Ludovic de Saint Sernin, le créateur français qui sensualise la mode masculine
En attendant notre transformation en avatars dans le métavers, Numéro Homme taille le portrait de visages bien réels : ceux de la fine fleur des jeunes créateurs de la mode masculine. Réunis à Paris devant l’objectif d’Erwan Frotin, ces designers du futur endossent les pièces de leur propre vestiaire et nous révèlent les inspirations, les parcours, les réflexions et les engagements novateurs qui sous-tendent leur succès. Focus sur le jeune créateur français, Ludovic de Saint Sernin, qui trouble les codes du genre à travers des collections à la sensualité assumée.
Ludovic de Saint Sernin est un garçon étonnant. À 31 ans, et en à peine quelques années, il s’est taillé une solide réputation dans le monde de la mode, notamment grâce aux réseaux sociaux, qu’il maîtrise à la perfection. Sur son compte Instagram, il n’hésite pas à se mettre en scène et à en révéler le plus possible. Ses créations sensuelles, subversives pour certains, sont à son image : parfaitement décomplexées. Et parfaitement dans l’air du temps.
Diplômé de l’École Duperré à Paris, le créateur a passé une partie de son enfance en Côte d’Ivoire avant son installation dans la capitale française, à l’âge de 8 ans. Très tôt intéressé par la mode, l’art et le dessin, il sait qu’il en fera son métier. “Mes parents n’étaient pas particulièrement intéressés par cet univers, mais je me souviens d’une amie de ma mère qui nous montrait des défilés qu’elle enregistrait sur VHS, notamment ceux d’Yves Saint Laurent.”
Une fois son diplôme en poche, il rejoint le studio de création de la maison Balmain, où il est alors chargé de l’embellissement et de l’ornementation des pièces, pendant trois ans. “La maison n’était pas encore ce qu’elle est aujourd’hui, nous étions une toute petite équipe très jeune autour d’Olivier Rousteing, ce fut une école formidable.”
S’il a toujours créé pour la femme, l’idée d’une collection masculine débarrassée de toute convention fait doucement son chemin. Ludovic de Saint Sernin donne ainsi son nom à une marque en 2017, et c’est peu dire qu’elle ne passe pas inaperçue. Ses propositions, suggestives, exaltent des garçons vêtus de hauts ajourés, de pantalons argentés très près du corps ou de débardeurs en cuir ornés de chaînes dorées. Dès l’année suivante, il remporte le prix du label créatif de l’Association nationale pour le développement des arts de la mode (ANDAM), récompensant chaque année, depuis 1989, un créateur prometteur.
Depuis, avec son équipe, il déploie, saison après saison, un vestiaire articulé autour de pièces fortes : des costumes transparents, des slips aux laçages suggestifs, des bandes de tissus enlaçant les corps… “Je sais bien que c’est sexy et sensuel, mais j’essaie d’être dans la suggestion plutôt que dans la subversion. Ce que je propose est propre à mon histoire, mes collections demeurent autobiographiques. J’y raconte ma quête d’identité, de sexualité, de genre… Je pense que c’est cela qui touche les gens, l’authenticité. Beaucoup de personnes peuvent s’identifier à mon récit”, analyse-t-il.
Une communauté grandissante se forme en effet autour de lui. “Je me rends compte à travers les messages que je reçois sur Instagram que mes créations ont un vrai impact sur les personnes. Il ne s’agit pas de revendiquer quoi que ce soit, mais de donner la liberté à chacun d’exprimer ce qu’il veut. Dans le contexte actuel, rien que le fait d’exister et d’être visible est un acte politique !” Si ses collections sont tout d’abord destinées aux garçons, de plus en plus de jeunes femmes succombent à ses pièces à l’aspect couture, qui sont, pour une large part, façonnées à la main.
“Je m’adresse à tous, mais c’est vrai que je voulais donner une autre visibilité au vestiaire masculin, montrer qu’une autre mode était possible.” L’engouement pour cette marque émergente à l’esthétique érotique franchement assumée ne le contredira pas.