“Having me on the runway was more of a risk than an advantage.” Meet albino model Stephen Thompson
Mannequin depuis les années 90, Stephen Thompson compte parmi ceux qui ont apporté un peu de singularité et de différence dans la mode masculine. Le photographe Roberto Patella l’a rencontré à Berlin pour Numero.com.
Par Chloë Fage.
Photographie par Roberto Patella.
Shaun Ross chez Alexander Mcqueen, Ralph Souffrant chez Yeezy, le culte de la différence et de la singularité semble peu à peu s’immiscer dans l’univers des créateurs. Parmi ceux qui ont permis une telle avancée, on compte Stephen Thompson, atteint d’albinisme et mannequin depuis les années 90. Féru d’art, jazzman accompli, égérie Givenchy, son physique hors norme lui vaut un parcours hors norme. Rencontre.
IL A 17 ANS ET SE VOIT DÉJÀ JAZZMAN DANS UN PIANO-BAR
De son enfance, Stephen Thompson ne dit qu’une chose : “Je viens de Brooklyn, et là-bas tout le monde a le sens de la rime.” Les good vibes musicales de ce quartier de New York le poussent à s’intéresser au hip-hop et au rhythm and blues. Il a 17 ans et se voit déjà jazzman dans un piano-bar bordant l’East River, bien loin des podiums et des flashs qui suivront. Et pourtant, c’est durant sa période lycée, alors qu’il accompagne sa petite amie de l’époque à un shooting pour le Vogue Homme américain qu’il se fait repérer. “À cette époque, mon physique déroutait. On me proposait beaucoup de concepts clichés où je devais incarner l’ange de service”, explique-t-il.
UN AVANT ET UN APRÈS-GIVENCHY
Dans les années 2000, l’engouement pour des esthétiques différentes, pour les jeux sur le genre et l’androgynie n’était pas encore d’actualité. Il s’agissait plutôt de l’ère post-“supermodels”, où l’homogénéité des corps et des visages prévalait. Pour Stephen, il faudra attendre une rencontre décisive avec Riccardo Tisci, directeur artistique de la maison Givenchy, véritable clef de voûte de sa carrière. Ce dernier lui propose de devenir l’une des égéries de sa campagne printemps-été 2011, et d’ouvrir son défilé la même année. Cet événement est rapidement perçu comme une petite révolution au sein du microcosme de la mode et, pour Stephen, il y aura désormais un avant et un après-Givenchy.
PEINTRE, MUSICIEN ET… ARTISTE BURLESQUE
Sereinement établi dans le milieu du mannequinat – collaborations avec Steven Klein, W Magazine, i-D Magazine –, il peut se consacrer à deux de ses vibrantes passions : la musique et la peinture. Plongeant dans la première, il monte différents projets, aussi bien en solo qu’au sein de son groupe Resolution, et sort plusieurs albums, dont Now to 97 en 2013. Quant à la seconde, il la met en œuvre en peignant des toiles, et se dit inspiré par le travail de Goya et du Greco, mais aussi par le mouvement surréaliste. Stephen Thompson incarne cette image de l’artiste-saltimbanque qui touche à tout. Son dernier projet en date ? Le lancement d’un spectacle de cabaret burlesque, The Raunch, où il incarnera un personnage au nom énigmatique “The Ghost Rider”.
UNE COLLABORATION AVEC THIERRY MUGLER
Il est également question de monter un spectacle comme celui-ci en collaboration avec Thierry Mugler, que Stephen a rencontré à Berlin, ville dans laquelle il vit désormais avec sa femme. Des projets qui lui permettent de se détacher pleinement des jugements que l’opinion publique porte sur lui en tant que mannequin : “Pour ces spectacles, j’ai un rôle vraiment proactif, il n’y aucun rapport avec le fait que les albinos aient la cote en ce moment ou non. Je ne dépends du jugement de personne pour cela ! ” Une opinion publique qu’il est néanmoins toujours aussi décidé à faire évoluer, ayant récemment décroché une place au sein de l’agence brésilienne OCA. Sa conquête de l’Amérique latine est en marche, soutenue par une ténacité sans faille, une touche d’excentricité et une pointe de mélanine en moins.