Louis Gabriel Nouchi fait danser sa collection automne-hiver 2021-2022
Pour sa première présentation dans le calendrier officiel de la Fashion Week, le créateur français Louis Gabriel Nouchi s’inspire d’un chef d’œuvre de la littérature : “Le Procès” de Kafka. Des couleurs froides des bureaux aux coupes et matières chaudes et confortables, la collection s’imprègne des tensions qui caractérisent notre époque avant d’être incarnée par une troupe de danseurs dans une salle du Palais de Tokyo.
Par Matthieu Jacquet.
Louis Gabriel Nouchi est un véritable bibliophile. Entre la bibliothèque fournie qui s’offre aux visiteurs de sa nouvelle boutique parisienne, les livres feuilletés par les mannequins de la saison printemps-été 2021, et plus généralement les ouvrages qui inspirent chaque nouvelle collection de son jeune label, la littérature occupe sans aucun doute une place centrale chez ce créateur français dont le travail se fait le miroir. Pour l’automne-hiver 2021-2022, c’est dans un nouveau chef d’œuvre du XXe siècle qu’il s’est plongé : Le Procès, roman posthume de Franz Kafka relatant l’arrestation absurde d’un homme pour un crime qui ne sera jamais explicité. Immergé dans cet enfer bureaucratique, magnifiquement mis en image par le cinéaste Orson Welles dans les années 60, Louis Gabriel Nouchi imagine un vestiaire dans les couleurs froides des cols blancs, où les noir et gris anthracite croisent des bleus glacés, où le vert amande installe une ambiance médicale réchauffée parfois par quelques crèmes et camels.
Si quelques pièces amorcent le décor guindé si justement décrit dans le livre, la collection appelle toutefois, dans sa globalité, à un relâchement nécessaire en ces temps troublés. Pour ce faire, Louis Gabriel Nouchi a notamment exploré de nombreuses techniques de tricot : feutrée ou torsadée, la laine recouvre buste et jambes par des pulls et cardigans amples, des pantalons évasés dont les bords touchent le sol ou encore des manteaux bicolores où l’on discerne des rayures horizontales plus claires, directement dessinées lors du tricot. Car la recherche de texture et d’effets de matière est bien au cœur de l’ADN du label, qui présente ici sa sixième collection depuis sa création. Sur un ensemble en denim, les doubles piqûres s’alignent à la manière de rayures tennis, tandis que d’autres pièces se dotent d’une fente sur le côté ou d’un effet tie and dye, deux éléments dont le créateur a fait en seulement quelques années sa signature. Côté souliers, le créateur français a fait appel à nul autre que l’incontournable Christian Louboutin, dont on distingue la semelle rouge signature sous ces paires de bottines plates en cuir noir.
Pour sa première présentation dans le calendrier officiel de la Fashion Week, Louis Gabriel Nouchi a opté pour une salle du Palais de Tokyo, épicentre de la semaine de la mode parisienne malgré l’absence, cette saison, d’un public sur place. En clair-obscur, décuplés à l’infini par une galerie de glaces, des danseurs donnent vie aux vêtements en quelques minutes orchestrées par le chorégraphe Sohrab Chitan. Au fil de brefs tableaux, chacune des pièces s’adapte au mouvement des interprètes à mesure que le chagrin muet des êtres distanciés s’incarne dans la rencontre salutaire des corps.