Pierpaolo Piccioli, l’homme inarrêtable de Valentino
À l’opposé des divas hystériques, le directeur artistique de Valentino est humble et bien ancré dans le réel. Depuis sa base romaine, Pierpaolo Piccioli produit pas moins de dix collections par an, dont quatre masculines, où il ressuscite tantôt le motif camouflage, tantôt la folie des logos, devant un parterre de stars glapissant d’excitation.
Fin 2020 sur Instagram, Pierpaolo Piccioli révélait lui-même qu’il venait d’être élu International Women’s Designer of the Year par le CFDA. L’image n’était pas un portrait officiel, ni le cliché subliminal d’un show couture de Valentino où l’on apercevrait le public se levant presque toujours au final pour l’applaudir, tant ses collections sont époustouflantes. Non, il s’agissait d’un selfie bon enfant, tout sourire, la statuette du CFDA empoignée à pleine main, appuyée sur un de ses genoux croisés en tailleur, à la manière des gamins qui ne sont pas peu fiers de remporter leur premier trophée de foot.
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Le directeur artistique romain n’en est pourtant pas à sa première récompense depuis qu’il tient seul les rênes créatives de la marque italienne. L’année dernière, il a reçu un titre similaire du Women’s Wear Daily. En 2018, c’était le British Fashion Council qui saluait son talent… Pour tout créatif, il est plus facile de se renouveler en changeant de maison qu’en restant en poste. Excepté pour Pierpaolo Piccioli qui, du jour au lendemain à l’été 2016, a relevé le challenge d’œuvrer en solo. Sans délai, il a même insufflé une modernité plus romantique et personnelle à Valentino. Entre la haute couture, les lignes de prêt-à-porter féminin et masculin, les multiples pré-collections et autres éditions croisières, ce sont aujourd’hui plus de dix propositions par an qui sont éditées sous l’impulsion du signor Piccioli. Pour autant, le succès ne lui a jamais tourné la tête et n’a rien changé à ses priorités. Sa famille, son épouse et ses enfants demeurent au cœur de ses préoccupations en dépit de ses hautes fonctions. Et lorsque son travail ne l’emmène pas loin de Rome, il tient à retourner chaque soir à leurs côtés dans la station balnéaire de Nettuno, située à une soixantaine de kilomètres de la Ville éternelle, sur la côte ouest.
Son entourage professionnel, les couturières, tailleurs et petites mains qui contribuent à la création de ses modèles, occupent également une place importante dans son panthéon personnel. Sur son compte Instagram, il s’immortalise souvent en leur compagnie lors des préparatifs d’un défilé. Et de les mentionner par leur prénom, tout comme il le fait avec les mannequins Christy, Jonas, Kaia, Marcus ou Naomi. C’est vrai qu’il fréquente tous les employés de la maison Valentino depuis longtemps. Et que la plupart ont connu le sémillant Pierpaolo, à ses tout débuts, lorsqu’il a été recruté en tandem avec Maria Grazia Chiuri – aujourd’hui à la tête des collections féminines de Dior – pour dessiner les lignes d’accessoires qui étaient devenus leur spécialité chez Fendi. Avant, lui avait suivi les cours de l’Istituto Europeo di Design à Rome. Encore avant, il s’était passionné pour le cinéma et avait rêvé de devenir metteur en scène. Mais le secteur de la mode lui offrant la possibilité de raconter des histoires plus fréquemment, l’étudiant à l’imagination débridée renonça à ses envies de faire carrière du côté de Cinecittà.
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Quelques décennies plus tard, on retrouve une force de narration manifeste chez le directeur artistique de Valentino. Ses collections se suivent et ne se ressemblent pas, bien
qu’il veille, d’une saison sur l’autre, à perpétuer des coupes et des codes, des imprimés et des broderies stylisés. À plusieurs reprises, il a demandé à d’autres créatifs d’intervenir graphiquement dans son dressing pour hommes. L’automne-hiver dernier, il s’agissait de Jun Takahashi du label japonais Undercover. Ce printemps-été, c’était l’artiste britannique Roger Dean et ses paysages de science-fiction très en vogue dans les années 70. Les collections masculines de l’Italien précèdent toujours son défilé de haute couture d’une beauté de plus en plus renversante. Depuis qu’il œuvre seul, il est parvenu à réinstaurer un côté spectaculaire dans la création et la réalisation de ses modèles. Tout un art cousu main qui, à l’heure des réseaux sociaux, est souvent négligé au profit de la mise en scène dans bien des maisons.