Prix LVMH 2022 : KNWLS, le label d’empowerment féminin qui séduit Bella Hadid et Rihanna
Jeudi 24 mars 2022, le Prix LVMH dévoilait la liste des huit finalistes de sa neuvième édition, parmi lesquels le label londonien KNWLS, fondé en 2017 par les designers Charlotte Knowles et Alexandre Arsenault. Depuis cinq ans maintenant, leurs créations sensuelles et structurées, mêlant travail du corset et du cuir, mesh imprimé, laçage ou plus récemment, travail de la fourrure et du denim pour défendre une vision puissante de la féminité, font sensation auprès de stars internationales telles que Bella Hadid, Rihanna et Grimes.
Propos recueillis par Matthieu Jacquet.
Leurs créations à la fois sensuelles et structurées, défendant avec ferveur la féminité et son empowerment, font aujourd’hui le bonheur de stars internationales, de Grimes à Rihanna en passant par l’actrice Hunter Schafer, qui les a arborées à plusieurs reprises dans la série HBO à grand succès Euphoria. En seulement cinq ans, le label londonien KNWLS – originellement Charlotte Knowles rebaptisé en 2021 – s’est hissé au rang des marques de mode parmi les plus hype du moment. Un succès notamment dû à la volonté tenace de sa co-fondatrice éponyme qui, après un stage chez Acne Studios et un rapide passage chez Helmut Lang sous la direction artistique de Shayne Oliver, a fondé son label dès 2017, dans la continuité de sa collection de diplôme pour la prestigieuse Central Saint Martins de Londres. Pour s’entourer, la jeune femme a choisi son ami et aîné Alexandre Arsenault, également designer rencontré sur les bancs de cette même école. Depuis, leurs corsets en cuir ont fait sensation, autant que leurs robes, brassières et autres jupes moulantes en mesh imprimées, mais également l’attention au détail visible dans nombre de leurs créations à travers leur approche du laçage ou encore, plus récemment, le traitement du denim. L’une de leur plus fidèles ambassadrices, Bella Hadid, leur a d’ailleurs offert une grande visibilité en portant leurs pièces des rues de New York au tapis rouge de la très suivie cérémonie américaine des MTV Video Music Awards. Si le studio de KNWLS est aujourd’hui basé à Londres et ne cesse d’agrandir ses équipes, il trouve ses plus grands soutiens outre-Atlantique au Canada, notamment grâce à la plateforme de vente en ligne Ssense, avec laquelle le label a pu réaliser des projets exclusifs, comme une collection capsule en collaboration avec la photographe Harley Weir. Aujourd’hui parmi les huit finalistes du prix LVMH, ses deux fondateurs se confient à Numéro, commençant par résumer l’identité de leur label par un mot on ne peut plus explicite : “Power“.
Numéro : Vous vous êtes tous les deux rencontrés durant vos études de design de mode à Central Saint Martins de Londres, dont vous êtes sortis diplômés entre 2016 et 2017. Qu’est-ce qui vous a incité à lancer votre propre label ensemble ?
Alexandre Arsenault : Tout a commencé plutôt naturellement. J’ai eu mon diplôme un an avant Charlotte, et l’année suivante je l’ai aidée sur sa collection de fin d’études pendant que je montais mon propre label de mode masculine. Quand elle a passé son diplôme à son tour, nous nous sommes dits qu’il était plus logique de continuer tous les deux, en partant de sa collection sur laquelle nous avions collaboré.
Charlotte Knowles : Tout à fait. En ce qui me concerne et aussi loin que je m’en rappelle, j’ai toujours souhaité créer mon propre label.
“J’aimerais qu’un jour nous devenions des acteurs majeurs de l’industrie de la mode, capables d’impulser des changements de l’intérieur.”
Depuis le lancement de votre label, KNWLS – qui s’appelait originellement “Charlotte Knowles” – est complètement porté par la volonté de rendre les femmes puissantes. Qu’est-ce qui caractérise et distingue la vision de l’empowerment féminin propose à votre label ?
Charlotte : Je pense que la plupart des labels et maisons de mode devraient défendre l’empowerment féminin. Nous espérons que l’univers que nous construisons rend notre manière de l’aborder unique. Notre vision de la chose, c’est que l’empowerment passe avant tout par une histoire de contrôle : chaque personne doit avoir le contrôle sur la personne qu’elle est et sur la personne qu’elle souhaiterait être.
Vous avez attiré l’attention du public dès la fin des années 2010 avec des créations sensuelles, mêlant des matières très fines, souples et transparentes comme le mesh avec des pièces plus structurées comme des corsets en cuir. Pourquoi, selon vous, ces silhouettes ont-elles connu un tel succès à l’époque ?
Charlotte : Je pense que ce sont effectivement nos pièces les plus sensuelles, jouant sur les superpositions, qui ont d’abord attiré l’attention sur Instagram. En 2017, j’y ai capté cette envie intense chez des femmes qui souhaitaient avoir le contrôle total de leur corps, être capables de choisir comment s’habiller sans être jugées, mais à l’époque tout ce qu’elles trouvaient étaient des vêtements oversize et des coupes très minimales qui couvraient la quasi intégralité de leurs silhouettes. Ainsi, nous avons vu naître cette nouvelle “femme” sur les réseaux sociaux, et nous avons créé le monde qui lui permettrait d’exister.
En avril 2021, alors que vous dévoiliez votre collection automne-hiver 2021-2022, vous en avez profité pour changer votre nom “Charlotte Knowles” en “KNWLS”. Comme vous le mentionniez à l’époque, cette décision marquait un tournant dans histoire de votre label, visant à le rapprocher davantage d’une maison de luxe. Que signifie pour vous ce changement de statut, et comment s’est-il reflété dans vos manières de travailler, à l’intérieur et à l’extérieur du studio ?
Alexandre : La première motivation de ce changement est que nous rencontrions des problèmes pour déposer le nom “Charlotte Knowles” en Amérique, ce qui nous a amenés à repenser le label et son orientation. Par ailleurs, alors que nous ne cessions de grandir et de développer notre équipe, ce projet est devenu de moins en moins un projet “éponyme”, lié à une ou deux personnes seulement. Chaque membre de l’équipe est autant responsable du succès du label, et ce dernier devrait refléter cet état d’esprit. C’est pourquoi nous avons transformé notre nom d’origine en un symbole plus cryptique.
Récemment, des stars internationales telles que Rihanna, Bella Hadid ou Grimes ont porté vos créations, également repérées dans la série HBO à grand succès Euphoria. Maintenant que vous semblez plus établis dans le monde de la mode, qu’est-ce que cette récente visibilité a changé pour vous en terme de croissance, de clientèle, de production, ou encore d’identité ?
Charlotte : Cela a tout changé. Instagram a offert l’opportunité à de jeunes labels comme nous de développer un marketing incroyable, à la fois naturel et authentique. Bella Hadid et Grimes sont de grands soutiens pour KNWLS et nous inspirent beaucoup en tant que personnes, tout comme Rihanna, et quiconque qui porte nos vêtements, finalement… Nous nous inspirons beaucoup de la communauté qui se constitue autour de notre label. Cela nous arrive souvent de prendre des captures d’écrans des personnes qui portent nos pièces et de les placer sur nos moodboards, et pas seulement des célébrités !
Alexandre : J’aimerais vous dire que nous sommes établis, mais nous ne le sommes pas encore ! (rires) Nous aimerions surtout que notre label ait un impact sur le dialogue au long cours qui a lieu dans la mode. Plus un label grandit, plus on doit faire en sorte de maintenir cette croissance. Car plus on fait, plus on a besoin de gérer et apprendre : plus de salariés, plus de problèmes, plus de choses à organiser et moins de temps pour le faire…
Comment vivez-vous le fait de voir KNWLS parmi les huit finalistes du prix LVMH cette année ?
Charlotte : C’est incroyable, et nous ne l’aurions jamais imaginé ! Nous n’avons pas postulé avec des attentes précises, habituellement nous sommes plutôt insulaires, c’est pourquoi c’était très agréable d’arriver d’abord jusqu’à la demi-finale et rencontrer toutes ces personnes fantastiques, et entendre ce qu’elles avaient à dire sur notre label. Maintenant, la finale pour nous, c’est comme la cerise sur le gâteau !
Aujourd’hui, cinq ans après le lancement de votre label, où et comment souhaiteriez-vous le voir évoluer ?
Charlotte : J’aimerais qu’un jour nous devenions des acteurs majeurs de l’industrie de la mode, capables d’impulser des changements de l’intérieur. Pour l’heure, je souhaite que KNWLS continue à grandir et que de plus en plus de personnes soient enthousiastes et inspirées par l’univers que nous continuons de construire.
“Nous avons vu naître cette nouvelle “femme” sur les réseaux sociaux, et nous avons tenté de créer le monde qui lui permettrait d’exister.”
Depuis son lancement en 2017, votre label s’est en effet beaucoup développé dans les champs de production, en apposant son ADN à différents secteurs et techniques : denim, maille, imprimés, mais aussi le travail du cuir, qui a pris de plus en plus d’importance dans vos dernière collection. Comment gérez-vous simultanément ces multiples pôles de création ?
Alexandre : Nous travaillons avec un designer d’imprimés génial et avec des usines qui ont beaucoup d’expérience. Tout cela implique des processus de productions qui prennent du temps et ne se passent pas en une nuit ! Concernant le cuir, nous consacrons une longue période de travail au développement produit des pièces. Nous avons aussi découvert des personnes compétentes et expérimentées, et des tanneries auxquelles nous pouvons faire confiance, qui peuvent créer pour nous des cuirs de luxe et sur-mesure tout en respectant les régulations pour minimiser leur impact environnemental et innover.