The rise and rise of Gregory van der Wiel, footballer for Paris Saint-Germain, photographed by Pierre et Gilles.
Gregory van der Wiel connaît une belle ascension au PSG, embarqué dans l’ambitieux projet dopé aux dollars qataris.
par Delphine Roche.
Le football contemporain est une arène cruelle et Gregory van der Wiel, le beau tatoué du PSG, en fait les frais. Après sa saison terne au sein du club parisien – qui a réalisé un triplé inédit en remportant le championnat, la Coupe de la Ligue et la Coupe de France –, le Néerlandais a été gentiment poussé vers la sortie par le fonds souverain qatari Qatar Investment Authority. On le disait partant pour l’AS Roma ou Manchester United… Mais l’arrière latéral droit du PSG s’est vu proposer in extremis une prolongation de contrat. Sera-t-il titulaire ou simple doublure de Marquinhos ou d’Aurier ? Ni cancre ni génie, le Néerlandais incarne depuis ses débuts au PSG le visage du footballeur sans histoire, discret, affable avec les supporters, qui brille en somme par sa force tranquille.
Pour lui, tout a commencé comme dans un conte de fées : traînant dans la rue après l’école pour taquiner le ballon avec ses amis, Van der Wiel montre des aptitudes exceptionnelles. Aujourd’hui âgé de 27 ans, ce doux garçon au charisme teinté d’une note de virilité gangsta se souvient : “Je ne pensais pas du tout devenir professionnel. J’ai commencé à jouer au football très jeune, comme tout le monde, dans la rue. Ma mère me laissait faire, car j’avais trop d’énergie.” Né d’un père noir originaire de l’île caribéenne de Curaçao et d’une mère blanche, Gregory van der Wiel sera plus tard une des rares figures métissées de l’équipe des Pays-Bas. Mais s’il fait l’objet de commentaires haineux sur Internet lors des prestations de l’équipe néerlandaise, le racisme des supporters de football n’est pas un sujet qu’il aime à aborder. “Cela arrive. Il s’agit d’un petit groupe de personnes auquel il ne faut pas donner trop d’importance. C’est triste, mais je n’ai pas peur”, déclare-t-il en 2014.
Ne jamais faire preuve de trop de caractère. Tenir sa langue. Aligner des poncifs. Rester lisse et ne jamais prêter le flanc à la controverse. Si certains découvrent ces impératifs du sportif de haut niveau au détour des cours de communication dispensés par les grands clubs à leurs joueurs, Van der Wiel a acquis ce b.a.-ba dès son plus jeune âge, et dans la douleur. Recruté à 8 ans par le centre de formation du prestigieux club Ajax, à Amsterdam – dont le système a servi de modèle au Barça, actuel meilleur club du monde –, il vit un rêve. “L’encadrement des jeunes à l’Ajax est exceptionnel, les joueurs qui en sortent sont ensuite achetés par les plus grands clubs du monde. J’ai énormément appris dans le centre de formation. On vient vous chercher à la sortie de l’école, vous disposez d’une heure trente pour faire vos devoirs avec l’aide d’un professeur. Ensuite vient l’entraînement, puis chacun rentre chez soi.” Mais en 2002, à l’âge de 14 ans, le talent en herbe est prêté à un club de moindre importance (qui a depuis déposé le bilan), le HFC Haarlem : une punition récoltée à cause de son comportement arrogant et ingérable. “Ils ne m’ont pas prêté, ils m’ont envoyé au diable !” reprend le jeune homme. “J’étais un vrai garçon de la capitale, grande gueule, rebelle, ils m’ont donc expédié dans un club où l’équipement et l’encadrement étaient de moindre qualité pour que je comprenne à quel point j’étais gâté à l’Ajax. Mais à Haarlem, avec moins de pression, je me suis épanoui. J’ai compris qu’il fallait travailler sans relâche pour devenir professionnel. À mon retour à l’Ajax, le staff a vu que j’avais changé, que j’avais mûri, et ils m’ont gardé.”
Depuis ses premiers pas en équipe pro de l’Ajax, en 2007, à 19 ans, Gregory van der Wiel connaît une ascension régulière. D’abord défenseur central, il est déplacé au poste d’arrière droit par Marco van Basten qui coache l’équipe de 2008 à 2009. Le joueur ne semble pas taillé pour les duels physiques rugueux auxquels est confronté le défenseur central. Le poste de latéral, qui demande une polyvalence totale, lui correspond mieux : il faut intercepter des ballons, mais aussi attaquer, multiplier les courses dans son couloir pour créer du mouvement et déborder, et savoir, au bon moment, décocher un centre à ses coéquipiers. En 2010, la sélection de Van der Wiel dans l’équipe néerlandaise alignée pour la Coupe du monde confirme l’élan positif du garçon. Il sera titulaire, y compris lors de la finale contre l’Espagne, que les Pays-Bas perdront. Il a alors 22 ans, et c’est là son plus haut fait d’armes, que ne connaît aucun autre joueur du PSG. “Jouer une finale de Coupe du monde, c’est le rêve de tout footballeur. Ça m’est arrivé une fois, et ce sera peut-être la seule de ma vie”, raconte-t-il.
En lot de consolation, Van der Wiel remporte avec l’Ajax le championnat néerlandais en 2011 et 2012. Au terme de la saison, il est acheté par le PSG pour un montant de six millions d’euros, un contrat de quatre ans et un salaire que l’on estime à quatre millions d’euros annuels. Le nouveau président, Nasser al-Khelaïfi, entend hisser son club au niveau de ses grands rivaux. Un changement de culture en France, parent pauvre du football européen, malgré sa victoire face au Brésil lors de la Coupe du monde de 1998. Ses meilleures formations – Olympique lyonnais, Olympique de Marseille, Paris Saint-Germain – n’ont encore ni le palmarès ni les moyens financiers des grands clubs anglais qui sont passés aux mains d’hommes d’affaires. L’Espagne peut, elle, compter sur le rayonnement mondial de ses clubs mythiques : le Real Madrid, depuis les années 50, et le FC Barcelone, organisés en associations dont sont propriétaires leurs centaines de milliers de “socios”. Les montants extravagants des transferts et des salaires sont rapidement remboursés par les ventes de maillots et les droits télévisuels – le monde entier veut regarder la Liga en direct, mais qui, hormis les supporters français, a envie de voir l’OM s’opposer au Stade rennais ? Le challenge est donc de taille pour le dirigeant qatari, d’autant que le PSG n’a pas gagné le championnat depuis 1994, et n’a pas participé à la Ligue des champions depuis 2004.
Nasser al-Khelaïfi recrute Leonardo, ancien joueur du PSG et entraîneur de l’Inter Milan, au poste de directeur sportif. Ce dernier nomme Carlo Ancelotti coach de la nouvelle équipe. Ancelotti, lui, fait venir Gregory van der Wiel. En 2012, l’arrière droit fait partie d’une vague de recrutements aux postes clés : l’attaquant suédois Zlatan Ibrahimovic, le Brésilien et meilleur défenseur du monde Thiago Silva, ainsi que le milieu relayeur italien Marco Verratti. Avec les moyens dépensés arrivent une ambition et une pression nouvelles : le PSG se doit de gagner. Les exigences des journalistes comme celles des supporters se tendent. Sur le papier, le PSG est un alien dans le championnat français et devrait logiquement dominer toutes les équipes haut la main. “Ce n’est pas si simple”, nuance Gregory van der Wiel au terme d’une saison où l’on a vu le club parisien s’incliner, par manque d’envie, devant des équipes telles que Bastia (12e au classement en fin de saison). “On dit que le championnat français est ennuyeux pour le PSG, mais j’ai été surpris par le niveau des clubs ici. Nous avons quand même fini par gagner le championnat, parce que notre équipe est vraiment très forte.”
Après une saison 2012-2013 assez médiocre, Gregory van der Wiel s’accroche à l’espoir créé par l’arrivée de Laurent Blanc, le nouveau coach. Et son temps de jeu ne cessera d’augmenter pour culminer la saison dernière à 2 811 minutes, alors que le PSG mène de front quatre grandes compétitions : championnat, Coupe de France, Coupe de la Ligue et Ligue des champions. Pourtant, la confiance que lui accorde Laurent Blanc est très relative : lors du match retour crucial contre Chelsea en huitième de finale de la Ligue des champions, c’est finalement Marquinhos que le coach décide d’aligner à sa place. Souvent raillé par les supporters, le joueur serait également très isolé dans le vestiaire dominé par les Brésiliens et par le tempérament écrasant d’Ibrahimovic.
Champion ou tocard, le footballeur est avant tout un homme comme les autres. Vivre à Paris est pour lui un rêve éveillé. Un appartement partagé avec sa petite amie mannequin, des hordes de fans, des jeans biker de Balmain à foison, des invitations à la Fashion Week masculine… Sans oublier, bien sûr, comme dans la vie de tout footballeur n’importe où ailleurs, une PlayStation à emporter avec soi lors des déplacements, et Lil Wayne ou Drake dans le casque avant d’entrer sur la pelouse… Un rêve éveillé qui mérite bien de mettre son orgueil de côté pour jouer le gentil remplaçant, bon camarade, souriant sur le banc.