Mode virtuelle : Tribute Brand, la première marque de vêtements 100% virtuels
En 2020, la mode virtuelle connaît un véritable essor. Entre défilés de mode façon jeux vidéo pour Balenciaga et Christian Louboutin, mannequins en 3D pour Mugler et Burberry, et filtres virtuels pour essayer des accessoires Chanel et Dior, les grandes maisons investissent de plus en plus le cyberespace. En parallèle, des marques de mode virtuelle, dont les pièces n’existent qu’au format numérique, voient le jour. Numéro s’est entretenu avec les fondateurs du jeune label Tribute Brand, lancé en 2020 et qui séduit déjà massivement les utilisateurs d’Instagram grâce à des créations techno-couture très efficaces.
Propos recueillis par Léa Zetlaoui.
Fondée en 2020 par Gala Marija Vrbanic et Filip Vajda, deux créateurs de mode, Marina Jukic, spécialisée dans l’expérience utilisateur, et Igor Lipovac, développeur, Tribute Brand s’impose comme la première marque dont les vêtements sont 100% virtuels. Le concept est simple : sur l’e-shop de la marque, les utilisateurs peuvent acquérir l’une des pièces en vente – elles sont disponibles pour tous les genres et dans toutes les tailles, mais en quantité limitée. Celle-ci sera alors numériquement ajoutée à une photo de l’acquéreur, destinée, naturellement, à être publiée sur les réseaux sociaux. Pour quelques dollars seulement, n’importe qui peut désormais se montrer dans une création techno-couture à fort potentiel de likes, sans même posséder le vêtement. Intrigué par ce label d’un genre nouveau, Numéro a interviewé les fondateurs de Tribute Brand sur la mode virtuelle et son impact sur la mode contemporaine.
NUMÉRO : Comment vous est venue l’idée de fonder une marque virtuelle ?
Tribute Brand : Nous sommes la première marque de mode entièrement numérique au monde. Cela a commencé comme un projet de recherche en 2017, alors que nous étions en train d’étudier la communication visuelle. En même temps, nous dirigions une marque de mode physique. Nous avons commencé très tôt à conceptualiser ce qu’est la mode numérique et à expérimenter un logiciel qui était alors en phase de développement. Avec l’explosion des réseaux sociaux, tout ce qui concerne les être humains s’est, petit à petit, déplacé vers le virtuel. Nous étions convaincus que la mode numérique façonnerait l’avenir de l’industrie. Au départ, il était surtout question de l’aspect zéro déchet, mais finalement il n’est pas nécessaire de parler de durabilité pour justifier l’existence de la mode virtuelle. Celle-ci n’est pas une alternative aux vêtements réels, c’est un territoire différent.
Combien de personnes travaillent pour la marque et quelles sont leurs compétences et leurs métiers ?
Nous sommes une équipe assez fluide composée d’une dizaine de personnes. La plupart d’entre elles sont des artistes 3D qualifiés, des concepteurs, des développeurs et des personnes issues de la finance ou avec un profil plus commercial. Selon la nature des projets, nous faisons appel aux personnes les plus adaptées pour y répondre.
Quelle est votre ambition avec cette marque ?
Nous voulons accélérer le développement de la mode virtuelle et jouer un rôle majeur dans l’évolution de la mode vers ce modèle.
Quelle est votre relation avec la mode réelle ?
Notre fondatrice, Gala, a évolué dans l’industrie de la mode, et, pendant trois ans, nous avons dirigé ensemble une marque de prêt-à-porter avant-gardiste. Nous connaissons bien le système, et c’est pourquoi nous avons senti qu’il atteignait un point critique. Ces derniers temps, on voit bien que des changements s’opèrent. D’ailleurs, la mode virtuelle et la couture partagent des similitudes.
Lesquelles ?
Les créations de haute couture sont des pièces puissantes, qui impressionnent par l’énergie particulière qu’elles dégagent. La mode virtuelle que nous proposons provoque exactement le même effet. À la vue d’une robe digitale, les réactions sont identiques à celles suscitées par une robe couture… elles dégagent quelque chose d’irréel. Et n’oublions pas la création. Concevoir des vêtements, créer une collection, même si les pièces restent virtuelles, peut nécessiter autant de temps et d’efforts que de créer un vêtement réel. Tout se passe dans l’espace virtuel régit par de nouveaux principes.
Comment les modes virtuelle et réelle peuvent-elles cohabiter dans notre monde contemporain ?
Nous pensons, à titre personnel, que la mode physique se concentrera davantage sur l’artisanat, la fonctionnalité et la durabilité. Disons que les gens porteront un uniforme dans la vraie vie, et que tout l’aspect purement visuel de la mode, y compris le renouvellement incessant des tendances, se déplacera dans la zone virtuelle.
Quel est le modèle économique de votre marque virtuelle ?
Les utilisateurs peuvent découvrir nos vêtements sans contact et cybernétiques sur www.tribute-brand.com. Nos prix varient de 29 $ à 699 $, et sont déterminés selon la disponibilité. Nous limitons nos pièces à un nombre maximum de téléchargements. Plus une pièce est proposée en quantité limitée – voire exclusive, plus le prix sera élevé. Une fois la pièce achetée, nos clients deviennent réellement propriétaires de ces objets numériques et sont en mesure de les diffuser.
Selon vous, comment les marques de mode virtuelle vont-elles évoluer ?
Lorsque nous avons officiellement lancé Tribute Brand en avril 2020, le marché était presque inexistant. Il y a eu quelques tentatives, mais finalement c’était plus des projets parallèles, qui ont pris fin car ils étaient trop abstraits pour le grand public. Aujourd’hui, ce marché évolue à un rythme très rapide, sûrement à cause du Covid-19. Que ce soient des marques physiques ou des clients ordinaires, tout le monde veut en être ! Bien sûr, nous nous sommes demandé pourquoi quelqu’un paierait pour quelque chose qui n’existe pas, mais finalement, cette question a de moins moins d’importance maintenant. Nous pensons que c’est similaire à ce qu’étaient les crypto-monnaies à l’origine. Donc, il y aura de plus en plus de marques de mode virtuelles avec des objectifs et des esthétiques différents, tout comme dans le système de la mode physique.
Travaillez-vous avec des marques de mode réelle ?
Nous serions ravis de le faire, mais uniquement avec des labels qui partagent notre vision de la mode numérique. Quoi qu’il en soit, nous recevons beaucoup de demandes de collaboration. Aujourd’hui, une partie de l’équipe travaille à la numérisation des vêtements physiques pour certaines grandes marques de mode, malheureusement nous ne pouvons pas en parler pour le moment.
Découvrez les vêtements virtuels de Tribute Brand sur tribute-brand.com
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