9 sep 2022

Gucci’s tribute to director Stanley Kubrick deciphered

Pour la campagne de sa collection Exquisite, Alessandro Michele, directeur artistique de Gucci, intègre ses nouvelles créations – notamment des pièces issues de sa collaboration avec Adidas -, dans des films emblématiques du réalisateur américain Stanley Kubrick. Décryptage de ses images plus vraies que natures, aussi intrigantes que perturbantes.

À la manière des grands maîtres du 7e art,  Alessandro Michele, au sein de ses collections pour la maison Gucci, brouille les frontières entre fiction et réalité. Saison après saison les silhouettes qu’il imagine entremêlent références post-modernes et emprunts à l’histoire de l’art et déploient un univers peuplé de personnages singuliers, baroques et fantasques, mais terriblement ancrés dans notre monde contemporain. “Quand j’étais jeune,  je ne désirais pas être designer de mode, mais créateur de costumes. On me demande encore souvent si je suis l’un ou l’autre et je suis toujours incapable de répondre. C’est cette ambiguïté qui me fascine. Mon travail est basé sur l’idée de ne jamais fermer une porte”, confiait Alessandro Michele à Numéro en 2021.

 

Après avoir réalisé une série avec Gus Van Sant en 2020 mettant en scène les égéries Gucci à l’instar des pop stars Billie Eilish et Harry Styles, et célébré l’âge d’or hollywoodien dans un défilé flamboyant à Los Angeles en 2021, le bouillonnant directeur artistique prouve une fois de plus sa passion pour le cinéma avec la campagne de la collection Exquisite, dévoilée au mois de février. Explorant le pouvoir fantasmagorique de la mode et l’émerveillement de la métamorphose, ce défilé prenait place dans un décor composé de miroirs, jouant sur la notion d’image (que l’on projette et qui se reflète), tandis que la collection, pensée comme une déclinaison autour du costume – qu’il soit formel, streetwear ou extravagant –, comprenait également une collaboration avec le label Adidas.

 

Aujourd’hui, Alessandro Michele explore l’esthétique hybride de sa collection Exquisite à travers une campagne dérangeante où ses créations prennent vie dans des films emblématiques du réalisateur américain Stanley Kubrick. “Ce réalisateur philosophique qui, mieux que quiconque, a su faire ressortir la magie de ce nœud inextricable par lequel le cinéma restitue la vie et la magnifie. Son approche expérimentale défie toute catégorisation possible. Plus précisément, chacun de ses films assimile la multiplicité des âmes : la dystopie rencontre la parodie, le drame devient comédie, l’horreur ressemble à un traité de psycho-philosophie, et le sentiment de vérité glisse vers l’étrange. Kubrick était avant tout un vrai sculpteur de genres : le réalisateur « hybride », en avance sur son temps. Sa capacité à construire des récits qui vont au-delà du sens, à repousser les frontières et à révolutionner les genres m’a toujours profondément inspiré”, commente le créateur dans un communiqué de presse. 

Robe Adidas x Gucci par Alessandro Michele au sein du film “Shining” de Stanley Kubrick

Plongée dans l’horreur de “Shining” (1980)

 

L’hôtel Overlook, lieu iconique de Shining (1980) et théâtre de la plongée progressive dans la folie de l’écrivain en quête d’inspiration Jack Torrance – joué par le brillant Jack Nicholson –, devient un décor dans lequel déambulent les silhouettes Gucci, se mêlant subtilement à l’intrigue. La robe moulante rouge à trois bandes, réinterprétation d’un modèle Adidas porté par Madonna à New York dans les années 90, fait écho aux lignes de la salle de bain vert menthe au style seventies. Personne n’a oublié cette scène mythique où le petit Danny déambule sur son tricycle à travers l’hôtel, jusqu’à tomber nez à nez avec deux jumelles en robe bleu ciel. Ici, dans les couloirs à la moquette géométrique rouge foncé et orange, une figure en costume marron clair imprimé de boucles Gucci et bottines à lacets ornées de bandes émeraudes Adidas pousse le tricycle de l’enfant. Dans un autre plan, une femme, béret violet à bandes, boucles d’oreilles géométriques oversize dorées et sac Gucci Attache à la main, est adossée au papier-peint fleuri à côté des deux jumelles, dans une mise en scène inquiétante.

Manteau et bijoux Gucci par Alessandro Michele au sein du film “Eyes Wide Shut” de Stanley Kubrick

Mystère et opulence avec “Eyes Wide Shut” (1999)

 

Autour de silhouettes habillées de capes noires et portant des masques vénitiens rouge, blanc, noir et or, une femme aux cheveux blonds nous fixe d’un regard incandescent. Vêtue d’une fourrure camel et d’une superposition de colliers de perles habillant son décolleté subtilement dévoilé, elle flamboie au milieu de la noirceur d’une scène qui semble évoquer un rituel. On l’imagine comme un alter ego de l’actrice australienne Nicole Kidman dans l’énigmatique Eyes Wide Shut (1999) de Stanley Kubrick, où celle-ci donne la réplique au célèbre Tom Cruise, son mari à l’époque. Cette fable mystique où le rêve et la réalité se mêlent jusqu’à l’étouffement inspire ici le directeur artistique de Gucci, Alessandro Michele, qui propose une silhouette au glamour exacerbé contrastant avec la beauté froide du mannequin. 

Veste et beret en laine Gucci par Alessandro Michele au sein du film “Orange Mécanique” de Stanley Kubrick

La folie pure dans “Orange Mécanique” (1972)

 

Sans conteste le film le plus controversé de Stanley Kubrick, Orange Mécanique provoque, à sa sortie en 1972, une vague d’indignation. Aussi choquant que fascinant, le long-métrage adapté d’un roman d’Anthony Burgess paru dix ans plus tôt met en scène le scandaleux et l’horreur de la violence à travers le personnage d’Alex, un psychopathe qui doit guérir de ses penchants grâce à un traitement consistant à le forcer à regarder en boucle des images insoutenables. Mêlant film de gangster, fable morale et critique acerbe de la société du début des années 70, le film reste dans les annales pour son âpreté – il est directement interdit aux moins de 18 ans et censuré dans certaines salles anglaises – mais également pour son style. De fait, le cinéaste, maître dans l’art de planter le décor, dessine à chaque film un univers tel qu’on n’en a jamais vu ailleurs. Ce qui lui a valu, d’ailleurs, de laisser une empreinte indélébile dans la culture populaire qui donnera même naissance à un type d’architecture ou de design “à la Kubrick”. Élément essentiel du film, le style du personnage principal, chic et androgyne, qui aurait même inspiré le chanteur David Bowie lors de la création de ses alter ego. C’est donc tout naturellement qu’Alessandro Michele a puisé dans les scènes où Alex atteint le climax de la démence, yeux écarquillés mais toujours tiré à quatre épingles, en veste de costume en velours blanc, bretelles et chapeau melon, lorsqu’il embarque ses camarades pour un voyage sans retour dans les tréfonds de la folie…

Robe Gucci par Alessandro Michele au sein du film “2001 : L’Odyssée de l’espace” de Stanley Kubrick

Voyage métaphysique avec “2001, l’Odyssée de l’espace”

 

Dans le sublime et métaphysique film de science-fiction 2001, l’Odyssée de l’espace, l’un des chefs-d’œuvres de Stanley Kubrick, des astronautes entreprennent un voyage vers Jupiter à bord du vaisseau Discovery One, suivant le signal émis par un monolithe qui a été découvert sur la Lune. Dans l’acte final du long-métrage, on suit les aventures de l’astronaute David Bowman “au-delà de l’infini”. Le directeur artistique de la maison Gucci, Alessandro Michele réinvente cette scène mythique en juxtaposant une silhouette féminine en robe de soirée verte ornée de tulle et le cadre blanc, froid et futuriste du film culte. Le voyage vers l’infini devient alors un voyage au bout de la nuit. Alessandro Michele confie dans un communiqué de presse à propos de cette rencontre poétique : “Et cette splendide robe de soirée ornée de ruchés légers en tulle enflamme le cadre aseptisé et dystopique de 2001, l’Odyssée de l’espace. Ce jeu de mises en situation entremêle les plans historiques, les références et les expériences. Le passé éclate dans le présent. Tout peut se transformer. Comme dans cette fameuse scène du chef-d’œuvre de Kubrick, où l’os devient vaisseau. Comme dans la vie. ” 

https://youtu.be/pk1oThKRxdo

In the manner of the great maestros of filmmaking, Alessandro Michele blurs the boundaries between fiction and reality in his collections for Gucci. Season after season, the clothes he designs blend post-modern references and quotations from history of art, and create a world populated by unique, baroque and whimsical characters, yet firmly rooted in our contemporary world. « When I was young, I didn’t want to be a fashion designer, but a costume designer. I am still often asked if I am one or the other and I am still unable to answer. It is this ambiguity that fascinates me. My work is based on the idea of shutting the door on nothing« , Alessandro Michele told Numéro in 2021.

 

After commissioning a series from Gus Van Sant in 2020 featuring Gucci muses such as pop stars Billie Eilish and Harry Styles, and celebrating Hollywood’s golden age in a glitzy Los Angeles show in 2021, the ebullient creative director once again proved his passion for cinema with his campaign for the Exquisite collection, unveiled in February. Exploring the phantasmagorical power of fashion and the wonder of metamorphosis, the show took place in a mirrored set, that played on the notion of images (projected and reflected), while the collection, designed as a variation on costume – whether formal, streetwear or extravagant – also included a collaboration with the brand Adidas.

 

Today, Alessandro Michele is exploring the hybrid aesthetic of his Exquisite collection in a disturbing campaign in which his designs come to life in iconic films by American director Stanley Kubrick. « A philosophical filmmaker who, better than others, emanated the magic of that inextricable knot through which cinema exhales life and magnifies it. His experimental drive goes beyond any possible categorisation. Every film, in fact, digests the manifold souls where dystopia meets parody, drama becomes human comedy, horror looks like a psycho-philosophic treatise, the feeling of truth evolves into the uncanny. Kubrick was, in essence, a real sculptor of genres: the ‘cross-genre’ director, ahead of his time. His ability to build stories that exceed significance, crossing borders and setting labels on fire, has always been deeply inspiring to me« , the creator explained in a press release.

Adidas x Gucci dress by Alessandro Michele in the film “The Shining” by Stanley Kubrick

Caught up in the horror of “The Shining” (1980)

 

The Overlook Hotel, the iconic location of The Shining (1980) and the backdrop to the gradual descent into madness of Jack Torrance, the writer looking for inspiration – played by the brilliant Jack Nicholson – becomes a setting through which Gucci clothes wander, subtly blending into the plot. The tight red dress with three stripes, a reinterpretation of an Adidas model worn by Madonna in New York in the 90s, echoes the lines of the mint green 70s bathroom. Everyone remembers the mythical scene in which little Danny rides his tricycle through the hotel until he comes face to face with two twin girls in sky blue dresses. Here, in the corridors with carpets of dark red and orange geometric patterns, a figure in a light brown suit with Gucci buckles and lace-up boots with Adidas emerald stripes pushes the child’s tricycle. In another shot, a woman in a purple beret with stripes, oversized gold geometric earrings and a Gucci Attache bag in her hand, leans against the flowery wallpaper next to the twins, in an ominous portrait.

Gucci coat and jewels by Alessandro Michele in the film “Eyes Wide Shut” by Stanley Kubrick

Mystery and opulence in “Eyes Wide Shut” (1999)

 

Surrounded by silhouettes wearing black capes and red, white, black and gold Venetian masks, a blonde-haired woman gives us a smouldering gaze. Dressed in a camel-coloured fur coat and layers of pearl necklaces covering her subtly revealing cleavage, her figure stands out in a dark scene that seems to evoke a ritual. We imagine her to be an alter ego of the Australian actress Nicole Kidman who starred in Stanley Kubrick’s enigmatic Eyes Wide Shut (1999), in which she played opposite the famous Tom Cruise, her husband at the time. This mystical fable, in which dream and reality merge to the point of suffocation, inspired Gucci’s creative director, Alessandro Michele, to create an outrageously glamourous outfit contrasting with the model’s cold beauty.

Gucci jacket and wool beret by Alessandro Michele in the film “Clockwork Orange” by Stanley Kubrick

Sheer madness in “Clockwork Orange” (1972)

 

Unquestionably Stanley Kubrick’s most controversial film, Clockwork Orange caused a wave of indignation when it was released in 1972. As shocking as it is fascinating, the film, adapted from an Anthony Burgess novel published ten years earlier, showcases the scandal and horror of violence through the character of Alex, a psychopath who weaknesses are cured through a treatment that consists of forcing him to watch unbearable images on a loop. A gangster film mixed with a moral fable and a cutting criticism of society in the early 70s, the film has gone down in history for its harshness – it was immediately rated 18 and censored in some English cinemas – but also for its style. In fact, the filmmaker, a master in the art of setting the scene, created a unique world in each of his movies. That is why he has left an indelible mark on popular culture, even leading to a type of architecture or design « à la Kubrick ». The style of the main character, elegant and androgynous, is an essential element of the film and is said to have inspired the singer David Bowie when he created his alter egos. It is therefore quite natural that Alessandro Michele drew on the scenes where Alex reaches the climax of dementia, wide-eyed but still impeccably dressed, in a white velvet suit, braces and bowler hat, as he takes his comrades on a one-way trip into the depths of madness…

Gucci dress by Alessandro Michele in the film “2001: A Space Odyssey” by Stanley Kubrick

Metaphysical journey in « 2001: A Space Odyssey”

 

In the superb metaphysical science fiction film 2001: A Space Odyssey, one of Stanley Kubrick’s masterpieces, astronauts embark on a journey to Jupiter in the spacecraft Discovery One, following a signal from a monolith that was discovered on the Moon. In the final part of the film, we follow the adventures of astronaut David Bowman « beyond the infinite ». Gucci’s creative director Alessandro Michele replays this iconic scene by placing a female figure in a green tulle evening gown in the cold, futuristic white setting of the cult film. The journey beyond the infinite then becomes a journey to the end of the night. Alessandro Michele discussed this poetic encounter in a press release: « And the dreamiest evening dress dangled in soft tulle ruches bursts into the aseptic and dystopian space of 2001: A Space Odyssey. This situationist game mixes historical plans, references, experiences. The past explodes into the present. Everything can become anything, or something else. As in that famous scene of Kubrick’s masterpiece, where the bone turns into a spaceship. As in life. 

https://youtu.be/pk1oThKRxdo