Le jour où Vivienne Westwood est devenue Margaret Thatcher en couverture d’un magazine
Figure majeure de la mode punk depuis le début des années 70, la créatrice britannique Vivienne Westwood n’a pas attendu la dernière décennie pour exprimer son engagement et ses idées politiques. En 1989, elle dévoile en couverture du magazine Tatler une épatante imitation de la célèbre Dame de fer…
Par Matthieu Jacquet.
Royaume-Uni, 1989. Après avoir traversé une crise majeure, l’économie du pays prospère mais sa Première ministre divise. Approchant la fin de son troisième mandat, Margaret Thatcher suscite l’admiration d’une partie de la population, qui défend sa capacité à avoir remis le pays sur pied, tandis qu’une autre exprime envers elle son animosité à coups de manifestations, caricatures et même de chansons à son intention. Parmi ses opposants, une certaine Vivienne Westwood ne se prive pas d’exprimer son désaccord envers la politique stricte et conservatrice de la cheffe du gouvernement britannique. Cette année-là, la créatrice engagée s’allie avec le magazine de mode anglais Tatler pour un shooting délibérément provocateur pensé comme un hommage grinçant à Margaret Thatcher. À cette occasion, celle que l’on appelle la la “reine du punk” s’apprête alors à incarner la fameuse “Dame de fer”.
Parue en avril 1989, la couverture du nouveau numéro de Tatler a de quoi étonner. On y découvre une Vivienne Westwood métamorphosée, les cheveux gonflés et le front dégagé afin d’imiter la célèbre coupe de la Première ministre. Quant à son tailleur, objet d’une commande réelle de Margaret Thatcher qu’elle a par la suite annulée, la créatrice l’a récupéré chez le label de luxe Aquascutum. À ses épaules larges et marquées et son lainage sombre parsemé de pois blancs sont ajoutés une broche, un collier de perles, un foulard et un sac à main afin de parfaire l’illusion. Et illusion il y a : diffusé comme un poisson d’avril, le shooting réalisé par Michael Roberts est imprimé sur des panneaux publicitaires de Londres lors de la Fashion Week britannique et crée la confusion. Bon nombre s’étonnent de voir la première ministre en couverture du magazine, notamment en lisant sous son portrait fallacieux les mots “This woman was once a punk” (“Cette femme fut un jour punk”), comme un dernier clin d’œil provocateur.
“J’étais si fière de mes talents d’actrice”, confiera Vivienne Westwood des années plus tard. En 2012, suite à la sortie en salles du biopic The Iron Lady consacré à Margaret Thatcher, la créatrice de mode revient sur cet épisode amusant sur son blog Climate Revolution. Elle y révèle même ce qu’elle s’est mis dans la tête au moment des prises de vue : “[J’ai pensé au fait que] Margaret Thatcher était une hypocrite. (…) Je me suis imaginé d’un côté un enfant dans un lit d’hôpital, et de l’autre la caméra de télévision. Là, je vais montrer au monde à quel point cela me touche.” Depuis 1989, Vivienne Westwood n’a cessé de poursuivre son engagement politique, axé particulièrement sur la lutte pour le climat et la défense de la liberté d’expression. Quant à son épatante imitation de la Dame de fer, elle fait actuellement partie de l’exposition qui lui est consacrée au musée des Tissus de Lyon et dont la réouverture sera annoncée prochainement.