“Je considère Paris Hilton comme une icône” rencontre avec Bruno Sialelli, directeur artistique de Lanvin
Il y a quelques jours, Lanvin dévoilait une Paris Hilton méconnaissable pour sa campagne printemps-été 2021. Numéro a rencontré Bruno Sialelli, directeur artistique de la maison française, qui s’est confié sur ces nouvelles images déjà cultes et sa vision pour le futur de Lanvin.
propos recueillis par Léa Zetlaoui.
Arrivé à la direction artistique de la maison Lanvin en 2019, Bruno Sialelli se réapproprie au fur et à mesure de ses collections l’héritage de la plus vieille maison de couture. Après avoir présenté sa collection automne-hiver 2021-2022 sous forme d’une vidéo légère et pleine d’humour sur le célèbre titre “Rich Girl” de Gwen Stefani, il dévoilait cette semaine la campagne Lanvin printemps-été 2021 mettant en scène une Paris Hilton méconnaissable. Exit les longues mèches blondes, les tenues sexy et le maquillage outrancier, la célèbre héritière apparaît coupe au carré et maquillage nude, vêtue des créations précieuses et élégantes inspirées des modèles d’archives de Jeanne Lanvin. Numéro a rencontré le créateur marseillais qui s’est confié sur sa rencontre avec Paris Hilton et sa vision pour la maison Lanvin.
Numéro : Il y a quelques jours, vous avez dévoilé votre campagne printemps-été 2021, avec comme égérie Paris Hilton. Pourquoi l’avez-vous choisie comme visage de cette collection ?
Bruno Sialelli : Nous avons été présentés par un ami commun avant le confinement et par échange de messages, elle me disait qu’elle aimait beaucoup la marque et souhaitait porter nos créations. Pour cette campagne, j’avais envie de travailler avec quelqu’un que l’on pouvait vraiment transformer. Je considère que la mode a ce pouvoir d’élever une personne, de lui donner une force et des outils pour dire quelque chose. Et Paris Hilton est la personne parfaite pour servir ce propos.
Pourquoi considérez-vous Paris Hilton comme la personne idéale pour parler de transformation ?
L’image de bimbo lui colle à la peau, même si l’an dernier, le documentaire This Is Paris diffusé sur YouTube a révélé d’autres facettes de sa personnalité et notamment sa vulnérabilité. Aujourd’hui, elle a 40 ans, elle va se marier et elle s’engage de plus en plus pour des causes qui lui tiennent à cœur.
“Il y a un vrai mystère derrière Paris Hilton et j’étais curieux de savoir qui elle était vraiment.”
Que représente-t-elle pour vous?
Je considère Paris Hilton comme une icône. Dans les années 2000, quand j’étais adolescent, elle était partout! Elle a réussi à créer un personnage avec des ingrédients visuels très forts et très personnels. J’ai toujours trouvé qu’il y avait un mystère derrière Paris Hilton et j’étais curieux de savoir qui elle était vraiment.
Dans vos collections pour Lanvin, on retrouve chaque saison de nouveaux personnages avec un récit très fort. Quel(s) personnage(s) avez-vous imaginé pour cette campagne?
Lorsque l’on remonte l’histoire de la maison, on retrouve parmi les célèbres clientes de Jeanne Lanvin les Cygnes, ces socialites des années 60 dans l’entourage de Truman Capote. Ces femmes qui dictaient les tendances, avaient un statut en société parce qu’elles étaient héritières ou mariés à quelqu’un d’important. On peut citer par exemple Lee Radziwill ou Marella Agnelli. Je me suis demandée qui étaient les “Cygnes” d’aujourd’hui et Paris Hilton s’est imposée. C’est une une héritière Hilton qui n’a jamais rien créé mais qui représente quelque chose dans notre société. Dans le storyboard du personnage, nous avions également en tête Elvira dans Scarface, jouée par Michelle Pfeiffer, une femme à la fois faible et forte qui prend malgré elle sa vie en main.
On retrouve aussi cette idée de transformation avec Bella Hadid, qui a plusieurs fois défilé pour Lanvin depuis votre arrivée.
Oui, c’est vrai, Bella Hadid a une image très sexy et très pop et j’aimais bien l’idée de la transformer en une femme élégante et glamour. D’ailleurs, sa mère Yolanda Hadid souhaitait assister à notre dernier défilé car je crois qu’elle aime la manière dont nous travaillons avec elle.
“J’aime l’idée que Lanvin soit une maison inclusive dans tous les sens du terme, où il n’ y ait pas de hiérarchie entre ces personnes.”
Aujourd’hui vous avez réuni une communauté très éclectique autour de la marque Lanvin, ce qui est surprenant de la part d’une maison de mode, surtout quand pour la plus ancienne maison de couture encore active aujourd’hui. En quoi toutes ces personnalités incarnent la maison Lanvin en 2021 ?
Pour certains ce sont des amis que je fréquente dans ma vie personnelle comme l’acteur Félix Maritaud, que je connais depuis 10 ans, ou la mannequin Raya Martigny. D’autres, comme Isabelle Huppert ou Camelia Jordana, sont des personnalités curieuses qui aiment ce que je fais, et j’ai pu créer avec elle une relation quand je suis arrivée à la direction artistique de la maison. L’actrice et réalisatrice Hafsia Herzi et moi sommes nés la même année et avons grandi dans la même ville, c’est l’une des premières artistes que j’ai contacté quand je suis arrivé chez Lanvin car j’étais très curieux de la connaître et c’est devenu une amie. J’aime l’idée que Lanvin soit une maison inclusive dans tous les sens du terme, où il n’ y ait pas de hiérarchie entre ces personnes. Chaque relation que nous développons est sincère et c’est ce qui donne cet éclectisme, finalement très en phase avec la personne que je suis.
Ce goût pour l’éclectisme transparaît également dans vos collections. D’où vient-il d’après vous ?
Quand j’étais plus jeune, j’étais assez obsédé par ce que faisait Karl Lagerfeld chez Chanel. J’aimais bien cette cette gymnastique iconographique entre le pop, l’intello, l’élitiste, le populaire, l’exclusif et l’inclusif… Instinctivement, je pense que c’est cette association d’ingrédients très différents qui peut engager une communauté.
En septembre 2020, vous avez présenté un partenariat créatif avec The House of Xclusive-Lanvin, une maison de danseurs issus de la scène ballroom, et l’actrice Indya Moore, repérée dans la série Pose qui documente cette culture. Comment est né ce projet?
J’ai toujours été obsédé par la scène ballroom. J’ai vu le film Paris is Burning (1990) quand j’étais encore adolescent, je suis fan de la série Pose et de la drag-queen RuPaul. Pendant le confinement, j’ai aussi regardé Legendary, une émission de téléréalité sur des compétitions de voguing avec dans son jury des personnalités telles que la rappeuse Meghan Thee Stallion ou Law Roach. Parmi les maisons en compétition, il y avait The House of Xclusive-Lanvin, dont je connais certains des membres. J’ai trouvé intéressant que cette maison se soit approprié le nom Lanvin pour le côté statutaire que peut avoir la mode et le luxe. J’y ai trouvé un parallèle entre la relation mère-enfant, qui fait la légende fondamentale sur la relation entre Jeanne Lanvin et sa fille jusqu’à inspirer son logo “La mère et l’enfant”, et la construction d’une maison de voguing, dirigée par une “mère”, figure tutélaire et non mère biologique, qui donne à ses “enfants” un foyer et leur apprend à danser, à défiler. Dans la vidéo, nous avons développé cette idée de transmission et illustré ce lien émotionnel qui peut unir des individus.