11 oct 2022

Comment Kamel Mennour s’est imposé comme l’un des galeristes les plus réputés de Paris

Self-made-man, Kamel Mennour rayonne aujourd’hui sur le monde international de l’art depuis ses quatre espaces dans la capitale. Fan de sport, le charismatique galeriste est mû, dans sa conquête, par un instinct de compétiteur de haut niveau.

Portrait par Patrick Swirc.

Réalisation par Jean Michel Clerc.

Texte par Thibaut Wychowanok.

Kamel Mennour, photographié le 9 septembre 2022 dans sa galerie de la rue Saint-André-des-Arts, Paris VIe, devant Spanish and Pagan Gold (2020) d’Anish Kapoor. Caban en drap de laine et pull en cachemire, LOEWE. Coiffure et maquillage : Richard Blandel chez B-Agency. Retouche : DMBM

Retrouvez ce portrait dans le Numéro Homme 44, disponible en kiosque et sur iPad depuis le 14 octobre.

 

 

Certains soirs de vernissage, alors que les collectionneurs et les artistes butinent encore le bar, Kamel Mennour s’éclipse discrètement. Le galeriste ne boit pas, ce qui n’aide pas à faire passer la pilule d’un cocktail longuet. C’est surtout qu’il a mieux à faire. Mais ce n’est pas un rendez-vous dans les alcôves du pouvoir avec François Pinault (Mennour représente Martial Raysse, un artiste chéri par le collectionneur) ou Anne Hidalgo (il aime placer ses artistes dans les rues de la capitale) qui l’accapare, mais une tout autre passion : le foot. Un match de la Coupe du monde, et Kamel Mennour n’a plus d’yeux que pour l’écran de télévision. Au nombre de ses amis, on compte Éric Cantona, un héros de jeunesse qu’il a vu débuter à Auxerre au début des années 80. Il va sans dire que, s’il était lui-même joueur, Mennour serait un attaquant, instinctif et nerveux comme il l’est sur le terrain de l’art contemporain. Être éminemment sympathique ne fait pas de vous un candide du monde des affaires.

 

Incarnation du self-made-man français, passé par le porte-à-porte pour vendre des lithographies avant de se passionner pour la photographie, ce fils d’une femme de ménage et d’un peintre en bâtiment est aujourd’hui à la tête d’une des galeries d’art contemporain les plus respectées de la place parisienne, réussissant à faire le trait d’union entre méga stars ultra bankable (Anish Kapoor et Lee Ufan), Français institutionnels (Daniel Buren et Philippe Parreno) et une nouvelle génération qu’il accompagne depuis des années déjà vers les sommets. Son artiste Camille Henrot a été récompensée d’un Lion d’argent en 2013 à la Biennale de Venise. Elle a connu depuis une carrière fulgurante à l’international. C’est au tour de Petrit Halilaj d’y recevoir un prix spécial en 2017. Mohamed Bourouissa s’est imposé quant à lui comme l’un des artistes français les plus importants, célébré au musée d’Art moderne de Paris aussi bien qu’au prestigieux Stedelijk Museum d’Amsterdam ou à la Barnes Foundation de Philadelphie.

 

L’objectif du galeriste aujourd’hui, alors que Paris n’a jamais été aussi attractif pour le marché de l’art et les artistes : s’imposer aux yeux de tous comme le galeriste parisien par excellence. Ses quatre espaces sont aujourd’hui à Saint-Germain et dans la très en vue avenue Matignon. Depuis 2011, Kamel Mennour n’a eu de cesse d’user de son entregent et de son réseau pour offrir à ses artistes des lieux prestigieux au sein de la capitale. Cette année, Alicja Kwade et Ugo Rondinone prennent possession respectivement de la place Vendôme et du Petit Palais pendant la première édition de la foire Paris+ par Art Basel. Auparavant, on a vu Anish Kapoor et Lee Ufan à Versailles, Huang Yong Ping au Grand Palais et même Bertrand Lavier et sa moto hommage à Johnny Hallyday à Bercy.

 

À Paris, l’attaquant Kamel Mennour nourrit une autre ambition : institutionaliser la galerie. Il vient d’ailleurs d’annoncer une prise de guerre dont il n’est pas peu fier : l’arrivée chez lui de Sylvie Patry, directrice de la conservation et des collections du musée d’Orsay. Une manière polie de dire que le galeriste poursuit lui aussi l’eldorado du second marché et sa revente d’œuvres classiques et modernes hors de prix ? Kamel Mennour assure que non. Les projets seront “programmatifs”, comprendre profonds et substantiels, à la manière d’un musée. Le public pourra juger sur pièce avec l’exposition d’octobre, curatée par le directeur scientifique de la galerie, Christian Alandete. Il y fait se rencontrer Eugène Carrière, peintre du xixe siècle, avec Alberto Giacometti (dont il représente la succession), Rodin, Picasso ou encore Henry Moore et des artistes contemporains maison. A-t-il peur de l’échec ? Kamel Mennour préfère botter en touche en citant Samuel Beckett : “Dans la vie, plus on rate, mieux c’est. Un échec n’est pas une fin en soi, ou un coup d’arrêt. Voilà ce que disait Beckett : ‘Try again. Fail again. Fail better.’

 

 

La galerie Kamel Mennour participe à la foire Paris+ par Art Basel, du 20 au 23 octobre 2022 au Grand Palais Éphémère, Paris 7e.

Matthew Lutz-Kinoy, “Plate is Bed”, exposition du 17 octobre au 3 décembre 2022 à la galerie Kamel Mennour, Paris 6e.