Que faut-il retenir du défilé Louis Vuitton automne-hiver 2020-2021?
Sur une musique signée Woodkid, Nicolas Ghesquière a présenté une collection avant-gardiste qui entrechoque les époques et les tendances.
par Léa Zetlaoui.
2020 s’impose comme un millésime particulier pour Louis Vuitton. La maison est en effet le grand mécène de l’exposition du Costume Institute au Metropolitan Museum of Art à New York, événement qui fête cette année ses 150 ans. Et c’est à Nicolas Ghesquière, directeur artistique des collections femmes, que revient l’honneur de coprésider le 4 mai prochain la soirée d’ouverture, le fameux Met Gala, évènement au rayonnement international. S’intitulant “About Time : Fashion and Duration”, l’exposition inaugurée par cette grande soirée orchestre un véritable voyage à travers les époques et les styles et interroge le passé, le présent et le futur du vêtement à travers plus de 160 pièces.
La collection automne-hiver 2020-2021 présentée par Nicolas Ghesquière le mardi 3 mars 2020 fait pleinement écho à cette thématique, explorant les effets du temps et des tendances sur l’histoire et l’appropriation du vêtement. Ce n’est pas la première fois que le créateur invoque le rétrofuturisme au sein de ses créations. En effet, cette esthétique habite ses collections pour Louis Vuitton depuis le défilé printemps-été 2018 qui mêlait brocarts richement brodés, satin lumineux, références à la science-fiction ainsi que des détails et coupes sportswear. Cette saison, Nicolas Ghesquière explore davantage l’anachronisme dans la mode avec un défilé animé d’une performance spectaculaire, une musique sublime et des pièces littéralement extraordinaires.
1. Une collection qui entrechoque les époques
“C’est une sorte d’anachronie des genres. Ce pourrait être tout simplement le plaisir du vêtement, et toutes ses possibilités, sans protocole, sans entrave. Ce que l’on a déjà chez soi et que l’on associe à ce que l’on voudrait de nouveau”, commente Nicolas Ghesquière. Le créateur offre en effet un patchwork inédit d’influences et d’époques qui renouvelle l’idée d’upcycling, non plus à l’échelle du vêtement mais à celle de la silhouette. On retrouve ainsi d’épais jupons qui évoquent les dessous des robes à crinolines, de riches brocarts brodés sur des vestes, des emprunts aux costumes trois-pièces masculins associés à des pièces en provenance de l’univers automobile agrémentés de patchworks de cuir coloré. Ces associations audacieuses incarnent une fois de plus une mode avant-gardiste dont seul Nicolas Ghesquière a le secret.
2. Un set design aux allures d’opéra
Du sol aux murs en passant par les bancs, c’est dans un espace entièrement tapissé de noir mat, installé au sein de la cour carrée du Louvre et qui évoqye celui de la saison précédente, que s’est déroulé le défilé Louis Vuitton. Cette fois-ci, ce n’est pas la chanteuse Sophie qui apparait sur des écrans géants, mais une tribune composée de 200 personnages en costumes d’époque (du XVe au XIXe siècle) habillés par Milena Canonero, célèbre costumière connue notamment pour son travail sur certains films de Stanley Kubrick. Au bout de quelques instants et tout au long du défilé, ces 200 personnages s’animent à travers une performance musicale spectaculaire, orchestrée par Francisco Negrin, grand metteur en scène d’opéra et de spectacles. Comme l’explique Nicolas Ghesquière, “Dans la tribune, le passé. Dans les gradins, le présent. Et sur le podium, un futur proche…”
3. La musique signée Woodkid
Cette réflexion sur le temps s’illustrait également dans la musique du défilé. Intitulée “Three hundreds and twenty ” et composée par Woodkid et Bryce Dessner, elle condensait 320 années de références et de styles musicaux avec comme point de départ les compositions de Nicolas de Grigny (mort en 1703), un contemporain oublié de Bach. Les 200 personnages précités s’y immisçaient aussi, s’animant en un choeur dramatique, comme dans les pièces de l’antiquité.