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Valentino unveils its new grand couture show in an iconic square in Rome
Ce vendredi 8 juillet, à la tombée du jour, la maison Valentino investissait la piazza di Spagna – une place au coeur de Rome qui a accueilli pendant des décennies les plus grands défilés de la mode italienne – pour présenter sa collection haute couture automne-hiver 2022-2023. En dialogue avec les codes et l’époque de Monsieur Valentino, auprès de qui il a travaillé, le directeur créatif Pierpaolo Piccioli concevait cet événement iconique comme une célébration de la beauté née du travail des ateliers de la maison, à la fois intemporelle et capable de résonner profondément avec notre époque. Au fur et à mesure que les mannequins effectuaient la descente spectaculaire des marches situées sur la place, son message d’inclusivité s’y incarnait de façon évidente.
Par Delphine Roche.
Dans les années 80 et 90, la Chambre nationale de la mode italienne confiait à un couturier la tâche ô combien poétique de conclure la semaine de la haute couture romaine par un défilé ouvert au grand public, sur le grand escalier de la piazza di Spagna. De Naomi Campbell à Carla Bruni, toute la génération des supermodels a ainsi descendu pas à pas ces 135 “Spanish steps”, sous l’égide du couturier choisi chaque année. Dans cet exercice de style également diffusé à la télévision italienne dans une émission intitulée Donne sotto le stelle (“Femmes sous les étoiles”), Monsieur Valentino a bien sûr excellé, incrustant, via les petits écrans, dans chaque foyer italien, sa haute couture dramatique et magistrale. C’est à ce moment de beauté fédérateur que Pierpaolo Piccioli, directeur créatif de la maison Valentino, a rendu hommage avec son défilé présenté, sur les fameuses “marches espagnoles”, le 8 juillet. Intitulée “The Beginning”, la collection s’appuie sur la puissance créatrice absolue de la haute couture pour tisser un dialogue avec le passé et ouvrir des perspectives d’avenir. “Dans la haute couture, il n’y a pas de patron papier, pas de carte, pas de trace sauf celle laissée au fond de l’âme. La haute couture se transforme en partant du zéro absolu. Capturer et partager ce moment de zéro absolu où tout est encore possible est un exercice que je répète à chaque fois avec le même émerveillement”, explique-t-il dans le communiqué de presse qui l’accompagne. Lui qui a œuvré pendant près de dix ans sous la direction de Monsieur Valentino en personne, a conçu cette collection emblématique comme un dialogue avec le maestro. “C’est une collection très personnelle, nous explique-t-il, une conversation avec Monsieur Valentino. Avec l’homme, que j’ai connu, avec les proportions de ses créations, avec ses volumes. Moi-même, enfant, je faisais le voyage en train pour assister au défilé présenté sur les marches de piazza di Spagna. Connaître le passé permet d’envisager l’avenir. Or la couture est un rituel qui reste immuable. L’atelier reste son cœur, encore et toujours. Mais les personnes qui défilent ne sont vraiment plus les mêmes que par le passé, et cela, c’est moderne.”
Succédant aux années 90 et à Naomi – présente d’ailleurs au défilé en tant que spectatrice –, Linda Evangelista et consorts, sur les marches s’élançait un casting reflétant une diversité d’origines, d’âges, d’expressions de genre et de morphologies. Une ancienne nageuse olympique stupéfiante de charisme, un garçon aux cheveux longs et roses dans une robe en ruchés d’organza jaune acide, la top des années 80 Violetta Sanchez, plusieurs mannequins plus size dans des robes-sirènes sculpturales… Et aussi, un grand nombre de mannequins masculins. Ce casting, pour Pierpaolo Piccioli, est en soi une prise de position politique : “La beauté a le pouvoir de faire passer des messages, poursuit-il. Et je pense sincèrement que la mode doit être politique. Faire défiler aujourd’hui 40 mannequins noirs, garçons et filles, sur les marches de la Piazza di Spagna, c’est adresser un grand ‘non’ à Matteo Salvini et à Giorgia Meloni [les deux figures qui dominent l’extrême droite italienne, leaders respectivement de la Ligue et de Fratelli d’Italia].”
Pour Pierpaolo Piccioli, la couture n’a pas à essayer d’être moderne. De fait, alors qu’on la déclarait moribonde, elle se porte aujourd’hui comme un charme, plébiscitée par une nouvelle génération de clientes dont les codes sont différents, plus en phase avec des attitudes et des valeurs contemporaines. Et c’est justement sans s’excuser de son faste, de sa beauté, des longues et minutieuses heures de travail de ses “petites mains”, que la couture chez Valentino parvient, sans marteler ce message, à être moderne. Adressée aux hommes comme aux femmes, elle parie sur l’intemporalité (une valeur tout à fait romaine) des broderies, des ruchés, des feuilletés, des robes à traînes. Il faut être, comme le directeur créatif de la maison, fin coloriste, maître technicien, et tout à fait en phase avec l’air du temps, pour savoir mettre les embellissements, les expérimentations, et la théâtralité qui font le sel de la couture, au service d’une sorte de désinvolture contemporaine. Assortir un crop top façon T-shirt à une jupe tout en plume, une longue cape à manches bouffantes à un simple débardeur blanc et des baskets (portés par un garçon). Partout, la fluidité et la légèreté restent de mise, grâce aux couleurs intenses et contrastées qui émerveillent, et au travail particulier des volumes : “J’ai voulu travailler les broderies et les matières d’une façon très libre, confirme Pierpaolo Piccioli. En termes de volumes, j’imaginais comme des gouttes liquides tombant lentement au sol.”
Dans cette collection pensée comme un dialogue avec Monsieur Valentino, impossible bien sûr d’ignorer le rouge, véritable signature de la maison, dont les archives recensent pas moins de 550 teintes de rouge. Autre signature, les roses, que le fondateur de la maison considérait comme des gages “d’intemporalité, de culture et de persistance de la beauté.” Surdimensionnées à l’extrême, sur le premier passage du défilé, elles sont piquées en colliers, ou en boutonnières, ou encore imprimées, tout au long de la collection, et toujours “plus audacieuses, plus affirmées, moins romantiques” que celles du maestro. Elles concourent ainsi à faire de cette collection pensée comme un éternel commencement, une célébration de la beauté dans ce qu’elle recèle à la fois d’héritages tirés d’hier, et de potentiels réinvestissements symboliques infinis. A cette célébration, les fameuses “petites mains” ont pu elles aussi directement prendre part, saluant aux côtés du directeur créatif dans un final émouvant.