25 août 2022

Les santiags, des cowboys aux podiums de la haute couture

Quel est le point commun entre Kendall Jenner, Buffalo Bill et Lil Nas X? Tous ont arboré avec panache l’iconique santiag. Chaussure mythique évoquant le far west américain, on l’a aperçue dans de nombreux défilés ces dernières saisons, tantôt classique ou excentrique. Retour sur l’histoire de cette pièce authentique qui ne cesse de se réincarner, des plaines américaines aux podiums des défilés comme le défilé Chanel haute couture automne-hiver 2022-2023, ou les défilés homme printemps-été 2023 des labels Thom Browne et Casablanca.

Quel est le point commun entre Kendall Jenner, Buffalo Bill et Lil Nas X? Tous arborent avec panache l’iconique santiag. Chaussure mythique évoquant le far west américain, on l’a aperçue dans de nombreux défilés ces dernières saisons, tantôt classique, excentrique, à motifs, color block, bijoux, unie ou encore épurée. Retour sur l’histoire de cette pièce authentique qui ne cesse de se réincarner, des plaines américaines aux podiums du défilé Chanel haute couture automne-hiver 2022-2023.

1. La santiag, emblème de la culture western

 

L’origine de la santiag, s’inscrit au croisement des cultures hispaniques et américaines. Héritée des bottes des vaqueros, gardiens de vaches et de taureaux espagnols du XVe siècle, elle est initialement un vêtement utilitaire. La hauteur de la tige permet de protéger les jambes, tandis que le talon biseauté empêche de glisser de l’étrier quand on monte à cheval. C’est surtout au Texas et au Kansas, au XIXe et au début du XXe siècle, que l’architecture de la chaussure s’affine et se singularise, chaque bottier apportant sa touche à travers le choix des matériaux et les ornements. La santiag incarne désormais la personnalité de son créateur et de son propriétaire. Symbole de l’Ouest américain, elle se popularise à mesure que se développe la culture western. Elles sont des éléments caractéristiques du style de personnages emblématiques de la conquête de l’Ouest, comme Buffalo Bill ou cowgirl Calamity Jane, popularisés lors des Wild West Shows, ces spectacles itinérants voyageant dans toute l’Amérique et rejouant la ruée vers l’or. 

 

Dans les années 1920 et 1930, les films western connaissent un succès grandissant. Alors que l’indépendance du cowboy, incarné par les acteurs américains John Wayne et Gary Cooper, fascine à l’écran, la santiag se démocratise. En parallèle, la popularité de la musique country contribue à ériger la chaussure en mythe. Elle est portée par le provocant chanteur de country des années 1950, Johnny Cash, connu pour son titre I Walk The Line (1956). Cinquante ans plus tard, le célèbre acteur américain Joaquin Phoenix arbore les fameuses santiags, dans le rôle du chanteur de country pour le film Walk the line (2005) du réalisateur James Mangold, avec l’actrice américaine Reese Witherspoon. C’est  le succès du film Urban Cowboy (1980), porté par le duo d’acteurs John Travolta et Debra Winger, santiags aux pieds, qui redonne un  second souffle à la chaussure, tombée alors quelque peu en désuétude. La santiag devient peu à peu un accessoire rock’n’roll, comme lorsqu’elle est associée à un jean slip et à un blouson en cuir sur l’acteur américain Tom Cruise dans Top Gun (1986). Aujourd’hui encore, la figure du cowboy continue d’être popularisée par la culture cinématographique, dans des superproductions hollywoodiennes, comme Once Upon a Timein Hollywood (2019) de Quentin Tarantino, ou plus récemment Nope (2022) de Jordan Peel, ce qui remet au goût du jour la fameuse chaussure.

2. Du cow boy à la cow girl : une chaussure unisexe

 

En 1979, en plein Manhattan, l’artiste Pop Andy Warhol, l’actrice américaine Margaux Hemingway – petite fille de l’écrivain mythique Ernest Hemingway –, dévalent les rues de Manhattan en tenues et bottes de cowboy pour l’ouverture des boutiques Polo Western et Ralph Lauren Western. Le rez-de-chaussée du magasin new-yorkais Bloomingdale’s est transformé pour l’occasion en ranch du far-west. Entre la musique country et le dîner texan, les santiags sont évidemment mises à l’honneur. Fasciné depuis sa plus tendre enfance par le mythe de la conquête de l’Ouest, étant lui-même parti chercher son inspiration à Dallas et Denver, Ralph Lauren érige la culture de son pays en inépuisable source d’inspiration. Il propose un style brut et authentique à l’opposé de la mode excentrique et opulente des années 1980. Neuf ans après sa première collection ”Western”, c’est lui qui propulse les santiags au rang d’accessoires de mode iconique, leur donnant une place de choix dans ses défilés. Surtout, il affirme le caractère unisexe de la chaussure, les silhouettes du créateur combinant des longues jupes fluides à des bottes de cowboy.

 

Car dès leur diffusion, des icônes féminines de la mode, de la musique et du cinéma se réapproprient cet emblème de la culture américaine. En 1961, dans The Misfits de John Huston, Marilyn Monroe fait sensation en chemisier blanc, jean taille haute ceinturé, et santiags beige patinées. Son personnage de Roslyn Taber modernise la traditionnelle tenue de vaqueros et détourne la virilité imputée à cette tenue, dans une allure élégante et authentique alors admirée par toute l’Amérique. En 1966, la chanteuse Nancy Sinatra chante ”These boots are made for walkin’, And that’s just what they’ll do, One of these days these boots are gonna walk all over you” (“Ces bottes sont faites pour marcher, et c’est ce qu’elles vont faire, un jour ces bottes vont te marcher dessus”), propulsant la botte au rang de symbole d’indépendance et de liberté. 

 

A l’aube des années 2000, on assiste à un véritable revival des bottes western. Chapeau de cowboy, mini jupes en jean et santiags aux pieds, la cowgirl des années 2000 est sexy et téméraire. A l’image de la superstar de la pop Madonna, qui fait du rodéo en pantalon sable imprimé taille basse et santiags noires à bout argenté, dans son clip pop aux accents country, Don’t tell me (2001), réalisé par le célèbre réalisateur et photographe français Jean-Baptise Mondino. Dans les années 2000, santiag et Pop Culture vont de pair. Des pieds de la chanteuse country pop américaine Dolly Parton à ceux de la célèbre chanteuse américaine de country Taylor Swift, la botte de cowboy traverse les âges. Porté avec du jean version Y2K pour Rihanna,  Gwen Stefani, ou Britney Spears ou plus tard en version plus authentique pour la diva soul texane Beyoncé : le style cowgirl des années 2000 continue toujours d’inspirer.

3. Extravagance et contre-culture

 

 

Si le style Y2K, qui a façonné les tendances du début des années 2000, est de retour dans la mode contemporaine, une chose est sûre : la mythique santiag aussi. Pour le défilé de la collection haute couture automne-hiver 2022-2023 du défilé Chanel, les santiags noires signées par la maison viennent habiller l’ensemble des looks du défilé, de l’iconique tailleur en tweed à la robe du soir à volants. Depuis quelques années déjà, la forme imposante et le style devenu bohème rock des chaussures inspire les plus grands créateurs de mode, qui en font un support de leurs extravagances. Pièce centrale du vestiaire de la créatrice Isabel Marant, façon rock’n’roll luxe chez la maison Saint Laurent avec ses modèles en peau de serpent (automne-hiver 2015), épurée et flamboyante dans du bleu et doré métalliques sur les podiums du défilé Maison Margiela couture (automne-hiver 2017), la santiag s’impose, entre sobriété et opulence. Le défilé printemps-été 2022 de la maison Coperni souligne d’ailleurs la pluralité de ses influences, de la sobriété du cowboy au glam des années 2000. On l’y retrouve déclinée en version épurée et minimale en noir uni, en blanc éclatant aux accents Space Age ou en jean brodé de cristaux Swarovski, frôlant le mauvais goût des années 2000. Côté homme, le créateur américain Thom Browne clôture son défilé printemps-été 2023 avec un look de cowboy aborant jockstrap en jean et santiags, mêlant ainsi un sous-vêtement emblématique de la culture gay à une icône de l’histoire américaine. Présentée à Paris dans un décor peuplé de chevaux, inspiré des ranchs dans le sud-ouest du Mexique, la collection Casablanca printemps-été 2023 propose quant à elle une interprétation moderne des tenues des vaqueros.

 

La santiag infuse les défilés et a définitivement intégré les vestiaires féminins et masculins. Accessoire incontournable issu de l’artisanat, la fameuse botte personnalisable subvertissant les normes du genre a aussi séduit la contre-culture. Dans son défilé printemps-été 2017, le label américain Hood By Air la réinterprète dans un modèle plus conceptuel : les mannequins foulent le podium avec des santiags à double pointe – une à l’avant, une à l’arrière – couleurs jaune citron, vert turquoise et gris souris en crocodile. Le créateur américain Shayne Oliver exprime ainsi l’ADN subversif du label et réactive le lien entre culture queer et imaginaire du cowboy. Vue dans les illustrations homérotiques du dessinateur finlandais Tom of Finland, puis aux pieds de Jake Gyllenhaal et Heath Ledger dans Le Secret de Brockback Mountain (2006) ou plus récemment de l’acteur britannique Benedict Cumberbatch dans le western The Power of the Dog (2021), la santiag s’est en effet imposée, au fil des décénnies, dans l’imagerie queer. Porter la paire de chaussures deviendrait alors le symbole d’une revendication identitaire et d’un détournement des codes de la virilité, que ces bottes au talon biseauté ont contribué à façonner aux États-Unis et dans le monde. Depuis qu’il a acquis une notoriété internationale en 2019 avec son titre country rap Old Town Road en featuring avec le chanteur et père de Miley Cyrus, Billy Ray Cyrus, le rappeur queer américain Lil Nas X arbore régulièrement les fameuses bottes de cowboy sur le tapis rouge, en total look rose fuchsia, mauve ou encore vert pâle. En se réappropriant cet élément central de la panoplie du cowboy dans une version extravagante, il prouve combien la santiag est devenue, d’autant plus à notre époque, un accessoire puissant pour affirmer son individualité.

1. La santiag, emblème de la culture western

 

 

L’origine de la santiag, s’inscrit au croisement des cultures hispaniques et américaines. Héritée des bottes des vaqueros, gardiens de vaches et de taureaux espagnols du 15e siècle, elle est initialement un vêtement utilitaire. La hauteur de la tige permet de protéger les jambes, tandis que le talon biseauté empêche de glisser de l’étrier quand on monte à cheval. C’est surtout au Texas et au Kansas, au 19e et au début du 20e siècle, que l’architecture de la chaussure s’affine et se singularise, chaque bottier apportant sa touche à travers le choix des matériaux et les ornements. La santiag incarne désormais la personnalité de son créateur et de son propriétaire. Symbole de l’Ouest américain, elle se popularise à mesure que se développe la culture western. Les santiags sont des éléments caractéristiques du style de personnages emblématiques de la conquête de l’Ouest, comme Buffalo Bill ou Calamity Jane, popularisés lors des Wild West Show – spectacles itinérants rejouant la ruée vers l’Or dans tous les États-Unis – dès les années 1870.

 

Dans les années 1920 et 1930, les films western connaissent un succès grandissant. Alors que l’indépendance du cowboy, incarné par les acteurs américains John Wayne et Gary Cooper, fascine à l’écran, la santiag se démocratise. En parallèle, la popularité de la musique country contribue à ériger la chaussure en mythe. Elle est portée par le provocant chanteur de country des années 1950, Johnny Cash, connu pour son titre I Walk The Line (1956). Cinquante ans plus tard, le célèbre acteur américain Joaquin Phoenix arborera les fameuses santiags, dans le rôle du chanteur de country pour le film Walk the line (2005) du réalisateur James Mangold, avec l’actrice américaine Reese Witherspoon. C’est le succès du film Urban Cowboy (1980), porté par le duo d’acteurs John Travolta et Debra Winger, santiags aux pieds, qui redonne un second souffle à la chaussure, tombée alors quelque peu en désuétude. La santiag devient progressivement un accessoire rock’n’roll, comme lorsqu’elle est associée à un jean droit et un blouson en cuir sur l’acteur américain Tom Cruise dans Top Gun (1986). Aujourd’hui encore, la figure du cowboy continue d’être popularisée par l’industrie cinématographique dans des superproductions hollywoodiennes, comme Once Upon a Timein Hollywood (2019) de Quentin Tarantino, ou plus récemment Nope (2022) de Jordan Peele, qui remettent au goût du jour la fameuse chaussure.

2. Du cow boy à la cow girl : une chaussure unisexe

 

 

Avec la présence croissante des santiags au grand écran dès le début du 20e siècle, des icônes féminines de la mode, de la musique et du cinéma commencent peu à peu à se réapproprier cet emblème de la culture américaine. En 1961, dans The Misfits de John Huston, Marilyn Monroe fait sensation en chemisier blanc, jean taille haute ceinturé, et santiags beiges patinées. Son personnage de Roslyn Taber modernise la traditionnelle tenue de vaqueros et détourne la virilité imputée à cette tenue, dans une allure élégante et authentique alors admirée par toute l’Amérique. En 1966, la chanteuse Nancy Sinatra chante ”These boots are made for walkin’, And that’s just what they’ll do, One of these days these boots are gonna walk all over you” (“Ces bottes sont faites pour marcher, et c’est ce qu’elles vont faire, un jour ces bottes vont te marcher dessus”), propulsant la botte au rang de symbole d’indépendance et de liberté. 

 

En 1979, en plein Manhattan, l’artiste Pop Andy Warhol et l’actrice américaine Margaux Hemingway – petite fille de l’écrivain mythique Ernest Hemingway –, dévalent les rues de Manhattan en tenues et bottes de cowboy, lors de la parade célébrant l’inauguration des boutiques Polo Western et Ralph Lauren Western. Le rez-de-chaussée du magasin new-yorkais Bloomingdale’s est transformé pour l’occasion en ranch du Far West et les santiags y sont évidemment mises à l’honneur. Fasciné depuis sa plus tendre enfance par le mythe de la conquête de l’Ouest, étant lui-même parti chercher son inspiration à Dallas et Denver, le créateur de mode américain Ralph Lauren érige la culture de son pays en inépuisable source d’inspiration. À l’aube des années 80, il propose un style brut et authentique à l’opposé de la mode excentrique et flamboyante qui marquera la décennie. Neuf ans après sa première collection ”Western”, c’est lui qui propulse les santiags au rang d’accessoire de mode iconique, leur donnant une place de choix dans ses défilés. Mais la singularité de son approche transparaît surtout dans l’affirmation le caractère unisexe de la chaussure, avec des silhouettes combinant par exemple de longues jupes fluides aux bottes de cowboy.

 

À l’aube des années 2000, on assiste à un véritable revival des bottes western. Chapeau de cowboy, mini-jupe en jean et santiags aux pieds, la cowgirl des années 2000 est sexy et téméraire. A l’image de la superstar de la pop Madonna, qui fait du rodéo en pantalon sable imprimé taille basse et santiags noires à bouts argentés, dans son clip pop aux accents country, Don’t tell me (2001), réalisé par le célèbre réalisateur et photographe français Jean-Baptise Mondino. Dans les années 2000, santiag et pop culture vont de pair. Des pieds de la chanteuse country pop américaine Dolly Parton à ceux de la célèbre chanteuse américaine de country Taylor Swift, la botte de cowboy traverse les âges. Santiag et jean façon Y2K pour Rihanna et  Britney Spears, ou en version plus authentique pour la diva soul texane Beyoncé : le style cowgirl des années 2000 continue toujours d’inspirer.