Guy Bourdin, Azzedine Alaïa, Irving Penn… le meilleur des expositions mode du moment
La fabuleuse épopée du kimono, la révolution opérée dans la mode par l’année 1997, l’âge d’or d’Alaïa… Les expositions consacrées à la mode fleurissent un peu partout, et notamment à Paris, avec l’arrivée du printemps. Petit guide en huit rendez-vous à ne pas manquer.
Par Camille Bois-Martin.
1. L’année 1997 au Palais Galliera : un tournant majeur de la mode
Succédant à l’exposition à succès “Frida Kahlo, au-delà des apparences”, le palais Galliera explore à présent une année charnière dans l’histoire de la mode : 1997. Du salon d’honneur aux grandes galeries du musée, vêtements, archives vidéos et photographiques font revivre cette année de révolution. C’est notamment l’époque où Rei Kawakubo, l’avant-gardiste créatrice de la marque Comme des Garçons, lance ses premières silhouettes aux corps déformés, choisies pour affiche de l’exposition. C’est aussi le moment où Martin Margiela lance sa collection conceptuelle dite “Stockman”, où la chanteuse Björk dévoile son album Homogenic, et où des créateurs d’exception feront rayonner la mode dans le monde entier – ainsi que les maisons pour lesquelles ils la créent, d’Alexander McQueen (Givenchy) à John Galliano (Dior) en passant par Jean Paul Gaultier et Thierry Mugler. L’année 1997 marque un véritable tournant et pose les jalons de la mode telle qu’on la connaît aujourd’hui, faite de glamour, de rêve, mais aussi, et surtout, de beaucoup d’audace. La preuve en une exposition.
“1997. Fashion Big Bang”, jusqu’au 16 juillet au Palais Galliera, Paris 16e.
2. Les créations d’Azzedine Alaïa sous l’objectif d’Arthur Elgort
L’un voulait devenir sculpteur, l’autre peintre : si ni Azzedine Alaïa ni Arthur Elgort ne s’en sont tenus à leur vocation initiale, c’est pourtant ensemble qu’ils ont façonné la femme des années 80. Affirmée et indépendante, cette dernière porte les vêtements structurés du couturier franco-tunisien Azzedine Alaïa, et se fait photographier, en mouvement, par le photographe new-yorkais Arthur Elgort, traduction littérale de sa fougue et de sa liberté. Au gré des séances photo organisées par des magazines de mode, les deux artistes nouent progressivement une amitié qui les mène à une collaboration prolifique, dont les témoignages photographiques sont aujourd’hui à observer au sein de la fondation Alaïa, qui confronte les vêtements du créateur aux clichés du photographe. D’émouvants souvenirs d’une époque, et de modèles mythiques à l’aube d’une éblouissante carrière dont on croise les jeunes visages : Naomi Campbell, Cindy Crawford, Linda Evangelista, Veronica Webb…
“Azzedine Alaïa, Arthur Elgort : en liberté”, jusqu’au 20 août à la fondation Azzedine Alaïa, Paris 4e.
3. Le kimono dans tous ses éclats au musée du quai Branly
En une seule exposition, le musée du quai Branly balaie plus de quatre siècles de mode au Japon, de l’époque d’Édo (1603-1868) à aujourd’hui. Point d’ancrage de cette évolution : le kimono, qui traverse les siècles et les tendances au gré des sociétés qui le portent et de son exportation en Occident. Car, avant même d’être réinterprété par Yves Saint Laurent ou Jean Paul Gaultier, le kimono était à l’origine porté par l’aristocratie japonaise comme un simple vêtement d’intérieur. Puis, les samouraïs s’en sont emparés pour les utiliser en vêtement d’extérieur, et la veste à la coupe singulière s’est progressivement répandue dans toutes les strates de la population, jusqu’à envahir la garde-robe des élégantes européennes, friandes d’une mode “exotique” au milieu du 19e siècle. Peuplées de pièces exceptionnelles remontant jusqu’au 17e siècle, les galeries du musée du quai Branly proposent un parcours aussi riche que fascinant, croisant les créations de Yohji Yamamoto à celles de la maison japonaise Matsuzakaya fondée en 1611, mais aussi le costume de la reine Apailana de la saga Star Wars…
“Kimono”, jusqu’au 28 mai au Musée du quai Branly-Jacques Chirac, 37, quai Branly, Paris 7e.
4. Man Ray et la mode : une histoire d’amour racontée au MoMu
Après avoir traversé la France, du musée Cantini à Marseille au musée du Luxembourg à Paris, l’exposition dédiée aux liens entre la mode et le travail du photographe Man Ray prend cette année ses quartiers en Belgique, dans le fraîchement rénové musée de la Mode de la province d’Anvers. Si le photographe se lance au début des années 20 dans la photographie pour financer sa peinture, sa rencontre avec le couturier Paul Poiret marque un tournant décisif dans sa carrière : Man Ray se passionne alors pour les jeux de lumière et de contrastes et décide d’expérimenter le nouveau médium photographique. Avec ses célèbres clichés en noir et blanc, il révolutionne l’image de mode. Sous son objectif, elle devient une exploration artistique et s’éloigne de sa vocation commerciale. Un pan de son travail, aujourd’hui bien connu, que le MoMu confronte aux vêtements qui ont inspiré le style graphique de Man Ray, auxquels s’ajoutent des créations plus contemporaines qui lui font écho, signées Yves Saint Laurent, Martin Margiela ou Dries van Noten.
“Man Ray et la mode”, du 22 avril au 13 août au musée de la Mode de la province d’Anvers – MoMu, Belgique.
5. Le motif tartan et ses tartines de traditions au V&A Dundee
C’est un emblème de la culture britannique. Habitué des kilts ou des plaids, le motif tartan dont on n’entendait plus parler fait son retour sur les podiums de la Fashion Week automne-hiver 2023-2024 et dans les collections du Victoria and Albert Museum de Dundee, en Écosse, qui lui consacre toute une exposition. Une robe du 18e siècle, le casque de course de Sir Jackie Stewart, les ensembles streetwear de Wales Bonner pour Adidas… Entre vêtement, photographie, mobilier, peinture et céramique, le musée réunit plus de 300 objets retraçant l’histoire du tartan, depuis ses origines jusqu’à ses dernières réinterprétations. Cette étoffe de laine, dont les rayures et les motifs étaient initialement propres à un clan, est réinventée sur les podiums des défilés selon l’imagination des créateurs : de Chanel à Dior en passant par Alexander McQueen, sans oublier la reine du punk Vivienne Westwood.
“Tartan”, du 1er avril 2023 au 14 janvier 2024 au Victoria and Albert Museum de Dundee, Écosse.
6. Les costumes du Ballet national de Marseille dépoussiérés par (LA)HORDE
Ils semblent prêts à sauter, valser ou s’élancer dans une chorégraphie endiablée. Le Ballet national de Marseille, aujourd’hui sous la houlette du très médiatique collectif (LA)HORDE, retrace un demi-siècle de son histoire à travers de magnifiques costumes de scène. À travers plusieurs centaines de tenues, la compagnie fondée en 1972 par le chorégraphe Roland Petit invite le visiteur à s’immerger dans ses plus mémorables créations. Le scénographe Julien Peissel les présente à travers une succession de tableaux mêlant accessoires, photographies, vidéos et costumes portés par des mannequins aux postures expressives, comme s’ils se trouvaient saisis en plein mouvement. Parmi les costumes exposés, beaucoup sont signés de la main de mythiques couturiers comme Yves Saint Laurent, Gianni Versace ou Casey Cadwallader, qui ont trouvé au sein des spectacles dansés un fertile champ d’inspiration propre à doper leur inventivité.
“Danser l’image”, jusqu’au 30 avril au Centre national du costume de scène, Moulins (Allier).
8. Les photographies de Guy Bourdin sublimées à l’Armani/Silos
Inaugurée à l’Armani/Silos pendant la Fashion Week de Milan, l’exposition “Guy Bourdin: Storyteller” réunit plus de cent clichés du photographe français et offre un riche panorama de son monde saturé de couleurs et de références cinématographique. “Bourdin n’a pas suivi la foule, il n’a pas fait de compromis et je m’identifie à cela” commente le couturier Giorgio Armani, fasciné par le travail et l’univers aussi sexy que sanglant du photographe. Alternant les salles entièrement recouvertes de rouge, de vert et de rose, l’exposition présente les clichés de Guy Bourdin au travers des grandes thématiques qui ont jalonné sa carrière, des campagnes publicitaires qu’il a signées à ses clichés inspirés des films d’Alfred Hitchcock.
“Guy Bourdin: Storyteller”, jusqu’au 31 août à l’Armani/Silos, Milan.
7. Dans le cloître des Franciscaines, hommage au talent d’Irving Penn
La photographie est au cœur de l’histoire de Deauville. Si son paysage entre terre et mer a fasciné plus d’un artiste – Eugène Bourdin, Robert Capa, Gisèle Freund –, la ville entretient ce lien au gré de multiples expositions et de son célèbre festival annuel Planches Contact. Ce printemps, les Franciscaines accueillent dans leur cloître l’une des plus grandes collection d’œuvres d’Irving Penn, prêtée par la Maison européenne de la photographie. N’ayant sorti que très rarement son appareil de son studio, le photographe américain a cultivé une esthétique visuelle reconnaissable entre mille, faite de clichés noir et blanc à la lumière diffuse et au fond toujours neutre. L’exposition réunit pour la première fois 109 images qui couvrent toute la carrière de l’artiste, de 1939 à 2007 : portraits de célébrités et d’anonymes, natures mortes de cigarettes ou de chewing-gum, sans oublier ses incontournables photos de mode qui ont capturé le visage des plus grandes mannequins de l’époque, auxquelles Irving Penn doit notamment son succès.
“Irving Penn. Chefs-d’œuvre de la collection de la MEP”, jusqu’au 28 mai aux Franciscaines, Deauville.