Festival de Hyères : vous allez succomber aux chapeaux de Maison Michel
À l'occasion d'une exposition autour du chapelier Maison Michel organisée à la Villa Noailles à Hyères, Numéro a rencontré Priscilla Royer, directrice artistique.
Par Léa Zetlaoui.
Arrivée en 2015 à la tête de la direction artistique du chapelier Maison Michel, Priscilla Royer, était, jusqu’à présent restée relativement discrète, prenant le temps d’ouvrir un nouveau chapitre pour cette maison d’art fondée en 1936. Formée à l’école de direction artistique et d'architecture intérieure Penninghen puis au Studio Berçot et à la Central Saint Martins School, Priscilla Royer a fait ses armes chez Vivienne Westwood avant de lancer son label Pièce d’Anarchive (2011-2014). Rachetée en 1996 par Chanel, grand partenaire du Festival de mode et de photographie de Hyères, Maison Michel dévoilait une partie de son univers à la Villa Noailles au sein d’une exposition immersive installée sur une des terrasses du bâtiment brutaliste construit par Robert Mallet Stevens entre 1923 et 1933. L’occasion d’en savoir un peu plus sur celle qui s’attèle depuis 4 ans à désacraliser un des accessoires les plus complexes de la mode.
Comment avez-vous conçu cette exposition à la Villa Noailles ?
Priscilla Royer : Pour cette exposition, je voulais que l’on sente l’âme de l’atelier dans lequel nous travaillons, que le public s’immerge en jouant sur différents sens. Des machines lourdes, dangereuses et difficiles à déplacer; de la chaleur, de la vapeur, des bruits… Nous avons donc construit une boîte noire, fermée, où sont entreposés des “bois” (sortes de moules en bois utilisés pour fabriquer des chapeaux) et de grandes photos de l’atelier. Nous avons parallèlement enregistré les artisans – une dizaine environ – qui racontent leurs activités dans la maison, accompagnés du bruit des machines. Des écrans cathodiques illustrent en vidéo ces actions.
Vous venez de la mode et n’aviez jamais travaillé dans l’univers du chapeau avant Maison Michel, comment s’est passée la rencontre avec les artisans ?
Tout s’est fait étape par étape. Une idée peut s’adapter à n’importe quelle pièce, du moment qu’elle existe dans l’imagination. En arrivant, je n’avais jamais travaillé ce type d’accessoires et les gens de l’atelier – de véritables experts – m’ont tout appris. Certains sont là depuis 30 ans et sont la mémoire et le savoir-faire de Maison Michel.
Quels ont été les enjeux pour vous depuis quatre ans?
Le chapeau est un accessoire qui se porte près du visage et révèle énormément de chose sur la personne qui le porte. L’aspect sociologique est très fort. L’enjeu principal aujourd’hui est d’en finir avec les codes sociaux comme le chapeau du banquier, le haut-de-forme du gentleman, la capeline de la fille glamour, des clichés qui sont bien ancrés dans les esprits, et que je souhaite casser pour ne garder que le style. Ce qui m’intéresse c’est de faire passer le chapeau pour un accessoire de mode secondaire et non plus tertiaire, qu’il soit considéré comme le sac, la chaussure ou le bijou.
Il y a donc un gros travail de recherche de nouvelles formes et pas seulement de déclinaisons?
Effectivement, mais tout dépend évidemment des projets et de la collection. Parfois, je demande un haut-de-forme très classique et traditionnel et les artisans vont sortir différents modèles. Si cela ne convient pas, on refait le bois. Il y a 4 000 pièces d’archives chez Maison Michel. Les calottes et les bords sont souvent désolidarisés, donc on peut imaginer énormément de combinaisons possibles. Par exemple une calotte “boule” sur un petit bord donne un chapeau melon, mais associée à un large bord ça devient une capeline.
Quel a été le principal challenge pour l’atelier depuis votre arrivée?
L’atelier travaillait un feutre d’une certaine épaisseur que je trouvais trop raide. C’était trop compliqué de garder un chapeau aussi rigide toute une journée, compte tenu de tous les petits évènements du quotidien : courir pour un rendez-vous, l’enlever quand on entre dans un intérieur, le poser dans un restaurant pour ne pas l’abîmer. Toutes ces petites contraintes peuvent décourager de porter un chapeau, si celui-ci ne s'adapte pas à nos rythmes de vie.
Comment avez vous réfléchi à une solution?
Nous avons travaillé la matière afin de rendre le feutre plus fin et plus souple sans sacrifier la forme et la tenue. Au départ, l’atelier me disait que ça n’allait pas tenir et garder la forme.. Nous avons quand même essayé et petit à petit la confiance s’est installée et nous avons pu avancer. Finalement pour rendre le chapeau plus contemporain et jeune, tout se joue dans la flexibilité de la matière et du transport afin de faciliter son usage quotidien.
Quelle(s) forme(s) préférez-vous?
J’aime plutôt les chapeaux à bords courts comme les Trilby ou alors le Souna, une petite cloche un peu hybride.
La pièce la plus folle que vous ayez réalisée?
J’aime beaucoup l'un des modèles exposés qui est inspiré par une serviette de tables en tissu. J’étais au restaurant et les formes et courbes de la serviette posée sur la nappe à la fin d’un repas m’ont inspirée pour un thème d’une collection. Il fallait exprimer tous les replis de la serviette, mais en même temps garder une forme de chapeau. C’est une pièce complexe à réaliser, ce qui montre que finalement la construction peut être plus complexe que la décoration.
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