13 nov 2020

Paul Andrew: portrait d’un chausseur adulé par les stars

À l’occasion de son vingtième anniversaire, Numéro Homme a réuni vingt des créateurs les plus influents de la mode masculine. Aujourd’hui, focus sur Paul Andrew, directeur artistique de Salvatore Ferragamo, qui tend à prouver qu’un chausseur sachant chausser peut étendre son emprise à l’ensemble de la silhouette. Dans la maison florentine, l’Anglais tout d’abord adoré par les femmes, et par les stars, dialogue élégamment avec la mode masculine en repensant ses classiques.

Autoportrait Paul Andrew. Polaroïd.

Sans le savoir, Paul Andrew marchait déjà sur les pas de Salvatore Ferragamo avant même d’être recruté par ses descendants. À l’instar de ce chausseur italien, il s’était expatrié de l’autre côté de l’Atlantique au début de sa carrière, multipliant les expériences professionnelles avant de lancer sa marque de souliers. Un parcours step by step qui l’a amené, en 2016, au chevet de cette maison familiale de Florence comme directeur artistique de ses chaussures pour femmes, puis de toute la garde-robe féminine et, depuis un an, de l’ensemble des collections de prêt-à-porter et d’accessoires de la maison.

 

 

 

Le succès immédiat de ses modèles tient à un coussinet moelleux qu’il a breveté et glissé entre les semelles de chacun de ses escarpins, précisément à l’endroit où le pied prend son appui et s’échauffe à la longue.

 

 

Dans les années 90, un des professeurs de Paul Andrew au Reading College de Berkshire lui avait prédit qu’il ne chômerait pas, vu son talent pour dessiner des pièces complémentaires des vêtements. À l’époque, la folie des it-bags commençait à peine. Depuis, ce phénomène du “must have”, qui a gagné les chaussures, fait que l’activité principale d’une majorité de marques de mode ne réside plus dans le prêt-à-porter mais dans les accessoires. Relation de cause à effet, il est également de moins en moins rare de confier la direction artistique d’une maison à un profil spécialisé dans les réticules ou les talons hauts. C’est actuellement le cas chez Gucci, Valentino, Dior côté femme et, donc, Salvatore Ferragamo, où ce Britannique intervient après plusieurs stylistes traditionnels.

 

 

À la fin de ses études, Paul Andrew a tout de même fait ses classes dans l’univers du prêt-à-porter comme assistant d’Alexander McQueen, époque pré-Kering où le créateur aujourd’hui disparu est un formidable trublion et où sa société compte moins de dix personnes. Il est recruté pour travailler sur les chaussures, mais participe à l’ensemble de la création. L’expérience est aussi intense que formatrice… mais non rémunérée. Aussi, lorsqu’on lui propose un véritable poste avec un salaire aux côtés du très sobre Narciso Rodriguez à New York, il n’hésite pas longtemps. Nous sommes alors en 1999. Il planche pendant quelques saisons sur les lignes de souliers et de sacs du designer cubano-américain, avant de travailler trois ans pour Calvin Klein, puis dix ans pour Donna Karan.

 

 

À l’automne 2012, Paul Andrew lance sa marque homonyme, fort d’un solide carnet d’adresses pour produire et commercialiser ses propres souliers rapidement. Cependant, le succès immédiat de ses modèles ne tient pas à cet entregent, mais à un coussinet moelleux qu’il a breveté et glissé entre les semelles de chacun de ses escarpins, précisément à l’endroit où le pied prend son appui et s’échauffe à la longue. La délicate attention va droit au cœur de ces dames. Et sa tête d’acteur hollywoodien bien peigné finit d’en faire leur darling de chausseur ! Des boutiques pointues telles que Colette à Paris le proposent en complément de designers ultra perchés. Au printemps 2016, le Council of Fashion Designers of America (CFDA) lui décerne l’Award du Designer of the Year pour les accessoires. À l’automne, il complète ses collections avec quelques modèles masculins.

 

 

Cette diversification coïncide avec les débuts de Paul Andrew chez Salvatore Ferragamo. Rapidement, cette nouvelle collaboration par-delà un océan s’intensifie. Aussi décide-t-il de limiter l’activité de son entreprise personnelle afin de consacrer davantage de temps à la maison florentine qui a souvent changé de cap et de styliste. Côté mode masculine, il est épaulé par le Français Guillaume Meilland, ancien bras droit de Lucas Ossendrijver chez Lanvin. Et, depuis deux ans, les défilés mixtes de la marque italienne sous sa direction artistique font davantage écho à notre époque. Aux créations spectaculaires, il privilégie souvent des essentiels retravaillés dans des étoffes choisies qui traversent le temps. L’empreinte d’un chausseur.