Comment le jeune créateur Nathaniel Benayoun réinvente le costard-cravate
Jeune créateur passé par Courrèges et Off-White, Nathaniel Benayoun présente pendant la Fashion Week homme une série de pièces uniques réinventant le costume masculin de façon ingénieuse. Un projet présenté sous forme d’exposition, jusqu’à ce dimanche 23 juin à la galerie NeC.
Par Matthieu Jacquet.
Nathaniel Benayoun, le jeune créateur qui repense le costard-cravate
Ils sont des millions à traverser chaque jour les villes aux quatre coins de la planète, blazers et chemises sur le dos, et cravates nouées autour du cou… Depuis des décennies, les travailleurs en col blanc font partie intégrante du paysage urbain, reconnaissables à leur ensemble sobre et universel, qui indique immédiatement leur position sociale et professionnelle. Mais que ressentent vraiment les corps dissimulés et contraints par le fameux “costard-cravate” ?
C’est lors d’un séjour au Japon que Nathaniel Benayoun commence à étudier la question. Là-bas, le jeune créateur croise chaque jour ces hommes parfaitement apprêtés pour leurs journées de travail, et imagine leurs fin de semaine où, éreintés, les salariés modèles se défont peu à peu de l’uniforme qui leur colle à la peau pour retrouver leur liberté. Lui vient alors une idée : repenser le costume masculin pour pouvoir l’enfiler et l’ôter le plus rapidement possible.
L’exposition “SALARYMAN”, présentée à Paris pendant la Fashion Week homme
Profitant de la Fashion Week homme cette semaine, le jeune designer présente le fruit de son travail dans une exposition intitulée “SALARYMAN” à la galerie NeC, en plein cœur du Marais. Sur des mannequins suspendus et alignés, les sept ensembles uniques qu’il a créés énumèrent, suivant les jours de la semaine, les différentes étapes de l’enfilage costume, du plus couvert – manteau sur costume trois pièces – jusqu’au dernier, réduit au simple débardeur blanc et bermuda noir, sur lequel flottent avec légèreté les deux pans d’une chemise ouverte en popeline.
Si à première vue, ces ensembles ont tout des basiques du vestiaire masculin, il faudra s’attarder sur le dos des modèles pour découvrir leur singularité : une longue fermeture invisible, qui descend du haut du col à l’entrejambe du pantalon pour maintenir ensemble tous les éléments qui composent les tenues. Transformées en combinaisons, ces pièces s’enfilent alors d’un seul coup, comme le montre la vidéo projetée sur l’un des murs.
Un jeune créateur féru de tailoring, passé par Off-White et Courrèges
Passé par les maisons Courrèges, Isabel Marant, et surtout Off-White, où il a travaillé dans le département du tailoring et de l’outerwear pendant deux ans, le créateur a mis à profit ses compétences techniques pour repenser le basique du vestiaire masculin dans ce projet singulier. Avec l’aide des modélistes de l’Atelier Point Neuf, à Paris, il est parvenu à maintenir les couches dans une simple fermeture malgré leur épaisseur, conservant ainsi le style épuré et affûté de l’officewear pour que la magie du trompe-l’œil opère. Derrière cette déconstruction du vêtement se lit également une réinvention du rituel de l’enfilage par le jeune homme, qui réfléchit aujourd’hui à lancer son propre label.
À travers ce projet, Nathaniel Benayoun souhaite surtout raconter les histoires de ces employés inflexibles et acharnés qui, pour marquer leur statut et conserver leur place dans la société, ne quittent presque jamais leur uniforme. Le créateur nous le rappelle : “Dans la culture japonaise, la culture du travail est tellement importante que lorsque les salariés ont perdu ou quitté leur emploi, nombre d’entre eux continuent d’enfiler leur costume tous les jours pour ne pas l’avouer à leur famille et subir la honte liée à ce sentiment d’échec, autant que le regard accusateur de la société.” Mais ici, à travers ces sept combinaisons uniques, l’être humain semble peu à peu réapparaître derrière le costume, désormais affranchi des conventions étouffantes d’un monde du travail aussi aliénant qu’autoritaire.
“SALARYMAN”, exposition de Nathaniel Benayoun à voir jusqu’au dimanche 23 juin à la galerie NeC, Paris 3e.