Nike, la mode et le streetwear… rencontre avec Stéphane Ashpool, fondateur de Pigalle
Entre deux nouveaux terrains de basket-ball ultra colorés, une nouvelle collaboration avec Nike et une collection automne-hiver 2020-2021 inspirée du ballon de sport orange et de l'univers du Jazz, le fondateur du label Pigalle Stéphane Ashpool revient sur ses nouveaux projets.
Propos recueillis par Léa Zetlaoui.
Véritable outsider de la mode, Stéphane Ashpool, fondateur du label parisien Pigalle, ne fait rien comme personne. Ses collections, qui mélangeaient –bien avant l'arrivée de Virgil Abloh – couture et streetwear avec une rare finesse, sont exclusivement vendues dans ses boutiques; ses défilés aux mises en scène théâtrales brassent une foule hétéroclites de locaux, journalistes, artistes, sportifs et branchés; il s'associe régulièrement avec Nike autour de collections sportswear ainsi que des projets culturels (expositions) et sportifs (le stade Duperré en 2009) et a signé pour Missoni des pièces en maille streetwear. À l'occasion de la Fashion Week homme automne-hiver 2020-2021, le finaliste du Grand Prix de l'ANDAM en 2015 présentait sa nouvelle collection en deux parties ainsi qu'une nouvelle collaboration avec Nike. En parallèle, il vient d'ouvrir deux nouveaux terrains de basket-ball à Mexico et Pékin.
NUMÉRO : Vous travaillez avec Nike depuis cinq ans maintenant. Que vous a apporté cette collaboration?
STÉPHANE ASHPOOL : Cela fait même plus ! La première fois que j’ai collaboré avec eux, avant même de faire des collections, c’était il y a quasiment 10 ans. Nike est évidemment un super partenaire. J’ai la chance de pouvoir échanger librement avec les équipes et en plus ce sont des gens loyaux. Quand ils me donnent l’opportunité de réaliser un nouveau projet, je m’investis complètement et ça marche toujours.
Vous ont-ils soutenu au moment de lancer Pigalle?
Ils ne m’ont pas aidé au moment du lancement, mais ils ont vite participé à l’éclosion de mon label et, surtout, ils m’ont offert une vitrine à l'international.
Et que pensez-vous avoir apporté à Nike?
Je pense que nous avons un véritable échange, c’est pour cela que ça dure depuis aussi longtemps. Nous créons des événements qui durent plus longtemps qu’une soirée, en l'occurrence des terrains. Ma présence apporte quelque chose d’authentique et qui n’est pas commerciale, moins axée sur le produit et davantage sur une vision.
En 2009, vous vous associez à Nike afin de réaménager et repeindre terrain de basket-ball Duperré, dans le 9e arrondissement de Paris. Comment est-née cette idée?
Ce projet n’était pas du tout préparé, mais au contraire très spontané. J’ai toujours été proche de l’univers du basket et j’ai joué dans la rue toute ma vie, donc je suis particuièrement sensible aux extérieurs. Avant, l'espace du terrain Duperré était glauque, gris, les gens pissaient, des seringues trainaient, c’était dégueulasse. Peu à peu est venue cette idée d’offrir cet endroit aux jeunes déjà présents : ajouter de la couleur, une énergie positive, rester simple, faire attention aux autres…
Avez-vous senti des changements dans les mentalités depuis que ce nouveau terrain existe?
Oui, c’est impressionnant. Tout le monde s’est lié. Au départ, ce quartier dispose déjà d'une position clé dans Paris : il est à la frontière entre le nord et le sud de la ville, et fort d'une grande diversité de population. Désormais nous avons créé un groupe d’amis, ce qui attire d’autres gens, qui viennent même de l'étranger. Nous avons commencé avec des jeunes qui avaient entre 8 et 12 ans qui ont grandi depuis, et nous accueillons de nouveaux joueurs : c’est une vie de village. En tout cas, moi, ça m’a changé la vie.
Finalement, vous êtes parvenu à créer une vraie synergie dans le quartier ?
Oui, cela forme un point central qui part d’une base saine, du sport, de rencontres après l’école… C’est fou le nombre de gens qui s'y rendent ajourd'hui. L’énergie y est exceptionnelle.
Pourquoi vouloir l’exporter et pourquoi Mexico et Pékin comme nouvelles destinations?
Quand Nike a fait de nouveau appel à moi pour ses nouveaux projets, il était clair dans ma tête que je voulais continuer à travers les terrains et créer des environnements sains. Nike m’a emmené à Pékin et Mexico, que je connaissais déjà. Je me suis familiarisé avec ces villes et nous y avons trouvé des endroits cohérents avec le concept, où il y a des familles et où il y a de la vie.
Avant même toute cette excitation autour de la fusion entre le luxe et le streetwear, les collections Pigalle mélangeaient déjà ces deux esthétiques. Que pensez-vous de l’évolution de cette rencontre ?
J’aurais pu capitaliser davantage mais je n'en ai jamais eu envie. Bien sûr, c'est plaisant de sentir que j’ai toujours eu un demi-pied, voire un entier, d'avance sur la mode. Je le faisais sans réfléchir, spontanément. Et c’est d'autant valable pour les terrains que pour ce medley entre sport et mode, qui est devenu monnaie courante aujourd'hui. Je me sens ancré dans mon époque et je sais que je peux être moderne tout en respectant un héritage. J’essaye de continuer dans cette voie.
Que représente la mode pour vous?
J’ai toujours utilisé la mode comme un médium pour mettre des personnalités en scène et les mélanger. Vendre mes collections n’est pas une finalité. Je ne fais pas de showrooms et je n’ai pas de contrainte commerciale. Cela me convient, car j’ai une grande liberté et je peux passer à autre chose sans m'interroger sur les quantités vendues. Dans l’industrie, il est assez étrange d’avoir quelqu’un comme moi, qui vend très peu et uniquement dans ses boutiques. Mais dès qu’il y a une collaboration avec Nike, Pigalle est présent dans 150 boutiques et les quantités produites sont importantes. Je sais donc faire aussi du commercial quand les projets le demandent.
Que proposez-vous dans la collection Pigalle automne-hiver 2020-2021?
Comme d’habitude, j’ai créé cette collection sans me fixer de règle. Toute une partie des pièces sont déclinées dans un camaïeu de orange, en hommage au ballon de basket-ball, puis une seconde partie évoque les musiciens de jazz. Cela fait 3 à 5 ans que je suis passionné par cette musique.
Pouvez-vous dire quelques mots sur votre nouvelle collaboration avec Nike sur des pièces de sportswear?
Ce sont des produits destinés à être portés sur le terrain. Quand je travaille chez Nike, l’idée est de faire quelque chose de fun de moderne et d’accessible en terme de prix. L’intérêt n’est pas de finir avec des pièces à 1000 euros !