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Le jour où la mini-jupe est devenue l’emblème de la révolution sexuelle
Dans les années 60, un mouvement de contestation apparaît : la jeunesse européenne fait entendre sa voix et s’émancipe des conventions établies, après une décennie marquée par l’austérité d’après-guerre. Alors qu’une révolution sociétale s’opère d’un côté, une révolution vestimentaire s’opère de l’autre. C’est dans cette période mouvementée que la mini-jupe voit le jour, et devient l’ultime symbole de la libération sexuelle et du féminisme.
Par Anna Venet.
Si l’invention de la mini-jupe est souvent associée aux années 60, ce petit bout de tissu a pourtant vu le jour quelques décennies auparavant. Bien qu’une esquisse de ce vêtement ait été portée par les soldats romains pendant l’Antiquité, la mini-jupe comme on l’entend aujourd’hui est née à la fin des années 20 et n’est à cette époque qu’un costume de scène, principalement utilisé dans les cabarets. Dans les années 40, c’est l’Américaine Marilyn Monroe qui arbore pour la première fois ce type de jupe à la longueur écourtée, même si celle-ci est encore peu populaire. En effet, c’est seulement dans les années 60 qu’elle fait, pour la première fois, son apparition dans les boutiques et qu’elle séduit le grand public, au moment où l’Europe vit un véritable séisme, le soulèvement de toute sa jeunesse qui fut désigné comme le “Youthquake”. La nouvelle génération souhaite révolutionner les mœurs, de nouvelles sous-cultures populaires voient le jour, la mode est elle aussi bousculée par ce désir de libération sexuelle : les Swinging Sixties ont commencé. À Londres, ville de naissance du mouvement, une créatrice en devient la figure de proue : Mary Quant. Après avoir réalisé ses études à l’université Goldsmiths, la jeune femme ouvre une boutique de fripes sur King’s Road en 1955, intitulée le “Bazaar”. Au fil des années, l’adresse devient une institution, et s’impose comme un lieu de rassemblement pour toute une génération de jeunes créatifs.
À ce moment-là, la designer va concevoir ce qui symbolisera plus tard l’emblème de la révolution sexuelle et du féminisme : la mini-jupe. En effet, à une époque où les conventions sociales imposent aux femmes de porter la jupe plutôt longue et ample, afin de ne pas trop dévoiler ses jambes, Mary Quant décide de la raccourcir de plus en plus. Un choix d’abord pensé pour une raison de confort et de mobilité, puisque, comme elle l’explique elle-même ces modèles raccourcis “permettent ainsi aux femmes de courir après le bus”. En France, c’est le couturier André Courrèges, grand adepte du blanc, des coupes architecturales et du vinyle, qui démocratise la mini-jupe. Quatre ans après le lancement de sa maison de couture, le créateur fait de ce vêtement la pièce phare de sa collection printemps-été 1965. Cependant, si elle est légèrement au dessus du genou chez Mary Quant et possède une coupe droite, elle est nettement plus courte chez Courrèges, et se décline dans une version trapèze, plus futuriste que sa cousine d’outre-Manche. Que ce soit en Angleterre ou en France, la mini-jupe séduit instantanément les femmes, même si elle est aussi très critiquée par les milieux conservateurs qui voient en elle la preuve symptomatique du déclin moral de la jeunesse. D’ailleurs, la créatrice Coco Chanel, qui avait pourtant contribué à libérer la silhouette féminine dans l’entre-deux-guerres avec ses pantalons et ses cardigans aussi chics que confortables, s’oppose elle aussi à la mini-jupe. « C’est affreux de montrer ses genoux. Je me suis battue contre ces robes courtes. Je trouve ça indécent », affirme la couturière en 1969.
Concernant Mary Quant, elle raconte dans son autobiographie (publiée en 2012) : « Les messieurs en chapeau melon frappaient sur notre vitrine avec leurs parapluies en criant : ‘Immoral !’ et ‘Dégoûtant !’ à la vue de nos mini-jupes sur les collants, mais les clients affluaient pour acheter ». Scandaleuse, la mini-jupe devient ainsi l’emblème du mouvement des Swinging Sixties et surtout de l’émancipation des femmes et de la libération sexuelle. Elle est alors portée par les plus grandes icônes de l’époque, comme la mannequin Twiggy, l’actrice Brigitte Bardot ou encore la chanteuse Françoise Hardy. En 1966, Jacques Dutronc célèbre même cette révolution vestimentaire dans sa chanson Mini, Mini, Mini. Bien que la mini-jupe ait été véritablement mise entre les mains des Londoniennes par la créatrice Mary Quant, c’est bel et bien grâce à l’approbation du maître parisien de la couture André Courrèges que ce vêtement s’est démocratisé, pour ensuite devenir le symbole de toute une génération de femmes libres. Aujourd’hui encore, la mini-jupe fait autorité dans la garde-robe féminine. En mars dernier, le directeur artistique Nicolas di Felice dans sa première collection pour Courrèges, rendait d’ailleurs un bel hommage à cet incontournable de la maison en rééditant des pièces d’archives, prouvant à quel point, soixante ans après sa création, la mini-jupe reste actuelle.