Rencontre avec Antoine Griezmann : “Si l’un de mes coéquipiers était gay, je le soutiendrais.”
Bien avant la victoire de l’Équipe de France au Mondial, Antoine Griezmann était déjà le footballeur préféré des Français. Décisif lors de la finale à Moscou, le joueur charismatique surnommé “Grizou” a donné une nouvelle preuve éclatante du talent qu’il affûte, depuis douze ans, dans les plus grands clubs espagnols. Rencontre à Madrid pour une interview à bâtons rompus.
Numéro : Vous êtes tellement choupinou Antoine Griezmann ! Vous devez vous faire dragouiller à tous les coins de rue !!!
Antoine Griezmann : (Rires) Merci ! Ça ne risque pas car je suis quelqu’un de casanier. Je sors seulement pour les entraînements et les matchs. Il m’arrive de faire un resto de temps en temps à Madrid, mais c’est toujours en compagnie de ma famille et de mes amis.
D’ailleurs, vous est-il possible de mettre un pied dehors sans vous faire assaillir par des hordes de groupies glapissantes ?
Comme je le disais juste avant je sors peu, je préfère passer mon temps libre à la maison avec ma femme à préparer un asado ou bien me balader avec ma fille dans le parc qui est à côté de chez nous. Quand je sors de chez moi pour aller boire un verre avec les coéquipiers ou dîner avec mes parents, les personnes sont respectueuses. On m’encourage, on me félicite sans me demander systématiquement un selfie. C’est toujours bienveillant.
Vous arrive-t-il de vous faire séduire par les hommes, ou s’agit-il majoritairement de supportrices de la gent féminine ?
Ça ne m’est jamais arrivé ! Je suis avec Erika, ma femme, depuis sept ans. Je suis un homme heureux et comblé !
Les statistiques démographiques montrent qu’approximativement un homme sur 10 est homosexuel en France. Comment alors expliquer que dans le foot de haut niveau, aucun homosexuel ne figure au palmarès ?
L’homosexualité dans le foot reste un sujet encore tabou. Personnellement, je ne vois pas de problème à affirmer son orientation sexuelle. Si un jour un de mes coéquipiers me disait qu’il était gay, ça ne me choquerait pas et je serais là pour le soutenir dans ce milieu qui peut être parfois macho. Le mois dernier, j’ai participé à un documentaire qui passera sur les chaînes de France Télévision : Footballeur et Homo. Et j’espère sincèrement que ce sujet fera bouger les choses !
“De vous à moi, je préfère que l’on m’appelle ‘Grizi’, un raccourci de Griezmann. ‘Grizou’, ça vient des coéquipiers de l’Équipe de France. Je ne sais pas trop pourquoi on m’a surnommé comme ça. Il faudrait demander à Giroud !”
Pourquoi pensez-vous que vous êtes le sportif préféré des 7-14 ans en France, selon le Journal de Mickey ?
Ça me fait toujours plaisir de savoir que les enfants m’apprécient. Je pense qu’ils aiment le fait que je sois encore un grand gamin, je joue aux jeux vidéo, j’invente de nouvelles célébrations, je partage mes délires sur les réseaux sociaux. J’essaye de rester proche de mes supporters et c’est peut-être ça qui leur plaît chez moi.
D’où vous vient votre petit nom, “Grizou” ?
De vous à moi, je préfère que l’on m’appelle Grizi, un raccourci de Griezmann. Grizou ça vient des coéquipiers de l’Équipe de France, je ne sais pas trop pourquoi on m’a surnommé comme ça. Il faudrait demander à Giroud !
“Aujourd’hui, tout ce que l’on dit ou fait est relayé partout, et parfois pas d’un œil bienveillant. Un seul mot peut être repris et dénaturer l’ensemble de tes propos. En ce qui me concerne, j’essaye toujours d’être sincère et de dire ce que je pense… ça ne plaît pas toujours.”
Comment les footballeurs font-ils pour protéger leurs parties intimes lors des matchs ? Portent-ils une coque comme les danseurs étoiles de l’Opéra de Paris ?
À ma connaissance on ne porte pas de coque. Mais parfois on devrait (rires) !!! On se protège du mieux que l’on peut quand il y a un coup franc et on prie pour que le joueur ne vise pas en-dessous de la ceinture.
Ces coques existent-elles en plusieurs tailles, ou s’agit-il de coques taille unique ?
Il faudrait rechercher ça sur Internet. Sans doute ! Malheureusement je ne peux pas vous conseiller !
Quel est le pire bobo que vous vous soyez fait sur le terrain ?
Lors d’un match avec l’Équipe de France, après un duel à la tête un adversaire est retombé sur mon pieds. Mes crampons sont très fins, j’ai tout senti. J’ai fini le match tant bien que mal, mais à la sortie j’avais un trou sur le dessus du pied. Je devais être arrêté trois semaines, mais au bout de sept jours, l’appel du ballon était trop fort… je suis retourné m’entraîner.
Quelles répercussions ce genre d’incidents peuvent-ils avoir sur la carrière d’un footballeur ?
À mon niveau, ça allait, c’était l’histoire de quelques jours, mais quand il s’agit d’une fracture ou d’une déchirure, là ça peut traîner et si le joueur reprend trop tôt, sa blessure peut être mal soignée et il peut se faire mal à nouveau, plus gravement, et mettre fin à sa carrière. C’est super important d’avoir une bonne hygiène de vie, de prendre soin de soi et de s’écouter.
Vos jolies gambettes sont-elles assurées pour 100 millions d’euros, un peu comme le derrière de J-Lo ?
Dans le milieu, on a plutôt intérêt d’assurer nos jambes, c’est notre outil de travail. Mais pour ma part, pas à ces montants !
Quelle est la date de péremption pour un footballeur ?
Ça dépend des profils de joueurs ! Il n’y a pas vraiment d’âge, je crois que la moyenne c’est 33 ans, mais il y a des joueurs qui se sentent encore en forme et qui continuent, d’autres qui mettent fin à leur carrière à 30 ans. Ça dépend aussi des opprortunités que tu as, des envies personnelles et professionnelles de chacun. Ça reste un choix très personnel, je trouve.
Les gardiens de but ont-ils une espérance de vie – sur le plan professionnel – plus longue que les attaquants ?
Oui et non. Un gardien ne court pas 30 bornes sur le terrain pendant les matchs, mais ça reste un sportif de haut niveau à qui on va demander beaucoup de travail en amont, pendant les entraînements.
Pourquoi les footballeurs sont-ils champions de la langue de bois en interview ?
Aujourd’hui tout ce que l’on dit ou fait est relayé, et parfois pas d’un œil bienveillant. Un mot en particulier peut-être repris et dénaturer l’ensemble de tes propos. En ce qui me concerne, j’essaye toujours d’être sincère et de dire ce que je pense (ça ne plaît pas toujours).
“Les deux défaites que nous avons connues en finale de la Ligue des champions et de l’Euro ont été des coups durs. J’ai fait des cauchemars et j’ai bien mis six mois à m’en remettre.”
Recevez-vous tous un media training pour vous apprendre à mieux déjouer les questions perfides des journalistes ?
Non, je n’ai jamais pris de cours de media training. Mon français est parfois approximatif car je pense en espagnol (les gens ne comprennent pas qu’en étant de nationalité française, je n’arrive pas à m’exprimer mieux que ça dans ma langue maternelle). À force de faire des interviews, j’ai appris à peser mes mots et à prendre mon temps pour répondre. Pour le reste, je ne suis pas une machine, et je préfère garder ce côté spontané.
Comment répondriez-vous, par exemple, à ce genre de question : si vous deviez passer deux semaines coincé dans les vestiaires avec un autre joueur, préféreriez-vous vous retrouver avec Neymar, Ronaldo ou Mbappé ?(Rires.)
Je préférais être coincé avec Derrick Rose et D’Angello Russell [basketteurs célèbres de la NBA] pour parler basket.
Avez-vous des rites particuliers avant de rentrer sur le terrain, pour vous porter chance ?
On me pose souvent la question, mais non, je n’ai pas de rite. Autour de moi, certains prient, d’autres s’habillent dans un ordre spécial, moi, j’écoute un peu de musique avant que le coach fasse son briefing pour me vider la tête, et après je suis concentré sur mon match.
Les joueurs se parfument-ils avant de jouer ?
A l’Atletico non, je n’ai jamais vu une de mes coéquipiers se parfumaient. Par contre j’en connais d’autre en Equipe de France qui aiment sentir bon avant d’entrer sur le terrain. Petit plaisir personnel (rires)
Les attaquants sont-ils obligés de se raser intégralement le corps – à l’aide d’un rasoir Gillette – pour être plus aérodynamiques sur le terrain ?
Non ! Ça, c’est si tu aimes les poils ou pas. C’est un choix personnel. Par contre, tu es content quand tu as rasé tes jambes et que l’on te strappe, c’est beaucoup moins douloureux quand tu retires la bande.
La victoire lors de la Coupe du monde était- elle le plus beau jour de votre vie ?
Le plus beau jour de ma vie, c’était la naissance de ma fille Mia en 2016. Je suis un papa complètement gaga et je me souviendrai toujours de l’état de stress et d’excitation dans lequel j’étais quelques minutes avant qu’elle vienne au monde.
Est-il facile pour vous de décrocher lorsque vous rentrez à la maison le soir, ou vous réveillez-vous en pleine nuit, avec des sueurs froides, après des cauchemars d’expulsion du terrain ou de penaltys loupés ?
J’arrive à décrocher grâce à ma famille. On ne parle jamais de foot à la maison, Mia me permet aussi de penser à autre chose. Elle est pleine d’énérgie et me fait faire tout et n’importe quoi. Les seuls coups durs où même la famille ne suffisait plus, ça a été les deux défaites que j'ai vécues en finale de Ligue des champions et en finale de l’Euro. J’ai bien mis 6 mois à m’en remettre, en faisant des cauchemars.
“J’aime de plus en plus la mode. Je renouvelle ma garde-robe tous les trois mois avec quelques pièces fortes. Mais ça doit rester un jeu, je n’aime pas me prendre au sérieux.”
En tant que sportif de haut niveau, avez-vous le droit de boire, fumer, et vous mettre des races comme le commun des mortels, ou toute consommation de substances illicites est-elle formellement proscrite ?
Je ne me lâche que lorsque je suis en vacances. Je profite d’un bon vin avec un asado, d’une bière autour de la piscine. Le reste de l’année, je fais attention.
Êtes-vous un passionné de mode ?
J’aime de plus en plus la mode, les belles pièces de Saint Laurent ou Louis Vuitton. Je renouvelle tous les trois mois ma garde-robe avec quelques pièces fortes. Mais ça doit rester un jeu, je n’aime pas me prendre au sérieux.
Passez-vous votre temps au premier rang des défilés, à courir les boutiques et à squatter le yacht de Valentino à Capri tout l’été ?
Je n’ai malheureusement pas le temps pour les défilés. On s’entraîne tous les jours, j’ai les sollicitations des sponsors, et, vivant à l’étranger, c’est toujours compliqué pour me déplacer à Paris. J’en profiterai quand je serai à la retraite !
Vous arrive-t-il parfois d’opter pour des tenues seyantes, voire moulantes, pour mettre en valeur votre physique d’adonis ?
Non, je préfère me sentir à l’aise dans les vêtements. J’ai le bas du corps développé, je ne peux pas porter des pantalons trop serrés, et puis, personnellement, ce n’est pas mon truc.
Selon vous, est-il acceptable pour un homme de porter le short court et la chaussette montante en dehors des terrains de foot ?
Tous les goûts sont dans la nature ! (Rires.) Moi, je porte souvent ça quand je suis à la maison. Pour sortir, je ne sais pas, chacun fait comme il veut ! Rien ne me choque !
Vous habillez-vous vous-même, ou – telle Beyoncé – votre personal stylist vient-elle vous draper de soieries à votre réveil ?
Je travaille avec un styliste qui me décroche quelques pièces rares, pour le reste, j’essaye de me débrouiller seul.
Que faites-vous de tout l’argent que vous gagnez ? Vos murs sont-ils tapissés de Renoir, Cézanne et Magritte ?
Je le mets en grande partie de côté ! La carrière d’un footballeur est courte et je dois protéger mes arrières et ceux de ma femme et de mes enfants. Il m’arrive parfois de me faire plaisir avec un petit voyage aller-retour de 48 heures aux États-Unis pour aller assister à un match de basket, mais j’essaye du mieux que je peux de ne pas jeter l’argent par les fenêtres.
Pourquoi avez-vous choisi de soutenir l’association Un Rien C’est Tout ?
Il y a un an et demi, Cécile Duffau m’a proposé d’être le parrain de son association et j’ai tout de suite accepté, car j’ai aimé l’approche qu’elle avait de son projet. Je suis très sensible au fait d’apporter mon soutien à différentes causes qui en ont besoin, de pouvoir aider chaque asso du début à la fin, avec un budget et une mission bien précise à chaque fois. Le donneur sait où va son argent, à quoi il a servi et, quand la mission est terminée, on aide une autre asso dans le besoin. Un Rien C’est Tout prend de plus en plus d’ampleur et j’en suis très fier !
Avez-vous vu le film d’animation de Disney, La Reine des Neiges ?
Non, jamais ! J’ai eu de la chance, Mia était trop petite quand il y a eu le phénomène Reine des neiges. Par contre je vous rassure, j’ai droit aux chansons aussi entêtantes que Libérée, délivrée… Baby Shark (avec la choré), c’est sa chanson du moment, : elle passe une bonne dizaine de fois tous les jours à la maison.