Fendi : Maria Grazia Chiuri de retour en tant que Chief Creative Officer

par Louise Menard.

Qui est Maria Grazia Chiuri ?

Qui se cache derrière le regard charbonneux de Maria Grazia Chiuri ? Considérée comme l’une des figures les plus marquantes de la mode contemporaine, la créatrice naît à Rome en 1964. Après de brillantes études à l’European Institute of Design, elle intègre Fendi, puis Valentino, où elle excelle dix-sept années durant avant d’atterrir chez Dior en 2016, à la tête des collections féminines.

Une carrière sans faux pas, traversée de thèmes récurrents tels que la musique, l’art, la Grèce antique et la nature, autant de fils rouges qui ont tissé une œuvre cohérente à la fois réfléchie et poétique. Celle pour qui la mode se définit comme un flux de récits et de symboles rendu tangible grâce à la matière et à l’artisanat, pose depuis toujours une équation subtile entre abstraction du discours et pragmatisme du vêtement. Une vision des choses parfaitement mise en pratique chez Dior, jusqu’en avril dernier… 

Alors que le monde de la mode assiste à un turn over de directeurs artistiques, l’annonce tombe comme un couperet : le créateur Jonathan Anderson est nommé à la tête des collections Dior Homme, Femme et haute couture. Maria Grazia Chiuri quitte alors le 30 avenue Montaigne… Pour réintégrer quelques mois plus tard sa maison d’origine et de cœur, Fendi.

Parmi les très rares créatrices à s’être hissées à ce niveau de puissance et de maîtrise au sein de l’industrie, Maria Grazia Chiuri a définitivement gravé son geste dans le marbre de l’histoire de la mode. 

Des débuts chez Valentino aux côtés de Pierpaolo Piccioli

C’est chez Valentino que Maria Grazia Chiuri se révèle vraiment, en tandem avec son complice de toujours, Pierpaolo Piccioli. D’abord cantonnés au département des accessoires, les deux amis deviennent en 2008 codirecteurs artistiques de la maison romaine, fondée en 1960 par Valentino Garavani.

Leur premier show ? Un défilé haute couture printemps-été 2009 foisonnant de robes brodées de rivières de cristaux, de mousselines et de manteaux aux volumes généreux où le duo donne le ton : Valentino unira désormais l’ADN majestueux de la maison et une touche de modernité rebelle et rock. 

Les robes fourreaux se dévoilent, les dentelles et les broderies se complexifient, le rouge signature cède la place à des dégradés pâles et à des teintes plus sombres. Aidés de volants et crinolines romantiques, de tulle vaporeux ou encore de parures dorées, Maria Grazia Chiuri et Pierpaolo Piccioli accentuent la préciosité du vêtement, la noblesse des matières et consacrent l’ornementation.

Et le duo ne s’arrête pas là. De cette période naissent des accessoires devenus cultes, à l’instar de la collection à clous Rockstud – dévoilée à l’automne-hiver 2010-2011 – alliant audace punk et élégance italienne. Maria Grazia Chiuri ne le sait pas encore, mais elle pose déjà à travers Valentino les bases d’une histoire qu’elle écrira seule bien des années plus tard pour la maison Dior. Entre rigueur romaine, romantisme graphique et engagement frontal.

Les années Dior

Le 27 mai 2025, le monde de la mode ne peut retenir son émotion lors du défilé Dior d’adieu de Maria Grazia Chiuri, deux jours avant l’annonce officielle de son départ. Et pour cause, arrivée en 2016, elle est la première femme à avoir été nommée directrice artistique des collections féminines de la maison depuis sa création en 1946, reprenant ainsi les rênes après des figures mythiques telles que Christian Dior, Yves Saint Laurent, Marc Bohan, Gianfranco Ferré, John Galliano ou encore Raf Simons.

Consciente des enjeux de son statut, Maria Grazia Chiuri frappe alors les esprits avec un tee-shirt blanc imprimé de cette phrase “We Should All Be Feminists”, dès son défilé inaugural au printemps-été 2017. Une phrase coup de gueule, qui tiendra sa promesse. Et sera suivi de pas moins d’une décennie de références à des personnages féminins pluriels et puissants et de collaborations avec des artistes engagées telles que Judy Chicago, Mickalene Thomas ou encore Penny Slinger. 

Au-delà d’un récit toujours plus pointu et d’un savoir-faire exigeant, Maria Grazia Chiuri imagine des shows comme un hommage constant à l’héritage de Monsieur Dior et de ses prédécesseurs. Du célèbre Book Tote brodé du motif de la toile de Jouy, si cher à Christian Dior, à la réinterprétation du slogan “J’adore Dior” et de l’iconique Saddle bag, hérités de John Galliano, la créatrice invoque un passé culte et poursuit un objectif de taille : celui d’inscrire Dior dans les rouages de son époque.

La nouvelle Chief Creative Officer de Fendi

Maria Grazia Chiuri rentre à la maison. Chez Fendi, précisément, là où son aventure a débuté, avant Dior et avant même Valentino. C’est en effet au sein de cette maison familiale fondée en 1925 par le couple Adele Fendi et Edoardo Fendi, que la créatrice débute sa carrière en 1989. Tandis qu’elle occupe la direction artistique de la ligne accessoires et plus précisément de la maroquinerie – déjà aux côtés de son acolyte Pierpaolo Piccioli – Maria Grazia Chiuri participe à la naissance, en 1997, d’un phénomène : le baguette. 

Une idée de génie pourtant simple, qui révèle un sac à anse courte, compact et pratique, nommé en référence à la baguette de pain que l’on porte sous le bras. Immédiatement reconnaissable, le sac baguette devient l’un des premiers it–bags de l’histoire, consacré au rang d’icône de la mode et revisité à l’infini.

“Je reviens chez Fendi avec honneur et joie, après avoir eu le privilège de commencer ma carrière sous la direction des cinq sœurs fondatrices de la maison. Fendi a toujours été un vivier de talents et un point de départ pour de nombreux créatifs du secteur, grâce à l’extraordinaire capacité de ces cinq femmes à encourager et à nourrir des générations par leur vision et leur savoir-faire”, a déclaré Maria Grazia Chiuri dans un communiqué de presse.

S’il s’agit d’un retour aux sources presque évident pour la créatrice, cette nouvelle est un bouleversement pour la maison italienne car Maria Grazia Chiuri succède à Silvia Venturini Fendi, figure de la dynastie et héritière de l’ensemble des lignes à la mort de Karl Lagerfeld en 2019. Une chose est sûre : cette nomination, à forte portée symbolique, suscite déjà parmi les plus vives curiosités.