfum n°5, Romy Schneider incarne l’esprit libre de la maison française.
De plus, les costumes Chanel portés à l’écran se font le miroir du cheminement intérieur de cette femme. Ils viennent malicieusement briser l’image innocente de celle que l’on connaissait alors comme Sissi impératrice. En mélangeant allure décontractée et élégance, Gabrielle Chanel donne de l’ampleur au personnage, et scelle ainsi à jamais la relation passionnelle entretenue par la mode et le cinéma.
La rétrospective À l’affiche, tailleurs Chanel, jusqu’au 3 août 2025 à LaCinetek, Paris 10e.
