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Rencontre avec Chloë Sevigny, actrice prodigieuse et nouvelle égérie Calvin Klein
Reine du cinéma indépendant et it girl à l’aura rock magnétique, l’Américaine Chloë Sevigny est l’une des nouvelles égéries de la campagne automne-hiver de Calvin Klein, aux côtés de Susan Sarandon et de l’acteur-chanteur Dominic Fike (Euphoria). L’occasion de discuter avec cette icône du cool et de l’underground de ses pièces mode fétiches et de ses projets de films et de séries décalés et excitants, à son image.
Par Violaine Schütz.
Chloë Sevigny, nouvelle égérie Calvin Klein
Reine icontestée du cinéma indépendant, Chloë Sevigny enchaîne depuis ses débuts, dans les années 90, les projets excitants et exigeants, que ce soit sur le petit ou le grand écran, en dégageant toujours une poésie grunge et une sensualité particulière, à la fois androgyne et nonchalante. Tel un symbole éternel de l’adolescence et des outsiders, elle a donné – à grande échelle – une voix et une allure à ceux qui naviguent dans l’ombre, au sein des marges.
Actrice prodigieuse et réalisatrice à ses heures perdues, l’Américaine a joué dans des films souvent décalés, intenses et cultes tels que Kids (1995), Gummo (1997), Zodiac (2007), American Psycho (2000), Boys Don’t Cry (1999), Dogville (2003) ou The Brown Bunny (2003). La beauté étrange et fascinante, découverte dans les rues d’East Village à New York, à 17 ans, par une rédactrice de mode, a le don de fasciner les grands réalisateurs de Jim Jarmusch à Werner Herzog en passant par Larry Clark, Harmony Korine et Lars von Trier.
Encore très demandée à Hollywood, surtout par les cinéastes pointus, l’artiste de 47 ans sera bientôt à l’affiche du Bones and All de Luca Guadagnino et de la saison 2 de la série Feud, produite par Ryan Murphy et réalisée par Gus Van Sant, un emblème de la contre-culture, à l’image de l’actrice.
Mais au-delà de ses talents dramatiques, Chloë Sevigny est aussi une it girl, une figure majeure de l’underground américain et l’une des personnalités les mieux habillées au monde. Quelque part entre la New-Yorkaise pointue habituée aux premiers rangs des Fashion Week et la « cool kid » pratiquant le skate en tee-shirt de groupe délavé, l’actrice a imposé dans la pop culture un style unique, fait de mélanges audacieux. Elle oscille constamment, avec une grâce sexy et iconoclaste, entre le masculin et le féminin, le vintage et les pièces de créateurs, les partis pris bohèmes et les détails punk-rock.
Cette rentrée, la star à l’aura anticonformiste est l’une des égéries de la nouvelle campagne automne-hiver 2022 de Calvin Klein, qui met en scène ceux qui façonnent la culture d’aujourd’hui, qu’ils soient acteurs, chanteurs ou mannequins. L’occasion de discuter de style et de cinéma avec une célébrité qui incarne à elle toute seule l’essence du cool.
Interview de l’actrice et muse undeground
Numéro : Comment définiriez votre style ?
Chloë Sevigny : Je ne sais jamais répondre à cette question (rires). J’aimerais pouvoir trouver une bonne définition. Je dirai que j’ai un style classique mais avec à chaque fois, un twist. Mais avec le temps qui passe, mon enfant et la pandémie, j’essaie de m’habiller de manière plus confortable, pratique avec des pièces plus fonctionnelles. C’est « in progress », car je me demande encore comment réussir à être plus dans l’utilitaire.
Quel est la pièce mode la plus précieuse que vous possédez ?
Une veste en jean sur laquelle est brodé, dans le dos, le nom d‘Elvis ainsi qu’une guitare, qui a été portée par l’actrice Linda Manz dans le film Out of The Blue (1980) réalisé par l’acteur Dennis Hopper. Il s’agit de l’un de mes films préférés de tous les temps (qui raconte l’errance d’une adolescente rebelle et fugueuse fan de punk, ndr). J’ai travaillé sur sa restauration et la distribution avec mon amie, l’actrice Natasha Lyonne, il y a quelques années. J’ai rencontré Linda Manz, qui était une actrice incroyable, sur le tournage de Gummo. Plus tard, je lui ai demandé si je pouvais lui acheter ce blouson et elle me l’a donné. C’est pour moi une pièce importante de l’histoire du cinéma. Elle trône dans ma penderie, isolée, tel un trésor.
Avez-vous déjà porté vos propres vêtements dans un film ?
Je l’ai fait plusieurs fois dans des long-métrages à petits budgets, notamment dans Golden Exists (2017) d’Alex Ross Perry. Et dans Demonlover (2022) d’Olivier Assayas, je portais mes propres vêtements comme une robe en denim Balenciaga, que j’ai toujours. Mais plus je vieillis, plus je me sens prête à m’en remettre totalement au costumier du film et à sa vision.
Quel rôle jouent les vêtements dans le métier d’actrice ?
Je pense que toutes les actrices et les acteurs vous répondraient la même chose que moi : ils sont cruciaux ! Les vêtements aident à entrer dans un rôle et à construire le personnage, tout comme le maquillage et la coiffure. La matière, l’imprimé, la coupe, le style, les proportions d’un look vont nous dicter la manière de nous comporter, et révéler d’où vient notre personnage, dévoiler s’il a confiance en lui ou pas. Son allure le définit. Dans la série Euphoria, on voit bien, par exemple, le rôle qu’a le vêtement dans l’élaboration des différents héros et héroïnes. Chaque personnage est défini par ses vêtements, parfaitement choisis en fonction de sa personnalité.
Le 23 novembre, vous serez à l’affiche du très attendu Bones & all de Luca Guadagnino. Pouvez-vous nous en parler ?
C’est une historie d’amour entre deux adolescents bannis de la société, un road trip dans l’Amérique profonde mais aussi un film sur le cannibalisme, avec Timothée Chalamet et Taylor Russell McKenzie. Beaucoup de gens qui ont vu le film se reconnaissent dans les personnages et leur histoire. Certains spectateurs disent que c’est un long-métrage fun, romantique, effrayant, dégoûtant, stimulant. Il y a beaucoup de choses qui se passent dans ce film. Les paysages et la romance entre les deux adolescents est très belle et inspirante. Ce sont deux personnages à la dérive qui se demandent comment naviguer dans notre société.
Vous venez d’être annoncée au casting de la saison 2 de la série Feud, qui évoque l’entourage féminin de Truman Capote, aux côtés de Naomi Watts…
Je suis très excitée par ce projet car la série est produite par Ryan Murphy et réalisée par Gus Van Sant, qui est l’un de mes héros depuis longtemps. Et parce que, pour la première fois de ma vie, je vais jouer un personnage glamour (rires). Je vais incarner la socialite des années 40, C.Z. Guest, qui était à la fois actrice, cavalière, créatrice de mode, auteure… Elle faisait partie de l’entourage de femmes mondaines qui gravitaient autour de Truman Capote et qu’il appelait ses « swans » (« cygnes »). Elles étaient les confidentes de l’écrivain, mais il les a trahies en parlant d’elles et de leurs secrets dans une nouvelle intitulée La Côte basque, 1965 publiée dans un magazine en 1975. Il y disait des choses très méchantes à leur sujet alors qu’elles étaient censées être ses amies. Pour me plonger dans l’univers de la série, j’ai lu une biographie de Capote qui raconte comment ce grand écrivain homosexuel, très torturé, était obsédé par les stars, par la célébrité et marqué par ses addictions. Sa vie était passionnante et je suis heureuse de faire partie de son univers à travers ce show.
En attendant, on vous découvre égérie de la campagne Calvin Klein, qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Ça signifie beaucoup de choses pour moi et c’est un honneur. Plusieurs fois, en voyant les pubs de la marque en très grand format, placardées sur des bâtiments de New York, je me suis demandé : « pourquoi ils ne me choisissent pas, moi ? » (rires). Je suis contente que la collaboration soit enfin arrivée. Je trouve que c’est une marque qui a toujours su saisir l’air du temps, prenant le pouls des tendances, célébrant des influenceurs, des célébrités, des mannequins et des artistes très différents et intéressants. Récemment, j’ai vu Willem Dafoe poser pour la campagne Calvin Klein x Palace et j’ai trouvé ça fantastique de choisir un tel acteur pour accompagner les mannequins. Ce jour-là, je suis rentrée chez moi et j’avais dans mes mails une offre pour devenir égérie de la prochaine campagne de la marque. Et je me suis dit : « bien, sûr, je peux le faire moi aussi. » Je suis ravie de faire partie de cette campagne avec Susan Sarandon et plein de cool kids. J’adore aussi le photographe, Alasdair McLellan, avec lequel je travaille depuis des années.
Avez-vous une campagne Calvin Klein fétiche ?
J’ai toujours adoré les photos de Kate Moss et les campagnes de Steven Meisel et de Richard Avedon. J’adore également les clichés montrant la mannequin Jessica Miller photographiée par Inez & Vinoodh avec des illustrations du duo M/M Paris. Je trouve la juxtaposition du graphisme et des photos en noir et blanc très cool. J’aime particulièrement la photo où Jessica Miller porte des bretelles sans rien d’autre dessous.
Sur l’image de la campagne, vous portez une veste en jean. Quelle est votre histoire avec le denim ?
C’est une longue histoire d’amour. J’ai tout un tas de pièces en jean, des gilets, des shorts, des pantalons, des blousons… Ce que j’aime avec le denim, c’est qu’on peut s’amuser avec, mettre des patchs sur des vestes, les teindre, etc… Et ça aura toujours l’air cool. J’en porte tout le temps, notamment des pièces Calvin Klein. Et dans Kids, je portais un pantalon Levi’s. En tant qu’américaine, ça reste un classique de notre culture et de nos gardes-robes. Quand je fais du shopping pour me vider l’esprit, j’achète toujours du jean car je sais que c’est la seule chose dont je ne me lasserai pas.
Dans la vidéo de la nouvelle campagne Calvin Klein, on vous voit laver votre linge sale dans une laverie, aux côtés de Dominic Fike, un acteur, chanteur et compositeur qui a joué dans Euphoria. Êtes-vous une fan de la série ?
Oui, j’adore cette série. Elle a beaucoup été comparée au film Kids (1995). Des médias ont dit que sans Kids, il n’y aurait pas eu Euphoria. Et c’est vrai que les points communs sont nombreux. Dans les deux cas, on y voit des jeunes agir en se foutant des conséquences. Mais la puissance d’HBO a permis à ce type d’histoires d’être vues par un très grand nombre de personnes tandis qu’à l’époque de Kids, il fallait se rendre dans des cinémas indépendants. C’est une opportunité extraordinaire que de pouvoir montrer dans un show aussi visible, ce que traversent les adolescents à cette période de leur vie, leurs vraies difficultés.
Retrouvez la nouvelle collection Calvin Klein sur le site calvinklein.fr.